Rédigé par 15 h 24 min CDs & DVDs, Critiques

“Une corbeille de primeurs” (F. M. Sardelli)

Sous l’ombrelle de nouvelles découvertes, Federico Maria Sardelli nous convie à une plongée dans quelques-unes des pépites vivaldiennes ressuscitées depuis le lancement de la Vivaldi Edition en 2000. On y trouvera donc de nouvelles pièces désormais attribuées au Prêtre Roux provenant à la fois de la collection Foà-Giordano de Turin, et d’autres fonds européens.

Antonio VIVALDI (1678-1741)

New discoveries
 

Romina Basso (mezzo-soprano)

Modo Antiquo
Direction Federico Maria Sardelli

68′, Naïve, 2008[clear]

Sous l’ombrelle de “nouvelles découvertes”, Federico Maria Sardelli nous convie à une plongée dans quelques-unes des pépites vivaldiennes ressuscitées depuis le lancement de la Vivaldi Edition en 2000. On y trouvera donc de nouvelles pièces désormais attribuées au Prêtre Roux provenant à la fois de la collection Foà-Giordano de Turin, et d’autres fonds européens. Parmi cette caverne où s’amoncellent airs, concertos, motets et sonates, on s’intéressera particulièrement à quelques œuvres, car toutes les découvertes ne sont pas d’égale qualité.

D’abord, l’étrange Concerto RV578a : la première écoute en est familière, et l’on reconnaît immédiatement le 2ème concerto de l’Estro Armonico. Modo Antiquo s’y montre incisif, avec des cordes presque cassantes dans un crescendo par palier impeccable ouvrant sur un Allegro vif et décidé où le duel d’archets de Enrico Casazza et Valerio Losito tient toutes ses promesses, soutenu par un orchestre résolument combattif. Les ornements sont improvisés avec virtuosité, la ligne mélodique chantante, les traits gonflés d’orgueil et d’énergie. De temps à autre, l’auditeur averti relève tout de même certains dévoiements de la partition habituelle. Le Largo, un peu sec, paraît n’attendre que le mouvement final en dépit de violoncelle bien timbrés. Et là, c’est un choc de 2’02 minutes que cet Allegro final élégant et lyrique, bien différent et plus direct que le mouvement publié dans l’Estro.

Autre délice que la sonate pour violon RV798 qui végétait à la Bibliothèque de Bergame, d’une touchante simplicité où la douceur le dispute à l’innocence. Michel Talbot signale que sa structure en 4 mouvements la rapproche des Sonates de Dresde ou Manchester des années 1720. De manière surprenante, c’est à un autre compositeur que nous fait songer cette aisance mélodique relâchée, cette naïveté chromatique, la rotondité générale du phrasé. Jugement que conforte la proximité de timbre et des choix d’articulations d’Enrico Casazza avec François Fernandez. Vous aurez deviné l’ombre de Jean-Marie Leclair et de ses deux premiers Livres de sonates… Quoiqu’il en soit, Modo Antiquo en livre une vision tendre et moelleuse, d’un bonheur souriant tout bonnement irrésistible. L’autre sonate RV810, assez similaire mais plus ciselée dans sa recherche mélodique ne possède pas la même spontanéité, en dépit d’une interprétation impliquée et élancée.

Et puis il y a le motet “Vos invito”, débordement pyrotechnique où Romina Basso excelle. La voix est cuivrée, presque musclée, plus virile qu’angélique. Les vocalises dévalent leurs montagnes russes avec une déconcertante aisance, une précision mitraillarde, une morgue espagnole. Modo Antiquo, soudain robuste et carré, poursuit la mezzo qui décoche des aigus puissants avant de renouer avec son sport favori du lancer de coloratures. Même au disque, voilà un motet proprement décoiffant dans son Allegro Assai initial. Le Largo chaloupé, un brin allègre manque parfois un peu de texture et de présence mais Romina Basso y dévoile une maîtrise du souffle et une générosité dans le phrasé qui font oublier les réserves concernant l’orchestre. On note de très intéressantes montées aux chromatismes emplis de souffrance. L’Alleluia final, démonstratif à souhait, ne renoue cependant pas avec le feu d’artifice des débuts, en raison de doubles-croches plus cursives. On retrouve la même énergie décomplexée dans l’air de fureur isolé “se lento ancora il fulmine” d’une virtuosité ébouriffée.

Enfin, le récital comprend des œuvres plus “mineures” telles une aimable et sautillante sonate pour flûte à bec, et un concerto pour hautbois et violoncelle d’une joyeuseté aussi printanière qu’insouciante. Mais l’on retiendra surtout les méandres violinistiques de la sonate RV798 et les spectaculaires effets de Romina Basso dans ces nouvelles découvertes du plus grand intérêt mais qui ne révolutionneront pas notre connaissance de la geste vivaldienne.

Katarina Privlova

Technique : prise de son un peu plate mais équilibrée.

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 25 novembre 2020
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