Rédigé par 19 h 39 min CDs & DVDs, Critiques

“Une beauté qu’on vient d’arracher au réveil.” (Purcell, Cease, anxious world, La Rêveuse – Mirare)

Voici un programme riche et bien mené, plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. S’y côtoient un choix d’airs purcelliens qui ne cède pas aux caprices du best-of (seuls Sweeter than roses et O let me weep sont réellement célèbres), des sonates, ground et pièces pour clavecin.

“Belle, sans ornement, dans le simple appareil / D’une beauté qu’on vient d’arracher au réveil.” Racine, Britannicus (II,2)

Henry PURCELL (1659-1695)

“Cease, anxious world”
Songs and chamber music

Ensemble La Rêveuse :
Julie Hassler (soprano), Stéphan Dudermel (violon), Florence Bolton (dessus et basse de viole), Angélique Mauillon (harpe triple), Bertrand Cuiller (clavecin et orgue), Benjamin Perrot (théorbe et direction)

60′, Mirare, 2008.

Voici un programme riche et bien mené, plus complexe qu’il n’y paraît de prime abord. S’y côtoient un choix d’airs purcelliens qui ne cède pas aux caprices du “best-of” (seuls “Sweeter than roses” et “O let me weep” sont réellement célèbres), des sonates, ground et pièces pour clavecin. Les airs sont extraits des recueils Orpheus Britannicus et de The Theatre of Musik. “Cease, anxious world” laisse admirer un continuo à la fois coloré et rude, jouant sur les timbres tout en savourant une certaine verdeur, notamment chez les cordes. Le chant de Julie Hassler, argentin et pur, pratiquement dénué de tout vibrato, confère au texte une innocente clarté, renforcée par un phrasé naturel et une diction soignée. Dotée d’aigus dynamiques et d’une grande aisance dans les ornements, son charmant soprano évoque un art de salon intimiste, sensible, d’une subtilité discrète en demi-teinte. Au fruité “Here the deities” sur basse obstinée (reprise dans le prélude instrumental suivant), répond l’insouciant “Dear pretty youth”. Certes, la palette de la chanteuse est un peu monochrome, comparable à ce bleu azur ensoleillé du tableau qui orne la jaquette du disque : “O let me weep” est plus muscaté qu’attristé, et, si les airs n’atteignent pas l’intensité dramatique d’une Nancy Argenta (Virgin) aux infinies nuances, cette lecture émerveillée porte en elle une indéniable poésie.

Pour la partie instrumentale, outre un entêtant ground (Z D.221) genre où Purcell excelle, l’enregistrement inclut deux sonates italianisantes d’une écriture relativement “moderne”. La Rêveuse s’y montre généreuse, tout en conservant des attaques tendues et des départs précis, les temps bien marqués. Le violon de Stéphan Dudermel sonne avec une rugosité rustique qui se marie avec le dessus de viole (ou la basse de viole) suggestif de Florence Bolton. La présence de la harpe triple veloutée d’Angélique Mauillon, alliée au théorbe racé de Benjamin Perrot, redessine l’équilibre de l’orchestre, lorgnant plus vers la péninsule que vers la Tamise. On remarque une fluidité lumineuse, un naturel bien rythmé, un rien “brut”. La forte présence des cordes pincées pimente l’orchestre, et insuffle un aspect aéré et riant aux mouvements. Pour rêver avec La Rêveuse…

Armance d’Esparre

Technique : captation claire et aérée

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 7 décembre 2020
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