Rédigé par 15 h 33 min Concerts, Critiques

Une lente mise en abîme (Mamamouchi, festival du Périgord noir – 9 août 2014)

Les ambitions étaient grandes pour cette édition de l’Académie du Festival du Périgord noir : dix jours, une trentaine de stagiaires, deux danseurs, des comédiens, un conteur, des costumes et Michel Laplénie pour monter le Bourgeois gentilhomme de Molière/Lully, ou plutôt la musique de ce dernier, enrobée d’extraits de la pièce.

Mamamouchi
ou Molière et Lully, de Versailles à la Sublime Porte

Abbaye de Saint-Amand-de-Coly, Festival du Périgord noir

 

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Photo Florence Chevalier

Mamamouchi, ou Molière et Lully, de Versailles à la Sublime Porte

Les Académiciens de Musique ancienne du Périgord noir
Yvon Repérant, responsable du continuo et chef de chant
Johannes Pramsohler, responsable des cordes

Stéphane Héaume, récit
Françoise Denieau, chorégraphie
Thierry Bosquet, costumes

Michel Laplénie, direction
Jean-Paul Bouron, mise en scène

Samedi 9 août 2014, Abbaye de Saint-Amand-de-Coly (Dordogne), dans le cadre du festival du Périgord noir

Les ambitions étaient grandes pour cette édition de l’Académie du Festival du Périgord noir : dix jours, une trentaine de stagiaires, deux danseurs, des comédiens, un conteur, des costumes et Michel Laplénie pour monter le Bourgeois gentilhomme de Molière/Lully, ou plutôt la musique de ce dernier, enrobée d’extraits de la pièce.

Monter d’ailleurs non pas le Bourgeois gentilhomme mais un spectacle qui tente de mettre en avant l’aspect historique de l’œuvre (comme le précise bien le site officiel), d’où le changement de titre, et dont l’intérêt principal réside dans la musique (toujours le site). Pour finir, le site nous annonce deux heures de spectacle. Si seulement ! Car dix jours pour monter trois heures de spectacle, c’est court, trop court hélas.

Après une jolie ouverture harmonieuse et légère, avec de beaux dessus de violon, et un continuo présent pour le mieux, les trois dernières entrées du Ballet des Nations nous attendaient, les Espagnols, les Italiens puis des Poitevins.

Se que me muero de amor, le premier air espagnol est une plainte. Une langueur certaine était tout à fait légitime et bienvenue. Seulement, voilà, cette dite langueur semble ensuite avoir déteint sur l’ensemble et tout, y compris Sù cantiamo, Sù godiamo des Italiens, se trainait comme un vieux bœuf sa charette. Les chanteurs tenaient le coup, et les instrumentistes de même, pour produire un ensemble uni et cohérent, mais les tempi étaient décidément un peu trop mollassons. 

Qui dit comédie-ballet, dit comédie, et nous souriions par moments aux intermèdes théâtraux. Mais dit aussi, hélas, ballet. Fussions-nous une personne sujette au sommeil, nous aurions peut-être eu la chance d’être déjà endormi par cette lenteur qui nous berçait presque lorsque les danseurs firent leur première entrée. Mais votre serviteur ne s’y adonne que très peu, et il souffrit en silence tandis que les assemblés, les pas de bourrées s’enchaînaient plutôt en rythme, mais sans équilibre très-certain, les jambes sans souplesse, les mains, en raides équerres. Malgré l’implication de Françoise Denieau, et sans doute du fait d’une préparation trop hâtive, les danseurs ont paru bien verts et scolaires.

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D.R.

Nous pourrions naturellement continuer ainsi le catalogue de nos réserves et déceptions, évoquer la mise en scène vue et revue qui ne parvenait guère à faire rire malgré la force du texte de Molière (sinon pour quelques passages de Monsieur Jourdain, incarné par Nicolas Saint-Georges habilement et avec moins d’emphase que ses camarades), citer les passages du conteur qui d’une voix roublarde et microtée, cependant agréable, permettaient d’avancer dans le fil de l’action sans avoir à représenter toute l’œuvre, mentionner une ébauche de gestuelle baroque sur les airs chantés que, désemparé, nous ne pourrons pas autrement qualifier que de pauvre.

Mais oublions ces désappointements, et citons quelques bonnes choses : l’orchestre des Académiciens de Musique ancienne du Périgord noir était plutôt léger et fluide (avec un premier violon guidant avec à-propos les départs), harmonieux et délicat dans les passages des danses qui, musicalement, étaient plus réussies (sinon pour quelques tempi un peu lents), nous faisant sur nos sièges, grâce, entre autres, à des percussions bien choisies et dosées, enlevés, enchaîner les pas discrètement.

Des chanteurs non identifiés [NdLR : on pardonnera cette évocation vague, le chroniqueur n’ayant pas reçu le programme détaillé], deux ont retenu l’attention de votre serviteur toujours aussi zélé : une dessus qui interprétait, entre autres, l’élève du maître de musique, puis la musicienne du dialogue en musique… Sa voix chaude et chaleureuse dans les médium, bien tenue et souple lui faisait ornementer avec goût et facilité, faisant sonner des harmoniques claires dans les notes plus hautes, remplissant les voûtes de l’abbaye fortifiée. 

Photo Florence Chevalier

Photo Florence Chevalier

Une basse a également produit une impression durable, habillé de vert qu’était notre chanteur, qui, l’air de rien, descendait bien en bas, dans de profonds gouffres de notes, mais sans pour autant perdre en légèreté et souplesse en montant dans ses harmoniques larges. Une voix rare, où rien ne tire, et somme toute, réjouissante et surtout prometteuse.

Permettez que nous arrêtions-là notre compte-rendu qui risquerait de devenir aussi monotone que la direction d’un orchestre qui eût pu faire et mérité bien mieux, et dont on espère qu’avec plus de préparation et une direction plus dramatique la prochaine saison puisse renouer avec les précédents succès.

Charles Di Meglio

Vers le site du Festival du Périgord noir

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 16 octobre 2022
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