Rédigé par 8 h 30 min Concerts, Critiques

50 ans !!! (Monteverdi Choir – English Baroque Soloists – John Eliot Gardiner – Cité de la Musique, 06 octobre 2014)

C’est en 1964 qu’un jeune chef britannique d’à peine 20 ans, étudiant au King’s College de Cambridge, du nom de John Eliot Gardiner, a fondé le Monteverdi Choir, pour donner en concert les Vêpres à la Vierge de Monteverdi à la chapelle de son école. Depuis, avec une exigence stylistique qui révolutionna le monde musical de l’époque, il a parcouru un long chemin avec ses choristes, auxquels s’ajoute une autre formation, English Baroque Soloists, dès 1978.

Sir John Eliot Gardiner (c) Anima Mundi festival Pisa

(c) Anima Mundi festival Pisa

Domenico Scarlatti : Stabat Mater
Johann Sebastian Bach : Cantate « Mein Herze schwimmt im Blut » BWV 199
Georg Friedrich Haendel : Dixit Dominus HWV 232 (Psaume 109)

Monteverdi Choir
English Baroque Soloists
Esther Brazil, mezzo-soprano
Sir John Eliot Gardiner, direction

Paris, le 6 octobre 2014, Cité de la musique (salle des concerts).

C’est en 1964 qu’un jeune chef britannique d’à peine 20 ans, étudiant au King’s College de Cambridge, du nom de John Eliot Gardiner, a fondé le Monteverdi Choir, pour donner en concert les Vêpres à la Vierge de Monteverdi à la chapelle de son école. Depuis, avec une exigence stylistique qui révolutionna le monde musical de l’époque, il a parcouru un long chemin avec ses choristes, auxquels s’ajoute une autre formation, English Baroque Soloists, dès 1978. Défenseurs de la musique française, ils ont recréé ensemble Les Boréades de Rameau en 1982, sous les yeux et les oreilles sceptiques de certains (scepticisme qui s’est cependant estompé depuis). En 2000, pour les 250 ans de la mort de Jean-Sébastien Bach, ils ont donné une intégrale de ses Cantates, dans plus de 60 églises européennes.

Le concert du 6 octobre revêt une double signification : il comprend d’une part l’une de ces cantates, « Mein Herze schwimmt im Blut » BWV 199, pour prolonger l’aventure Bach – d’autant plus que le chef vient de sortir la version française d’une biographie du compositeur – et d’autre part, Dixit Dominus HWV 232 de Haendel, la pièce phare de la tournée européenne d’été des deux formations qui s’achève donc à Paris.

Comme pièce d’entrée, le Stabat Mater de Scarlatti. Initialement écrit pour 10 voix et basse continue, le Monteverdi Choir le chante à 29, en véritable orchestre vocal, avec des traits dramatiques évoquant, de temps à autre, plutôt une musique classique voire romantique que baroque, notamment à la période Sturm und Drang. Les voix légèrement teintées de vibrato confortent ce sentiment, de même que des dynamiques clairement marquées, comme crescendo et decrescendo subito sur une même note. Mais le caractère essentiel de l’œuvre n’est nullement perdu, justement par sa dramaturgie, mais aussi grâce aux voix cristallines suggérant l’adoration pour la Mère du Christ.

Le caractère dramatique continue avec la célèbre Cantate BV 199 pour soprano, qui s’ouvre avec un ample récitatif, construction assez inhabituelle. L’une des choristes du Monteverdi Choir, Esther Brazil, la mezzo-soprano américaine multiculturelle (scolarité à Pékin, Singapour et Sydney, études de philosophie et de théologie au Queen’s College d’Oxford où elle était également choriste), assure la partie soliste. Si elle se montre parfois timide, avec une diction qui n’est pas toujours parfaitement claire, son sens du phrasé et son intention d’être immergée dans la musique se manifestent nettement à travers l’interprétation. L’orchestre, d’une sonorité argentée, ne s’affirme jamais plus que nécessaire, en maintenant ainsi un équilibre subtil avec les voix, de même que le hautbois et l’alto en solo. Tout cela rend l’ensemble extrêmement agréable à écouter !

Après l’entracte, c’est le moment le plus dramatique de la soirée, avec Dixit Dominus de Haendel. Sir John Eliot Gardiner insiste plus que jamais sur les dynamiques, les forte très franchement forte, surtout pour les voix masculines. Les voix sont d’une grande homogénéité et d’un naturel remarquable, comme l’alto solo dans le premier air après le chœur initial, qui se fond dans la basse continue, ou dans le chœur « Jurabit Dominus » où toutes les parties se confondent en une même sonorité, surtout les sopranos, comme une seule voix. Il y a aussi l’aspect visuel : dans l’avant-dernier duo et chœur « De torrente in via bibet propterea exaltabit caput », la soprano et l’alto chantent debout, tandis que les voix masculines en chœur, qui s’expriment en piano, restent assis. Dans le chœur final, à chaque entrée, le pupitre concerné se lève avec vigueur, donnant un effet proche d’une captation vidéo en zoom… Bien sûr, « cette mise en scène » ne nuit aucunement à la qualité de l’interprétation, surtout à la clarté des parties fuguées. L’intensité de la performance a fortement impressionné l’auditoire, qui a continué à applaudir longtemps, très longtemps.

Cécile Colline-Duchamp

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 16 janvier 2022
Fermer