Rédigé par 14 h 31 min CDs & DVDs, Critiques

Douceur de vivre…

Entre Haendel et Mozart, le public de l’opéra avait oublié tout ce qui s’était composé. Nul ou presque ne se souvenait de Grétry ou du dernier fils de Bach si ce n’est pour le premier d’avoir été l’auteur de mignardises pour Marie – Antoinette et pour l’autre d’avoir été le fils préféré du maître absolu et d’avoir eu une réputation de séducteur.

Jean Chrétien BACH (1735-1782) 

La Dolce fiamma
Forgotten castrato Arias

[TG name =”Liste des airs”]

” Pugna il guerriero ” (La clemenza di Scipione)
“Perché tarda è mai la morte” (Artaserse)
“Sentimi, non partir… Al mio Bene” (Concert Aria)
“La Legge accetto” (Orfeo ed Euridice)
“Cara la dolce flamma” (Adriano in Siria)
“Tutti nemici, e rei” (Adriano in Siria)
“Perfida Cartismandua !… Fra l’orrore” (Carattaco)
“No, che non ha la sorte… Vo solcando un mer crudele” (Artaserse)
“Ebben si vada… Io ti lascio” (Concert Aria)
“Ch’io parta” (Temistocle)

 [/TG]

philippe-jaroussky-la-dolcePhilippe Jaroussky (contre-ténor)
Le Cercle de l’Harmonie
Direction Jérémie Rohrer 

63’08, Virgin Classics, mai 2009.

[clear]

Entre Haendel et Mozart, le public de l’opéra avait oublié tout ce qui s’était composé. Nul ou presque ne se souvenait de Grétry ou du dernier fils de Bach si ce n’est pour le premier d’avoir été l’auteur de mignardises pour Marie – Antoinette et pour l’autre d’avoir été le fils préféré du maître absolu et d’avoir eu une réputation de séducteur. Jamais non plus les castrats n’avait retrouvé depuis leur “bienheureuse” disparation une telle fascination auprès du public et des artistes, contre-ténors et mezzo-sopranos. Certains cherchant à  prouver et à se démontrer une filiation vocale dont on peut se demander ce qu’elle traduit d’un certain état d’esprit, d’un mal de vivre de ne pouvoir se reconnaître autrement que par des attachements sulfureux.

Se faire un prénom pourrait paraître au public du XXIe siècle un problème auquel aurait pu être confronté Johann Christian. Mais ce ne fut pas le cas. Contrairement à ses frères, il part sur les routes d’Europe et très rapidement va rencontrer un succès que ne se démentira quasiment jamais, réussissant dans l’opéra ce que son père avait réussi dans la musique sacrée. Pas même après son installation à Londres et alors qu’il est constamment en but à des cabales du clan italien qui dirige les grands théâtres londoniens, et malgré quelques insuccès  il ne va connaître de vrai période de difficultés. Comme un peu plus tard Grétry en France et pourtant l’oubli les a recouverts.

Dans le cas de Johann Christian, le talent des interprètes de cet enregistrement, permet de découvrir un coloriste de la pâte sonore classique. Les cordes du Cercle de l’Harmonie se font tendres ou tempétueuses, les bassons, cors, clarinettes viennent apporter du corps et de la rondeur à la voix tandis que le piano forte apporte légèreté et fluidité dans “Sentimi, non partir….”. Déjà le baroque est loin et si le terme rococo s’appliquait à la musique, il serait peut être le plus à même de qualifier celle que l’on nous offre dans ce programme. Car que ce soit pour la musique et plus encore pour le chant, l’art de l’ornementation y atteint des sommets en matière de volubilité. Il est fait de délicatesse et d’ostentation, n’évitant la lourdeur due à la masse orchestrale ou le pathos qu’à force de complexité et de virtuosité. La direction de Jérémie Rhorer, mélange de fougue et de raison, est à l’écoute du chanteur.

Philippe Jaroussky joue de ce timbre particulier d’ange pour qui l’affect devient l’expression d’une sensualité non exempte de perversité tant la voix qui se veut “androgyne” puisqu’elle revendique son statut d’ange sème le trouble. Mais ce n’est pas une voix d’ange que l’on entend, mais celle d’un adulte qui se croit à jamais enfant.

Philippe Jaroussky, dans les deux airs d’Adriano in Siria nous fait ainsi comprendre ce goût de l’extase dans la souffrance. Comprendre pour certains ne voudra pas forcément dire partager, mais entendre, ressentir, percevoir, une souffrance si humaine dans l’inhumain. Dans “Cara la dolce flamma”, Philippe Jaroussky  retrouve ce que le chant des castrats inspirait à son public. D’une lancinante beauté dans sa légendaire mezza di voce, cette voix de l’enfant/ange sublime l’instant nous abandonnant à cette sensualité interdite.

A l’écoute de ce CD, on ne peut que vous donner un conseil, celui de ne pas entrer dans les vaines querelles d’écoles auquel se livrent certains livrets,  pour savoir qui des voix de femmes ou des voix de contre-ténors sopranistes est la plus à même de vous rendre les voix pour lesquels ces œuvres furent composées. Car que ce soit Cécilia Bartoli dans Sacrificium (Decca) ou Philippe Jaroussky dans ce CD, nous sommes en présence en cette fin d’année de deux enregistrements exceptionnels. Ces deux artistes au tempérament bien marqué, nous offrent deux visions d’un art dont il est préférable qu’il soit ce qu’il est aujourd’hui, celui d’un travail offrant à la virtuosité vocale des couleurs possédant cette faculté de nous émerveiller sans le goût amer du sacrifice de l’enfance et de toutes ses vies brisées.

Monique Parmentier

Technique : prise de son souple et aérienne favorisant le dialogue entre orchestre et chanteur

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 11 juillet 2014
Fermer