Rédigé par 15 h 29 min Actualités, Editos

Voici venir 2010

Voici venir 2010, qui avance à tâtons, de ses croches encore enveloppées de froid, frissonnante dans ses tremolos, déjà un brin rieuse comme le soprano léger d’une suivante, dramatique dans ses sons tenus de tragédienne. Elle entrouvre la porte à double-battants, glisse un arpège, aperçoit un violone un peu balourd, se faufile entre les illustres commémorations…

“Les années nous viennent sans bruit.” (Ovide)

Voici venir 2010, qui avance à tâtons, de ses croches encore enveloppées de froid, frissonnante dans ses tremolos, déjà un brin rieuse comme le soprano léger d’une suivante, dramatique dans ses sons tenus de tragédienne. Elle entrouvre la porte à double-battants, glisse un arpège, aperçoit un violone un peu balourd, se faufile entre les illustres commémorations.

Voici venir 2010, et poindre la barbiche des 400 ans impeccablement taillés de Monteverdi et de ses Vêpres à la Vierge, les silhouettes du beau-père de Lully Michel Lambert ou du précurseur du grand motet versaillais Henry Du Mont. L’année se désole d’une nuit qui tombe encore si rapidement, baignant de sa nocturne angoisse des déplorations veloutées, caressant d’une lune gibbeuse les pianissimi des castrats tant célébrés ces derniers temps. Elle trébuche dans l’ivresse du vin de champagne, persévère dans les coloratures de neiges aux glissandi si terribles, parcourt en quelques mesures l’équivalent d’un siècle.

Car 2010, c’est aussi le marbre polychrome de l’Italie revisitée par les fastes relâchés de la Régence, de la péninsule insouciante et sensuelle desFêtes Vénitiennes de Campra et du Cardinal Destouches de 1710. Toujours dans l’Italie et ses affects maniéristes, dans cette Italie en clair-obscur assumant ses influences caravagesques, 2010, ce sera les 300 ans de la naissance de ce compositeur illustre, paradoxalement méconnu, parfois surestimé, querelleur de bouffons dont la carrière aura été trop brève, alors même que son compagnon virtuel de berceau WF Bach lui survivra 48 ans encore. Vous l’avez reconnu à son œuvre phare, Alexandrie du Stabat Mater, admirable trait d’union entre style archaïsant et battements de cils galants préclassiques, maître serviteur de la musique, servante maîtresse du motet : Pergolesi. Et puis dans cette pouponnière décidément bien garnie, on retrouvera aussi Thomas Arne le Prolixe et Galant, l’homme à la trentaine d’opéras mélodiquement si aimables et si oubliés, tout comme l’exacte date de naissance.

2010 vous sourit. Elle vous adresse une embrassade purcellienne et lullyste, vous attire d’une moue ravageuse dans ses festivals, se délecte à l’orée des 365 jours qui feront trembler les pupitres à vous bloquer vos trains par de fantasques bourrasques, dévale les airs haendéliens qui portent en eux le secret de la séduction permanente. Et la Muse, fidèle à son marbre, bravant les frimas comme les soleils, résistant aux engelures et aux craquelures, demeurera fidèle à son socle baroque et vous souhaite une année 2010 à l’image non d’un château de carte versaillais mais d’un jeu : la réussite.

Merci encore pour votre fidélité, merci de continuer de vous égarer sur nos pages, merci pour votre passion et votre patience, et… longue vie à celle que nous aimons tous tant, l’énigmatique comète de la musique baroque !

Viet-Linh Nguyen

Dernière modification: 16 novembre 2013
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