Rédigé par 20 h 17 min Causeries

Iphigénie en Ontario. I-Préambule (du 26 au 27 septembre)

Après huit heures de vol et des vents d’ouest trop forts pour nous permettre d’arriver à l’heure, me voilà sur l’hospitalier sol canadien, qui sera le mien pour six semaines. C’est pour travailler sur Iphigéne en Tauride de Christoph Willibald Glück que j’ai quitté Paris ce matin.

Iphigénie en Ontario

Journal de répétitions avec du suspense, de l’action, de la musique, des Polaroïd 600 et des ballets, par Monsieur Charles Di Meglio augmenté for the eyes delight de photographies disparates

I-Préambule (du 26 au 27 septembre)

Samedi 26 septembre 2009, J-2.

Aux alentours de 13h.

Après huit heures de vol et des vents d’ouest trop forts pour nous permettre d’arriver à l’heure, me voilà sur l’hospitalier sol canadien, qui sera le mien pour six semaines. 

C’est pour travailler sur Iphigéne en Tauride de Christoph Willibald Glück que j’ai quitté Paris ce matin. Le spectacle est monté par Opera Atelier, une compagnie reconnue pour ses mises en scènes baroques d’opéras baroques, et fondée il y a vingt-cinq ans par Marshall Pynkoski et Jeannette Lajeunesse-Zingg, respectivement metteur en scène et chorégraphe. 

Je suis accueilli par un membre de l’administration de la Compagnie, qui vient également chercher Kresimir Spicer, notre Oreste, qui était dans le même avion que moi.

Une espèce d’énorme masse impressionnante, comme seule l’Europe de l’Est sait en produire, qui pourrait nous écraser aussi facilement que Samson quand il défit le palais de Dalila, mais avec deux yeux bleus perçants, si purs et si cristallins qu’ils emplissent tout son visage d’une grande bonté et générosité.

 

Dimanche 27 septembre 2009, J-1.

Vers 22h.

Déjeuner tardif avec Marshall et Jeannette chez eux, dans le Nord de Toronto, avec aussi Gerard Gauci, le décorateur de la compagnie. Une délicieuse après-midi détendue, évoquant les chanteurs et à quel point nous imaginons qu’ils seront bien dans leurs rôles, parlant de l’opéra, chantant tous nos moments préférés, nous rappelant combien l’œuvre est dramatique et puissante, et puis nous amusant aussi un peu de ce procédé de Glück qui a tout de même recyclé pas mal de musique de ses pièces précédentes dans cette Iphigénie.

En plus de ma charge attitrée, on me nomme officiellement Opérateur de la Machine à Vent qui sera actionnée pendant la tempête d’ouverture, ce qui me fait frétiller de joie. Une vieille machine du dix-neuvième siècle, semble-t-il, qui a servi pendant la tournée des Ballets russes.

Nous parlons art, spectacle, drame, théâtre, poésie. Et de l’angoisse et attente immenses que nous partageons tous à l’idée de commencer enfin les répétitions demain.

De retour chez mes hôtes, Linda et Stephen Cook, j’essaie de réparer leur clavecin, de changer les frettes et de le recorder. Mais la rouille accumulée depuis vingt ans fait sauter et casser les cordes ; nous décidons d’en acheter de nouvelles, ainsi que des plumes de faisan (pour lesdites frettes), tandis que je parviens à accorder une vague demie-octave.

Deux heures moins vingt. 

Réveil un peu précipité, pour retrouver Marshall aux bureaux de la Compagnie, avant que nous nous rendions chez un galeriste d’estampes japonaises, que nous collectionnons tous les deux. Nous y passons un bout de temps, nous extasiant devant des épreuves de très haute qualité, puis nous nous rendons au studio, où nous parlons des heures.

J’apprends simplement une très mauvaise nouvelle : à cause des règles syndicales, je ne pourrai actionner la machine à vent pendant les représentations, à moins d’être payé pour le faire, ce qui est absurde. Ce sera donc un choriste qui ne chante pas pendant l’ouverture qui devra le faire… Je suis très triste, cela s’entend.

Le chœur arrive à 19h, et je les fais travailler leur français une fois de plus — je suis complètement hyperactif, et très heureux de travailler avec eux — plaisir que j’ose croire partagé, car ils sourient beaucoup à mes retours et semblent les attendre. Et c’est très agréable d’entendre à nouveau les chœurs à pleine voix, après tout ce temps où nous devions nous contenter soit de Fallis, soit de Vicki, soit de moi…

Demain, grosse journée, où absolument toute l’équipe du spectacle sera présente: nous répétons enfin avec l’orchestre, tandis qu’Andrew sera de retour, et les choristes seront là également, pour travailler avec lui pour la première fois sur ce spectacle. 

Charles di Meglio

Étiquettes : , , , Dernière modification: 18 juillet 2014
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