Rédigé par 14 h 25 min CDs & DVDs, Critiques

Pendez l’ingénieur du son !

Paolo Pandolfo est un grand gambiste. Son intégrale des suites de Forqueray ou sa transcription de celles pour violoncelle de Bach chez Glossa nous l’ont amplement prouvé. Pourtant, cet enregistrement constitue un beau gâchis de talents. En effet, l’ingénieur du son, fan inconditionnel du toucher de Rinaldo Alessandrini (excellent claveciniste par ailleurs), a décidé de transformer le disque en récital soliste…

Jean-Sébastien BACH (1685-1750)

Sonates pour viole de gambe et basse continue

 

 Paolo Pandolfo (viole de gambe), Rinaldo Alessandrini (clavecin)

Harmonia Mundi, enr. 1995.

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Paolo Pandolfo est un grand gambiste. Son intégrale des suites de Forqueray ou sa transcription de celles pour violoncelle de Bach chez Glossa nous l’ont amplement prouvé. Pourtant, cet enregistrement constitue un beau gâchis de talents. En effet, l’ingénieur du son, fan inconditionnel du toucher de Rinaldo Alessandrini (excellent claveciniste par ailleurs), a décidé de transformer le disque en récital soliste, gommant totalement la viole de gambe (“bah, ce truc pleurnichard qu’on voit dans les films, pour ce que j’en dis, mon bon m’sieur”). Résultat de ce sabotage : des sonates pour clavecin seul à l’écriture bancale… Comment donc noter un pareil cafouillage ? Un licenciement pour l’ingénieur du son, et un 5 voire une Muse d’Or pour les musiciens au jeu seulement esquissé ? Dommage car cette lecture était prometteuse. Aux antipodes de la magnifique version de Savall et Koopman (Alia Vox) vibrante d’émotion et d’humanité souffrante, les deux interprètes ont choisi un chemin plus italien, plus joueur tout en respectant la gravité introspective qui sied à Bach. Paolo Pandolfo s’y montre sensible et agile, moins “déconstructeur” de phrasés qu’à l’ordinaire, se complaisant dans des tempos équilibrés tout en faisant étalage, de temps à autre, de ses fameux coups d’archets rapides alors que Rinaldo Alessandrini s’en donne à cœur joie, avec un touché très appuyé, extraverti, volontiers tapageur. Mais toutes ces beautés ne seront qu’entrevues, car Mme de la Vallière a pris le voile.

Marion Dammerey

Technique : Le clavecin est enregistré tellement près et tellement fort que l’on se retrouve avec l’Art de la Fugue au lieu des Sonates pour viole de gambe et clavecin. La viole est placée en arrière, parfois presque inaudible (Sonate en sol majeur), avec un rendu brouillon des cordes. Ajoutez à cela une réverbération étrange et artificielle qui amalgame les sons et vous aurez un aperçu de ce massacre musical.

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 23 novembre 2020
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