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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival François Danican Philidor, Sancho Pança, La Simphonie du Marais, direction Hugo Reyne
Hugo Reyne © M.-E. Bretel
François-André Danican Philidor (1726-1795)Sancho Pança gouverneur dans l’île de BaratariaOpéra bouffon, 1762 musique de livret d’Antoine Alexandre Henri Poinsinet (1735-1769)
Sancha Pança : Paul-Alexandre Dubois Thérèse : Isabelle Druet Lope Tocho, le Docteur : Vincent Bouchot Juliette, une Bergère : Camille Poul Don Crispinos, Torillos, Un fermier : Jeffrey Thompson
La Simphonie du MaraisHugo Reyne, dir. et mise en scène Jeanine Lérin-Cagnet, costumes
12 août 2010, concert de clôture, Logis de La Chabotterie (Vendée), 21h00
Pour clore le 14e festival de musique baroque de la Chabotterie, Hugo Reyne a choisi, après l'Atys de l'an passé, une œuvre plus légère : Sancho Pança gouverneur dans l’île de Barataria de Philidor que nous avions pu entendre plus tôt dans une version de concert à l'Opéra-Comique. N’allez pas croire que la Simphonie du Marais ne soit pas une habituée du répertoire : le Sancho a déjà été donné en 1999, et Les Femmes vengées ont connu les honneurs de la même scène de la Chabotterie en 2005, à la même date, d’ailleurs, dans une mise en scène d’Yves Coudray. Cette fois, c’est Hugo Reyne lui-même qui se colle à la mise en scène, suivant en cela l’exemple de quelques illustres prédécesseurs, de Karajan à Gardiner. Rappelons brièvement quelques éléments de l’intrigue de cet opéra-comique. Un duc et une duchesse (qu’on ne voit jamais) s’amusent à faire croire à Sancho Pança qu’il a été promu gouverneur de l’île de Barataria ; ceci ne manque pas d’amener plusieurs scènes comiques, en particulier avec Torillos, gentilhomme "au service" du gouverneur, et avec le Docteur. Par ailleurs, la femme de Sancho, Thérèse, est furieuse de savoir que l’ex-écuyer errant tente de séduire une jeune fille et qu’il veut faire leur fille, la petite Sancha, comtesse ou marquise, si ce n’est duchesse ou princesse, tandis que la fille en question se verrait davantage épouse du voisin, Lope Tocho. À la fin, Sancho est détrompé et consent à donner sa fille à Lope Tocho ; il fait la paix avec sa femme et ne veut plus entendre parler de gouvernement. Émaillé d’effets comiques, depuis les scènes où Sancho se ridiculise par son appropriation au milieu noble, jusqu’au parler paysan qui affecte presque tous les personnages, le livret parvient souvent à déclencher le rire des auditeurs, même avec deux siècles d’écart. La mise en scène d’Hugo Reyne se déroule dans de jolis décors et des costumes très réussis, parvenant à caractériser immédiatement un lieu (le palais) et chacun des personnages ; on voit évoluer une intrigue qui ne cache pas ce qu’elle doit à l’Ancien Régime et ne cherche nullement à réactualiser ou à moderniser. On pourrait cependant souhaiter un peu plus d’inventivité par-ci, une direction d’acteurs plus précise par-là… Mais ne soyons pas trop exigeants : c’est un début, et le cadre est d’ailleurs difficile à apprivoiser : plein air, quasi impossibilité de jouer sur l’éclairage, absence de fosse. Bref, une mise en scène simple et efficace. Paul-Alexandre Dubois domine l’équipe de chanteurs-acteurs par sa voix puissante et sa capacité à créer un personnage, à faire vivre son Sancho. La voix est puissante et ample, quoique manquant parfois de justesse, mais il y a un vrai sens du texte, et parlé, et chanté, qualité indispensable à ce théâtre lyrique que l’on retrouve, à des degrés divers, chez les autres membres de la distribution. Vincent Bouchot chante finalement peu, et tient un rôle quelque peu ingrat. Son jeu peut paraître parfois surfait ; mais l’articulation est impeccable, la voix belle, l’aigu franc. Jeffrey Thompson campe successivement Torillos, serviteur de Sancho, Don Crispinos, son rival, et un fermier qui demande justice. De nombreux changement de costumes l’aident à incarner les différents personnages, mais en a-t-il vraiment besoin ? Entre le Torillos affecté et Don Crispinos furieux, ce n’est plus le même chanteur que l’on retrouve. Jeffrey Thompson a su travailler sa déclamation de façon à faire (presque ?) oublier son accent anglo-saxon ; les personnages "marchent" parce qu’ils sont excessif ; c’est une vraie performance d’acteur. Et comme la musique de Philidor lui réussit ! Du côté des femmes, la partie est serrée, entre une Camille Poul qui illumine quelques instants le plateau de son soprano gracieux et de son jeu plein de charmes, qui excelle à représenter les jeunes filles, et une Thérèse plus vraie que nature, campée par Isabelle Druet maîtrisant à la perfection le parler paysan, actrice autant que chanteuse. Dans les deux cas, la voix est belle, pleine, ronde, la tessiture parfaitement maîtrisée. Avouons néanmoins que Thérèse est un personnage plus complet, plus complexe, plus touchant aussi, et qu’Isabelle Druet lui rend justice d’une manière qu’on imagine difficilement surpassée. Mais le grand vainqueur de la soirée reste l’orchestre. La Simphonie du Marais, tout en restant maîtrisée, précise, impeccable, s’agite, crépite, pétille et s’envole dans des pages plus subtiles qu’on veut généralement bien l’admettre — qu’est-ce que Philidor, après tout ? se dirait-on ; eh bien voici la réponse, apportée par Hugo Reyne et son équipe : un excellent compositeur, au sens dramatique irréprochable, qui sait composer pour l’orchestre et utiliser ses effets d’instrumentation avec parcimonie pour qu’ils fassent leur effet (la fanfare triste au milieu de la guerre !) et qui rappelle à l’auditeur moderne (annonce, dans l’ordre chronologique) la musique de Mozart et, dans une moindre mesure, celle de Grétry. Hugo Reyne dirige le tout avec intelligence et brio, sans geste superflu ; il sait quand rappeler l’orchestre sur les devants, et quand lui donner une fonction d’accompagnement des chanteurs, tant et si bien que l’on entend toujours tout bien, et que l’on ne perd rien de la musique. Reste à souhaiter que les deux soirées de représentations ne resteront pas isolées, que peut-être un enregistrement viendra couronner le travail et l’engagement de toute l’équipe qui a pleinement rendu justice à Philidor et à Poinsinet.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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