Rédigé par 13 h 26 min CDs & DVDs, Critiques

Arrêter de nous prendre pour des conciles !

Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une formidable vermine. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une cuirasse, et, en levant un peu la tête, il s’aperçut qu’il avait un ventre brun en forme de voûte divisé par des nervures arquées. (F. Kafka, La Métamorphose). Bon, d’accord. Cela n’éclaire guère cette Nova Metamorfosi déjà obscure.

Nova Metamorfosi,

Musique Sacrée à Milan au début du XVIIème siècle

 

Le Poème harmonique, dir. Vincent Dumestre

Alpha 039, 1993.

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“Un matin, au sortir d’un rêve agité, Grégoire Samsa s’éveilla transformé dans son lit en une formidable vermine. Il était couché sur le dos, un dos dur comme une cuirasse, et, en levant un peu la tête, il s’aperçut qu’il avait un ventre brun en forme de voûte divisé par des nervures arquées.” (F. Kafka, La Métamorphose)

Bon, d’accord. Cela n’éclaire guère cette Nova Metamorfosi déjà obscure. La métamorphose est donc la suivante :

“Un matin, au sortir du Concile de Trente (1572), les compositeurs s’éveillèrent avec des œuvres composées en faux-bourdon (technique basée sur la récitation dans la partie de ténor du cantus firmus complété par une polyphonie vocale). Ils comprirent que les objectifs d’intelligibilité du texte étaient atteints grâce à cette harmonie simple, et ces mouvements lents et amples.” (Franz Kafka, La Métamorphose, trad. inédite Muse Baroque)

Pour être tout à fait limpide, la Contre-Réforme en avait assez de la polyphonie foisonnante qui gâtait ses services religieux, et se décida à donner un bon coup de balai aux principes de composition de la musique sacrée catholique. Paradoxalement, ce cadre strict permit aux compositeurs de développer à l’extrême l’art d’ornementer au dessus du cantus firmus pour éviter l’ennui de l’homophonie pure. Cette pratique atteint son paroxysme dans les dernières années du XVIème siècle.

Les œuvres présentées proviennent des plumes de Coppini, Ruffo, Monteverdi ou de malheureux anonymes. Vincent Dumestre est parvenu à exhumer des pièces variées, à l’écriture particulièrement soignée.

Le chœur, composé de 8 solistes, est absolument splendide de clarté et de cohérence. L’équilibre entre les parties est légèrement décalé vers les aigus où les voix diaphanes de Claire Leffiliâtre et Catherine Padaut s’envole vers des cieux lumineux peuplés d’angelots. Parmi les voix masculines, on distingue sans difficulté le noble timbre du ténor Jean-François Novelli.

Le continuo serait un peu fleuri aux yeux du Cardinal Borromée et du Concile de Trente, mais les violes, violone, cistre, cornet, dulciane, théorbe et orgue fournissent un soutien coloré jamais envahissant, attentif à laisser le chœur s’épanouir pratiquement a capella. Mis à part le cornet ductile de William Dongois dans le Confitemini Domino, les instrumentistes accompagnent les chanteurs avec originalité et goût.

Si cet enregistrement a été tant encensé par nos confrères, c’est en raison de l’incroyable force qui s’en dégage. D’un mysticisme sans austérité, d’une lumière qui méprise les ombres mais goûte le silence, d’une sensualité enivrante et insidieuse, ce Nova Metamorfosi constitue avant tout un voyage spirituel d’une puissance rare. Et c’est sans réserve aucune que nous joignons notre voix au concert de louanges qui s’est joué lors de la parution d’un enregistrement essentiel à toute discothèque.

Viet-Linh Nguyen

Technique : magnifique prise de son, claire, aérée et aérienne. Le timbre de chaque instrument est rendu avec proximité et fidélité. Un fleuron dû à Hughes Deschaux

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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