Rédigé par 21 h 02 min CDs & DVDs, Critiques

Fuguons

Les lecteurs savent notre attachement aux œuvres intellectuelles de Bach, notamment le Clavier bien Tempéré, l’Offrande Musicale et l’Art de la Fugue. Ils savent notre maniaque attention dans la réalisation du contrepoint, la variété des affects, la richesse des timbres, points trop souvent délaissés au profit d’approches soit d’une pédanterie austère, soit d’une galante virtuosité.

Jean-Sébastien BACH (1685-1750)

L’Art de la Fugue (Die Kunst der Fuge)

 

Pierre-Laurent Aimard (piano) 

78’36, Deutsche Grammophon, enr. 2007

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Les lecteurs savent notre attachement aux œuvres “intellectuelles” de Bach, notamment le Clavier bien Tempéré, l’Offrande Musicale et l’Art de la Fugue. Ils savent notre maniaque attention dans la réalisation du contrepoint, la variété des affects, la richesse des timbres, points trop souvent délaissés au profit d’approches soit d’une pédanterie austère, soit d’une galante virtuosité. Heureusement, Pierre-Laurent Aimard est de ceux qui ne se complaisent pas dans une lecture uniforme ou simplificatrice. Dès les premières mesures, son toucher nous rappelle instantanément celui de Glenn Gould : c’est qu’on y retrouve cette clarté brûlante des lignes, cette dissection introspective permanente, cette poésie un peu nostalgique qui affleure à chaque note.  Mais Pierre-Laurent Aimard n’est évidemment pas un clone du regretté canadien, et son tempérament plus souple laisse place à un jeu nettement plus legato, et à une plus grande liberté dans les tempi (subtiles et grisantes accélération dans le 4ème Contrepoint). Pudique mais sans retenue, techniquement impeccable, le pianiste nous entraîne dans des méandres de perplexité, sculptant chaque mouvement comme un portrait ou un voyage quasi-autonome tout en conservant en permanence le souci du contrepoint et de l’exposition du motif. Par exemple, au docte “Contrapunctus 1” magistral et guindé succède un “Contrapunctus 2” souriant et vif, où Aimard n’hésite pas à introduire une sorte de balancement claudiquant qui instille un air dansant à la pièce. Puis le soleil disparaît soudain, et révèle avec regret le “Contrapuctus 3”  hésitant et murmurant telle une supplication archaïque. Voilà donc une fort belle interprétation, très personnelle, difficile à caractériser tant elle vagabonde entre les climats, toujours d’une grande densité, et où la musique cherche à se faire le témoin de la richesse de l’Homme.

Viet-Linh Nguyen

Technique : prise de son à la fois proche et légèrement réverbérée.

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 31 décembre 2007
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