|
Rechercher
- Newsletter
-
Qui sommes-nous ?
-
Espace Presse - FAQ
-
Contacts -
Liens
- |
|
mise à jour 6 janvier 2014
|
Chronique Concert Récital Johann Jakob Froberger, Gustav Leonhardt
Gustav Leonhardt - D.R.
Johann Jakob Froberger (1616-1667)
Toccate III et XXI, Canzona II, Cappricio VI, Ricercare V, Méditation sur la mort future, Suite en do mineur, Suite en do majeur, Tombeau de Monsieur de Blancrocher, Suite en la mineur, Lamentation sur la mort de Ferdinand III.
Rappel: Prélude à l’imitation de Monsieur Froberger, Louis Couperin (1626 – 1661)
Gustav Leonhardt (clavecin). Copie d’un clavecin allemand de l’école G. Silbermann, c. 1740, par Anthony Sidey et Frédéric Bal Copie d’un clavecin de l’école italienne, par Glyn Prothero, 1989
22 mars 2010, Théâtre des Bouffes du Nord, Paris
Das Musikalisches Opfer Tandis que nous entrons dans la salle feutrée et ocre, à peine éclairée des Bouffes du Nord, et découvrons les deux clavecins choisis par le maître flamand, que nous attendons, dans un murmure osant à peine briser cette atmosphère un peu étrange, et qu’enfin, le voilà qui rentre, simple, ses éternelles mitaines aux mains, droit, austère, qu’il chausse ses lunettes en s’installant devant un petit clavecin à deux jeux et un clavier, et qu’il attaque, on se rappelle tout à coup qu’un concert de Gustav Leonhardt, ça ne se critique pas, ça se raconte, dans la mesure du possible. Car comment pourrions-nous oser le moindre commentaire sur la technique - dépassant la perfection - du digne claveciniste ? Les notes fusent, comme autant de perles d’un chapelet, sans monotone litanie, plutôt avec ferveur (Canzona). Nulle lourdeur dans les pièces lentes, point de précipitation dans les plus rapides, tant tout ici est bien dosé, précis, chaque geste, chaque note, chaque mouvement de doigt parfaitement pesé, millimétré. Dans la Méditation sur la mort future de 1660, la main gauche ponctue les envolées mélancoliques de la main droite d’accords appuyés, mais délivrés avec tellement de délicatesse qu’ils deviennent une respiration grave, comme si tout tendait vers ces accords. Les ornements sont extraordinaires de légèreté, de souplesse. Indispensables, ils volent. Sur son deuxième clavecin, à deux claviers, dont le son change tout de suite la couleur du concert — un son ample, riche, chargé de basses profondes — Leonhardt passe sans hésiter d’un clavier à l’autre, même pour deux ou trois notes, tenant chacune d’entre elles jusqu’au dernier moment, jusqu’à ce que ce ne soit plus possible de les tenir, jusqu’à leur dernière extrémité. Mais il ne s’agit-là que de considérations bien terriennes, car les sensations que l’on éprouve en écoutant le Maître nous transportent bien au-delà. La magie est telle que chacun ne peut avoir qu’un rapport tout à coup très personnel avec la musique, car il n’y a rien d’autre que cela, la Musique. Et si l’on souffle un peu entre les pièces, tandis que Gustav Leonhardt redresse ses lunettes, regarde les pages de notes du morceau suivant, s’en imprègne avant d’attaquer, c’est que nous aussi, nous laissons vivre ce qui vient de se passer, et nous nous préparons, avec le claveciniste, à attaquer la pièce suivante, et nous avons l’impression d’être profondément avec lui. L’homme disparait progressivement derrière son instrument, qu’il aime, qu’il connaît, mais qu’il appréhende avec respect, un peu comme une bête qui ne serait qu’à moitié apprivoisée, dont on peut craindre un soudain caprice imprévu, et le clavecin disparaît aussi. L’auditeur ne leur survit guère plus longtemps, et finalement, ne reste plus que la musique qui nous englobe tous. Et lorsqu’au bout de ce qui n’a paru qu’un bref instant, la musique se tait déjà, on se retrouve tout à coup seul, face à soi, et face à cette musique qui nous traverse et nous bouleverse encore.
|
|
Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
|