Rédigé par 14 h 59 min Concerts, Critiques

“Le Sicilien, sans Alain Delon” (dixit H. Reyne)

Ce spectacle est loin de nous être inconnu, puisque nous l’avions chroniqué lors de sa création en 2011 à l’occasion du Festival de La Chabotterie, qui avait donné lieu à un remarquable enregistrement (Musique à la Chabotterie) et nous ne nous attarderons donc guère sur les péripéties de la rivalité entre Lully et Molière, et sur l’incursion de Charpentier dans la musique de scène.

Charpentier, Musiques pour Molière

La Symphonie du Marais, dir. Hugo Reyne

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© Accent Tonique / Festival de La Chabotterie, 2011

[clear]Marc-Antoine Charpentier
Musique pour les comédies de Molière

[TG name =”Liste des morceaux”]

Ouverture du Dépit amoureux, H. 498
Orphée descendant aux Enfers, H. 471
Ouverture de La Comtesse d’Escarbagnas, H. 494
Intermèdes nouveaux du Mariage forcé, H. 494
Prologue et premier intermède du Malade imaginaire, H. 495 et 495a
Ouverture et sérénade du Sicilien, H. 497 

[/TG]

Romain Champion, haute-contre
Vincent Bouchot, taille
Florian Westphal, basse 

La Simphonie du Marais
Hugo Reyne, flûte, hautbois et direction
Mise en espace : Hugo Reyne
Costumes : Jeannine Lérin-Cagnet 

15 janvier 2013, Opéra Comique, Paris.

Ce spectacle est loin de nous être inconnu, puisque nous l’avions chroniqué lors de sa création en 2011 à l’occasion du Festival de La Chabotterie, qui avait donné lieu à un remarquable enregistrement (Musique à la Chabotterie) et nous ne nous attarderons donc guère sur les péripéties de la rivalité entre Lully et Molière, et sur l’incursion de Charpentier dans la musique de scène. Nous ne parlerons pas plus du Privilège de Lully,  qui comportait une défense à tout autre de “faire chanter aucune pièce entière en musique soit en vers français ou autrement, à peine de dix mille livres d’amende” et une Ordonnance royale défendant aux comédiens de se servir de plus de deux voix et de six violons. C’est donc dans ce contexte d’intense émulation et de forte contrainte que le tandem Charpentier – Molière travailla, cherchant à produire le maximum d’effet à partir d’effectifs musicaux fortement réduits.

Deux ans plus tard, l’étonnement est intact, et il faut admettre de se laisser aller à la truculence bouillonnante du théâtre de Molière, de s’abandonner pleinement aux délices drolatiques de cette musique faite pour l’accompagner et le prolonger. Car, si d’un point de vue purement musical, on notera ça et là de multiples imperfections (une ouverture du Dépit amoureux trop sèche, des décalages dans la section fuguée de celle de La Comtesse d’Escarbagnas, un Romain Champion aux aigus fatigués), Hugo Reyne et La Simphonie du Marais ont parfaitement su restituer la spontanéité jouissive et virevoltante de ce couple entre théâtre et musique encore teinté de la commedia dell’arte. La mise en espace et les costumes, simples mais efficaces, et surtout les talents d’acteurs des solistes, Florian Westphal et Vincent Bouchot en particulier, ont contribué à un climat détendu et sans prétention, où rires et sourires scandaient les enchaînements cocasses de quiproquos et autres saynètes, la langue de Molière d’une malicieuse ironie n’ayant pas pris une ride.[clear]

© Accent Tonique / Festival de La Chabotterie, 2011

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Et si le très sérieux et élégiaque Orphée descendant aux Enfers donné “en guise d’hommage à Molière” s’avère un peu trop plat malgré un beau trio bien équilibré (“Hélas, rien n’est égal aux bonheur des amants”), le Mariage Forcé – “de circonstance” comme le commente un Hugo Reyne malicieux et décidément en verve qui ira jusqu’à parodier le Concert du Nouvel An viennois… avec des peluches – permet à La Simphonie du Marais de prendre son envol avec un trio grotesque “Amants aux cheveux gris” très enlevé. “O la belle simphonie” avec ses bruits de chats, s’avère tout bonnement hilarant, tandis que le Malade Imaginaire joyeusement brouillon (“La peste des violons”), en particulier la sérénade “Zerbinetti” avec un Vincent Bouchot travesti, provoque l’hilarité la plus décomplexée. Et quand les “Heureux matous” viennent conclure le Sicilien, on se rend compte entre deux éclats de rire que nous en avons oublié de noircir notre habituel carnet de notes, tant la représentation, d’une fluidité bon enfant, a su renouer avec habileté avec le genre comique, dont on ne saurait trop souligner la difficulté aujourd’hui en raison des écueils du ridicule ou de l’excessive retenue. Or, ce répertoire difficile nécessite un investissement total, sans arrière-pensée, et une complicité à toute épreuve, ce qu’Hugo Reyne et sa phalange ont démontré avec une prestance burlesque tout bonnement irrésistible.

Viet-Linh Nguyen 

 Site officiel de l’Opéra Comique 

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 18 juillet 2014
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