Rédigé par 11 h 54 min CDs & DVDs, Critiques

Pas de marée sur la Tamise

Les instrumentistes sont remarquables de justesse, cuivres y compris. Les tempi fluides et bien choisis. Mais que manque t-il donc à ces deux enregistrements pour véritablement emporter l’adhésion ? De la spontanéité, de la rugosité, quelques couacs de la part des cornistes (pas autant que chez Harnoncourt, Malgoire ou Niquet mais un peu quand même), plus de mouvement ?

Georg-Frederic HAENDEL (1785-1759)

Water Music
Music for the Royal Fireworks

 

The English Concert,
Direction Trevor Pinnock 

Archiv enr. 1983 (Water Music), 1985 (Fireworks Music), reed. remasterisée 2009

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Les instrumentistes sont remarquables de justesse, cuivres y compris. Les tempi fluides et bien choisis. Mais que manque t-il donc à ces deux enregistrements pour véritablement emporter l’adhésion ? De la spontanéité, de la rugosité, quelques couacs de la part des cornistes (pas autant que chez Harnoncourt, Malgoire ou Niquet mais un peu quand même), plus de mouvement ? Trevor Pinnock livre une interprétation tellement parfaite qu’elle en devient lisse, convenue, parfois ennuyeuse. Même dans son second enregistrement des Music for the Royal Fireworks plus vivant (avec uniquement des instruments à vent), il gardera ce substrat élégant et nonchalant, détaché des emportements de la foule barbare. Il y a quelque chose de curial et de pompeux dans cette interprétation qui fit longtemps figure de référence, et qui demeure encore recommandable pour ceux qui recherchent un Haendel équilibré et maîtrisé.

The English Concert s’y révèle d’une tenue irréprochable, associant une cohésion rare à l’époque (“enfin un orchestre baroque qui sonne juste !” diront certains) et des couleurs pastels avec des hautbois très doux, des cordes fines, des cuivres pontifiants. L’Ouverture de la Water Music bénéficie des prestations virtuoses et lumineuses de Simon Standage et d’Elizabeth Wilcock dont le discours fleuri contraste avec les attaques fermes mais sans violence de l’orchestre. Cependant, dans les grands moments d’excitation et de bravoure, les musiciens hésitent à larguer les amarres, soucieux de conserver un sang-froid poli qui refuse les accélérations, les gros crescendos par paliers, les cuivres s’époumonant. L’Allegro avec ses cors de bon aloi est rythmiquement peu marqué, le continuo toujours sage, alors même que le Menuet qui suit prend des tournures plus volontaires. Le sacro-saint Alla Hornpipe prend l’allure d’une conversation de boudoir, avec ses cuivres qui se répondent aimablement, “après vous, très cher” semblent se dire les instrumentistes dans leur assaut d’amabilité qui confine parfois à la monotonie. Idem dans la Royal Fireworks Music, à l’approche plus pesante que la Water Music et où Pinnock choisit des tempi amples et précautionneux. L’Adagio de l’Ouverture est digne d’une inauguration en présence de la Reine Victoria, et le doux balancement de “la Paix” débouche hélas sur le martial mitraillage des tambours de “la Réjouissance”, appliqué mais sans enthousiasme. Trevor Pinnock a parfaitement rendu l’aspect fonctionnel de cette musique qu’il conçoit plutôt comme un décor que comme une interprétation autonome. Mais on ne peut s’empêcher qu’il manque à ce Haendel si terriblement British le spectacle des barges royales sur la Tamise et les feux d’artifice dans le ciel pour être convaincant… Et l’on retournera bien vite à l’abandon multicolore de Savall (Astrée).

Alexandre Barrère

Technique : enregistrement remasterisé avec une nouvelle spatialisation. Le son est ample, quoiqu’assez artificiel.

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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