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6 janvier 2014

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Chronique Festival

"Un mariage, un enterrement"

Du Caurroy, Requiem des Rois de France

Ensemble Doulce Mémoire, dir. Denis Raisin-Dadre

 © Alain Rezzoug

Marco da Gagliano, 

Messe de mariage à double chœur pour Henri IV et Marie de Médicis

 

Eustache Du Caurroy

Messe de Requiem

 

Récitant Philippe Vallepin

Ensemble Doulce Mémoire

direction Denis Raisin-Dadre

 

1er juin 2010, Basilique Cathédrale, Saint-Denis dans le cadre du Festival de Saint-Denis 2010

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"... ce serait dureté ou plutôt félonie de ne pas pleurer un sujet si admirable" (Harangue funèbre d'Henri IV)

Les éléments eux-mêmes pleuraient le brutal décès du Roi Henri, et les transats disposés devant l'écran géant face à la Basilique n'attirèrent guère les riverains. A l'intérieur de l'édifice, Denis-Raisin Dadre livre cette création pour le Festival de Saint-Denis autour de la thématique "Rois et Reines" qu'il a en partie enregistrées au disque dans deux parutions lumineuses et équilibrées (Astrée Auvidis, 1999 et 2001). On y retrouve des pièces instrumentales extrêmement rythmées (Pavane introductive solennelle, sinfonias de Bernardi, fanfare finale de l'avènement de Louis XIII) où Doulce Mémoire se gorge des timbres verts et colorés des cornets, sacqueboute, chalemies et dulcians sur les percussions d'un tambour bien structurant. L'auditeur est projeté sous les voutes gothiques vers les festivités truculentes d'une musique au parfum encore teinté de Renaissance dont le cadre était celui de la bonne ville de Lyon, le 17 décembre 1600 où Henri épousa Marie de Médicis, fille de François Ier de Médicis et de Jeanne d'Autriche, nièce de Ferdinand Ier, grand-duc de Toscane.

Si les hymnes de Du Caurroy "Au Roy : Victorieux guerrier" et "A la Royne : Nymphe qui me tient tant d'heur" séduisent par leur simplicité homophonique accentuée par une interprétation a capella, la Messe de Marco da Gagliano surprend par son style conservateur et austère, qui étonne de la part du compositeur de la si montéverdienne Daphne. D'une rigueur toute palestrinienne, l'œuvre dénote une verticalité fervente, parfaitement rendue par les chanteurs de Doulce Mémoire, en dépit d'une acoustique très réverbérante, privilégiant les graves. Certaines parties sont reprises ou doublées par les instruments, apportant sporadiquement un chatoiement plus festif à une musique relativement grave d'où l'on admire les effets de repons du "Gloria in excelcis Deo" et la majesté chatoyante de "Quoniam tu solus Sanctus". La vision apaisée et confiante de Denis Raisin-Dadre pâtit cependant parfois d'un manque de relief ("Crucifixus") qu'on ne retrouve pas dans l'enregistrement correspondant. Les derniers passages s'avèrent splendides, à compter d'un "Sanctus" plus dynamique, d'une fluidité optimiste, un "Christi corpus" doux et recueilli surprenant par ses chromatismes.

Henri IV touchant les écrouelles, gravure de Pierre Firens extraite de l'ouvrage d'André du Laurens, De strumis earum causis et curæ, 1609.

© Wikimedia Commons

On s'attardera moins sur le très célèbre Requiem des Rois de France de Du Caurroy, que nombre de nos lecteurs connaissent sans nul doute déjà en détail. Au-delà d'une écriture oppressante, contenue et ciselée, d'une densité remarquable, moins extravertie qu'un Lassus, on soulignera la manière naturelle avec laquelle Doulce Mémoire traduit la polyphonie contrapuntique en un développement lisible et intelligible accompagné des jolis aigus transparents de la part de la soprano ("Pei Jesu Domine" et "in Paradisium" en plain-chant final notamment). Cette clarté humble et cohérente est ainsi particulièrement perceptible dans le "Sanctus, sanctus, Dominus Deus Sabaoth" puissamment investi, avec une impressionnante descente chromatique .

Le concert était entrecoupé d'interventions de Philippe Vallepin, déclamant avec conviction et emphase tantôt en français moderne, tantôt en français restitué des extraits de la Harangue Funèbre et de l'Oraison Funèbre d'Henri IV ou d'un texte du temps relatant la cérémonie de transmission de la Couronne et du pouvoir royal que résume l'exclamation "Le Roy est mort, vive le Roy". La gestuelle d'abord minimaliste et contrôlée, puis hiératique et fière de l'enseignant-comédien, contribue à la crédibilité dramatique d'un discours qui eût pu se révéler trop historiquement daté, et permet de scander le concert et de l'inscrire dans le prolongement des agissements meurtriers de Ravaillac.

Une belle réalisation qui ouvre cette édition du Festival, dont le climat sérieux et intense s'accordait bien avec l'atmosphère voulue de fatalité et de déploration.

Viet-Linh Nguyen

Festival de Saint-Denis (Saint-Denis, 1er juin - 1er juillet 2010)

Le site officiel du Festival : http://festival-saint-denis.com (programme, réservations)

 

 

 

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