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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Bach, Messe en si mineur Arsys Bourgogne, Akademie für alte Musik Berlin, dir. Pierre Cao
Pierre Cao - DR Johann Sebastian BACH Messe en si mineur BWV 232
Joanne
Lunn soprano I Chœur Arsys Bourgogne
Akademie
für Alte Musik Berlin Pierre Cao direction
20 octobre 2012, Théâtre des Champs Elysées, Paris.
Paris vaut bien une messe Avant toute chose, nous tenons à saluer le courage de Pierre Cao qui a dirigé cette exigeante Messe jusqu’à la dernière mesure, en dépit de problèmes de santé qui l’ont forcé à se retirer immédiatement sans même pouvoir goûter les applaudissements – mérités – que lui décernait le public. Face à la chaise vide du chef, Peter Harvey n’eut d’autre expédient que de faire plébisciter la partition du Cantor, et nous souhaitons très vivement au chef luxembourgeois un prompt rétablissement. A l’heure où l’ensemble Pygmalion vient de faire paraître la version primitive de 1733 de la Messe en si, c’est à la Missa tota complète, telle qu’issue de ce que certains musicologues n’hésitent pas à qualifier de « testament musical de Bach » - tant le compositeur y travailla dans ses dernières années - que Pierre Cao nous a proposé après la Saint Mathieu que nous avions pu entendre sous les voûtes en berceau de Vezelay. Sans surprise et pour notre plus grand bonheur, nous avons retrouvé la marque du chef, une vision ronde, ample et apaisée, très maîtrisée, d’une lisibilité exemplaire dans les chœurs, généreux et équilibrés. Car c’est bien avant tout en tant que chef de chœur que Pierre Cao aborde ce monument dont l’écriture complexe et stylistiquement très variée a donné lieu à des interprétations très différentes voire divergentes, de l’austérité liturgique à la prestance d’un quasi oratorio opératique. Ce soir-là, c’est une Messe aux tempi mesurés mais sans lourdeur, d’une solennité fervente et optimiste que Pierre Cao a dirigé, menant un chœur Arsys Bourgogne particulièrement en forme, dès le premier chœur au contrepoint pourtant sévère et touffus. L'équilibre des pupitres, la lisibilité des parties, la précision de la ligne sont à louer, tandis que le chef imprime sa marque d'humilité, refusant résolument tout contraste trop violent, toute rupture trop nerveuse, composant avec soin ses crescendos par paliers, un peu à la manière de Philippe Herreweghe. Certains trouveront qu'une telle vision, d'une intériorité contenue, manque de spontanéité et de couleurs, et que la minutie de cette miniature réduit la monumentalité dramatique de l'œuvre. D'autres, et nous sommes de ceux-là, salueront une lecture intègre, d'une pudeur sensible, tout en regrettant que ce Bach refuse de lorgner vers les arabesques de l'Italie, et que ses trompettes et timbales soient plus colorées que triomphantes.
Joane Lunn © Andrew Redpath (recadrée) Le "Gratias agimus tibi", aux accents initiaux teintés de Renaissance, démontre s'il le faut la maîtrise d'Arsys, tandis que la trilogie difficile de l'"Et incarnatus est" au "Resurrexit" permet au chœur de passer de la sombre déploration au mysticisme mélancolique au renouveau jubilatoire. On aurait toutefois apprécié de la part de l'Akademie für alte Musik Berlin une plus grande rutilance au niveau de timbres, notamment les flûtes et les hautbois, et une basse continue plus dynamique. Ce soir-là, l'Akamus, peut-être volontairement, a sans nul doute cédé le primat au chœur, et à l'exception des solistes obligés qui ont tous fait preuve d'une grâce solaire, l'orchestre s'est plus cantonné à son rôle de complice et de soutien qu'acteur du propos, ce qui ne laisse pas d'étonner quant on connaît le mordant habituel de cette formation. Même les timbales nous ont paru assez discrètes, c'est dire ! On dressera de même un constat relativement inégal quant aux performances des solistes desquels Joanne Lunn et Peter Harvey se détachent nettement. La soprano, au timbre clair, aux aigus lumineux, fait montre d'un art consommé du phrasé et des articulations, doublé d'une projection forte, recouvrant aisément une Katherine Fuge nasale et en méforme dans le duo "Christe eleison" (pour lequel Pierre Cao a préféré l'esthétique de la dentelle gothique à l'effusion pré-galante), déséquilibrant le sinueux "Et in unum Dominum" en dépit d'un Matthias Rexroth appliqué et nettement plus échauffé que dans son "Qui sedes" heurté et laborieux, mais qui se rattrapera dans un splendide "Agnus Dei" tout en pianissimi subtils. Peter Harvey, quant à lui, en vétéran bacchien averti, se glisse avec délectation dans le verbe sous-jacent, soignant la déclamation, insufflant du sens au texte qui n'est jamais prétexte à une musicalité hédoniste pure. Si le corniste du "Quoniam tu solus sanctus" a eu la mauvaise idée de voler la vedette en venant se placer au premier plan (y compris spatialement), son "Et in spiritum" sensible, ciselé, d'une humanité chaleureuse pleine d'espoir, a été l'un des moments de suspension poétique de la soirée. Enfin, on ne se prononcera guère sur le ténor Thomas Hobbs qui bénéficie de peu d'airs et livra un "Benedictus" peu inspiré quoiqu'honnête. Et tandis que retentissent les dernières mesures hiératiques et optimistes du "Dona bis pacem", tandis que soudain le chef, souffrant mais qui a tenu à supporter l'effort de la direction de cette Messe jusqu'au bout, disparaît dans les coulisses pour n'en plus revenir et qu'éclatent les salves d'applaudissements saluant cette réalisation personnelle et convaincue malgré quelques imperfections, on ne peut que s'interroger sur le pouvoir de la musique et la fragilité de l'être.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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