Rédigé par 22 h 54 min CDs & DVDs, Critiques

Janine ou l’archet qui brille

Il y a quelque chose de lumineux et de gai dans l’archet (moderne) et le violon de Janine Jensen. Une clarté et une précision paradoxalement mêlées de laisser-aller, comme si l’artiste s’apercevait avec surprise que sa lecture était conforme à ses pensées. Le timbre est transparent sans être totalement lisse, les articulations bien choisies.

Jean-Sébastien BACH (1685-1750)

Inventions et Partita pour violon seul

 

Inventions à deux et trois voix BWV 772-801
Partita n°2 pour violon seul BWX 104 

Janine Jansen (violon), Maxim Rysanov (alto), Torleif Thedéen (violoncelle)

79’08, Decca, enr. 2007

[clear]

Il y a quelque chose de lumineux et de gai dans l’archet (moderne) et le violon de Janine Jensen. Une clarté et une précision paradoxalement mêlées de laisser-aller, comme si l’artiste s’apercevait avec surprise que sa lecture était conforme à ses pensées. Le timbre est transparent sans être totalement lisse, les articulations bien choisies. Un peu de legato, et du vibrato de temps à autre agrémentent un programme surprenant. En effet, la ravissante Janine Jansen et ses compagnons se sont lancés dans la transcription périlleuse des Inventions à deux et trois voix de Bach, n’hésitant pas à transposer à l’octave certaines parties. L’approche est virevoltante et incroyablement légère, jamais agressive, se complaisant souvent au murmure sensuel. Le sens du contrepoint du Cantor est un peu balayé par cette caressante brise printanière et ses arabesques mélodiques, et la prise de son qui met très en avant la violoniste hollandaise renforce cette impression.

Cet optimisme inébranlable transparaît également dans la 2nde Partita pour violon seul et sa sublime Sarabande qui n’a rien à voir avec la douloureuse version de Monica Huggett que nous avions chroniquée précédemment. L’austérité et l’introspection cèdent la place à une douce mélodie de fin d’après-midi. Janine Jansen a déjà répondu à notre reproche tacite de ne pas avoir monté ce Stradivarius de 1727 avec des cordes en boyau : “Le fait d’être exposé au style d’interprétation authentique [i.e. l’usage des instruments d’époque et des canons interprétatifs du temps] affecte naturellement la manière dont on conçoit cette musique. Mais je crois qu’il faut se fier à ses propres émotions et à ses propres instincts musicaux. J’utilise un instrument et un archet modernes, et à mon sens c’est la manière de respirer avec la musique et la façon de phraser qui en fait définit une personnalité artistique. Si on n’y prend pas garde, la musique baroque a tendance à vous mettre “dans une case” ” Nous lui rétorquerions que jouer avec un instrument baroque en respectant les préceptes du temps n’équivaut pas à une mécanique résurrection et laisse tout autant la place à la respiration et au phrasé. Andrew Manze en sait d’ailleurs quelque chose…

Quoiqu’il en soit, ce disque agréable et spontané est de ceux qui mettent de bonne humeur, et contre lequel les critiques musicoloco-techniques butent sur un sourire d’enfant. Alors, oui, le violon est moderne. Oui, les sacro-saintes œuvres pour clavier ont été transcrites. Non, ce n’est pas une catastrophe. Et c’est une litote.

Alexandre Barrère

Technique : prise de son précise et bien spatialisée, avec le violon de Janine Jansen en avant.

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 23 novembre 2020
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