Rédigé par 14 h 32 min CDs & DVDs, Critiques

A la claire fontaine

En 2010 paraissait la première partie de ce qui constitue désormais l’intégrale du recueil des Fontana d’Israël de Schein (1623), passionnants motets à l’écriture incroyablement riche, entre écriture polyphonique verticale encore issue du leg de Lassus, langage madrigalesque et modernité concertante.

Johann Hermann SCHEIN (1586-1630)

Fontana d’Israël

Dagmar Saskova, Sophie Pattey (soprani), Pierre Sciama (alto), Erwin Aros (haute-contre), Olivier Fichet, Olivier Rault (ténors), Marcos Loureiro de Sà (basse). 

Ensemble Sagittarius
Direction Michel Laplénie 

60’53, Hortus, 2012.

[clear]En 2010 paraissait la première partie de ce qui constitue désormais l’intégrale du recueil des Fontana d’Israël de Schein (1623), passionnants motets à l’écriture incroyablement riche, entre écriture polyphonique verticale encore issue du leg de Lassus, langage madrigalesque et modernité concertante. Si ce prédécesseur de Bach en tant que Cantor à Saint-Thomas est surtout célèbre pour l’influence italienne qu’il introduisit dans la musique sacrée allemande (sans avoir jamais mis le pied dans la péninsule), force est de constater l’extraordinaire habilité de Schein à fusionner les styles et à façonner une forme particulière qui lui est bien propre, à la fois archaïsante et de temps à autre parsemée de passages plus novateurs.

Ces Fontana d’Israël ou Israelsbrünnlein, comportant principalement des motets à 5 voix, ont attiré d’autres lectures très convaincantes, qu’il s’agisse de celle de Martin Flämig (Berlin Classics, 2009) avec un chœur d’enfants enthousiaste et brouillon, ou la belle intégrale de Hermann Max et d’une Reinische Kantorei (Capriccio) plus théâtrale et orchestralement plus opulente tant par l’effectif que par la présence des instrumentistes (basson et clavecin au continuo).

Toutefois, la version de Michel Laplenie et de Sagittarius se détache par sa spiritualité lumineuse, son intensité incandescente, l’attention extrême portée à l’harmonie et aux chromatismes, les nuances dans les tempi et les textures. Il en ressort une performance moins agréable, intelligible et optimiste que celle d’Hermann Max, mais au mysticisme et à la complexité accrus. Si l’abandon du basson dans le continuo est regrettable, d’autant plus que le compositeur le conseillait lui-même, et aurait pu apporter plus de rondeur, le recours à un contre-ténor (Erwin Aros) pour assumer certaines partie d’alto confère à ce pupitre une présence plus importante, et tire l’esthétique sonore vers les aigus.

Le continuo s’avère aussi souple que discret en ce qui concerne la viole de Julia Griffin et le luth poétique de Marc Wolff ; le recours au grand orgue de tribune de Saint-Étienne de Baïgorry et à ses registres se révélant en revanche parfois trop envahissant. Tout au long des motets, Michel Laplénie porte un soin rigoureux au texte voire aux syllabes et aux mots, commentant avec à propos les textes de façon quasi-déclamatoire. Pris au hasard parmi toutes ses œuvres, le “Wem ein tugendsam Weib” illustre à merveille cette intime compréhension de l’émulsion de Schein, concentré de quelques 3 minutes 13 de l’art d’une rhétorique musicale aboutie, avec ses passages en imitation délivrés avec certitude, et son enchaînement aussi savamment sinueux qu’envoûtant.

Voici donc une excellente addition à toute discothèque baroque de bon aloi, et l’on s’abreuverait bien souvent à une telle fontaine.

Sébastien Holzbauer

Technique : prise de son équilibrée et naturelle, avec une belle dynamique.

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 9 novembre 2020
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