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Flamboyance napolitaine (Franco Fagioli, Alessandro De Marchi, Academia Montis Regalis – Naïve )

Après son inoubliable prestation dans l’Artaserse de Vinci, le contre-ténor Franco Fagioli nous propose une autre incursion dans le répertoire napolitain, à travers des airs de Porpora. A l’exception de la cantate Il ritiro, il s’agit d’extraits d’opéras du compositeur parténopéen, mal connus car rarement enregistrés en intégrale.

NICOLA PORPORA (1686-1768)

Il maestro Porpora arias 

– “Sifemo, acte III, scène 5)
e tu la reggi al volo” (Valentiniano, Ezio, Acte I, scène 9)
– “Vorrei spiegar l’affanno” (Scitalce, Semiramide riconosciuta, acte I, scène 4)

– “Già si desta la tempesta” (Araspe, Didone abbandonata, acte III, scène 13)
– “Torbido intorno al core” (Ericlea, Meride e Selinunte, acte II, scène 13)
– “Il pastor se torna aprile” (Semiramide, Semiramide riconosciuta, acte II, scène 6)
– “Distillatevi o cieli” (Umanita, Il verbo in carne, oratorio per la nascita di Gesù Cristo)
– “Con alma intrepida” (Selinunte, Meride e Selinunte, acte III, scène 3)
– “A voi ritorno campagne amene” (Il ritiro, cantata a voce sola con stromenti)
– “Nell’attendere il mio bene” (Aci, Polifemo, acte II, scène 5)

– “Alto Giove” (Aci, Pol- “Spesso di nubi cinto” (Adalgiso, Carlo il Calvo, acte II, scène 14)
– “Non lasciar chi t’ama tanto” (Vulcano, Vulcano, cantata a voce sola con violini)

Franco Fagioli, contre-ténor
Orchestre Academia Montis Regalis
Direction : Alessandro De Marchi

Durée : 80′. Naïve (2014)

Après son inoubliable prestation dans l’Artaserse de Vinci, le contre-ténor Franco Fagioli nous propose une autre incursion dans le répertoire napolitain, à travers des airs de Porpora. A l’exception de la cantate “Il ritiro”, il s’agit d’extraits d’opéras du compositeur parténopéen, mal connus car rarement enregistrés en intégrale. Cette circonstance renforce évidemment l’intérêt de ce récital, qui permet de mieux évaluer la virtuosité vocale et la richesse des ornements du chant napolitain à l’époque où il triomphe dans les capitales européennes. Pour cette éclatante présentation le chanteur s’appuie opportunément sur l’orchestre Academia Montis Regalis : sous la baguette d’Alessandro De Marchi les passages de bravoure s’enivrent de sonorités foisonnantes parsemées de cuivres flamboyants, tandis que les moments plus intimes ou plus dramatiques s’appuient sur une ligne orchestrale précise et bien tenue, agrémentée de nuances délicates. Le récital respecte une alternance à peu près équilibrée de morceaux de bravoure et d’airs plus apaisés, qui en renouvelle sans cesse l’intérêt.

De son timbre ductile, le contre-ténor nous entraîne d’emblée dans un tourbillonnant “Se tu la reggi al volo”. Les inévitables trompettes annoncent avec bonheur les ornements qui s’enchaînent dans un abattage virtuose. Poursuivons sur les autres airs de bravoure. Le “Già si desta” s’ouvre sur l’effet d’un bruitage de tempête, tout à fait convaincant. Les attaques saccadées du chanteur se développent sur un orchestre aux sons opulents, le timbre semble se parer de la noirceur qui emplit le ciel et culmine dans des ornements étourdissants. Le “Con alma intrepida” déborde de bravoure assumée, avec des attaques incisives et des ornements qui fusent vers l’infini, soulignant le contraste avec la seconde partie de l’air, plus apaisée. Et le fulgurant “Spesso di nubi”, véritable pépite de l’opéra “Carlo il Calvo”, resplendit avec un panache inouï d’une cascade de mélismes, avant un stupéfiant final aux graves cuivrés qui laisse l’auditeur pantois.

Par-delà cette virtuosité vocale qui suscite légitimement l’admiration, ce sont toutefois les airs lents qui nous semblent donner la pleine mesure des talents dramatiques du contre-ténor et de l’étendue de son timbre. Le “Vorrei spiegar” amène un échange complice entre les attaques étirées des cordes et une voix pleine de pudeur retenue. La ligne de chant éthérée reflète la quête incessante d’un équilibre ténu, à la limite de la rupture, qui met en valeur chaque parole du texte. De beaux graves charnus s’y épanouissent, dans ce qui est certainement l’un des plus remarquables moments de cet enregistrement. Le “Torbido interno” au timbre imprégné d’angoisse et d’effroi, développe ses longs ornements filés sur une ligne suspendue, quasi-surnaturelle. Et c’est la volupté de l’amour qui s’offre à nos oreilles dans le “A voi ritorno”, avec ses longs ornements moirés, et se mue délicatement en détresse dans le “Non lasciar chi t’ama tanto” qui clôt le récital de ses ornements aériens. “Alto Giove” sonne telle une supplique recueillie, déférente et quelque peu solennelle, à l’ornementation ciselée avec précision, qui va crescendo jusqu’à l’admirable chute finale.
Trois autres airs éclairent encore d’autres facettes des possibilités de Franco Fagioli. La pastorale “Il pastor” égrène goutte à goutte ses ornements perlés, repris à l’envie par les vents subtils de l’Academia Montis Regalis puis par les cordes. Et la bonté déborde du “Distillatevi o cieli”, dont les ornements bien ronds s’épanouissent au milieu d’un orchestre aux sonorités moelleuses. Enfin les mélismes impatients de “Nell’attendere il mio bene”, introduits par des trompettes bien sonores et vigoureusement relayés par l’orchestre, semblent sautiller pour mieux traduire la frémissante attente de l’amour.
Maestro Fagioli, que voilà une succulente tranche napolitaine !

Bruno Maury

Technique : prise de son claire, bon équilibre global entre la voix et l’orchestre même si ce dernier est très présent.

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 11 février 2022
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