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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Gretry, L'Amant Jaloux Le Cercle de l'Harmonie, dir. Jérémie Rohrer
Magali Léger et Maryline Fallot. Deuxième acte de l'Amant Jaloux © Pierre Grosbois
André Ernest Modeste GRETRY
L'Amant Jaloux ou Les
Fausses Apparences
(Opéra-comique sur un livret de Thomas d'Hèle, 1778)
Magali Léger, Léonore
Daphné Touchais, Isabelle
Maryline Fallot, Jacinte
Frédéric Antoun, Florival
Brad Cooper, Don Alonze
Vincent Billier, Lopez
Le
Cercle de l'Harmonie
Jérémie Rhorer, direction
Pierre-Emmanuel Rousseau, mise en scène
Thibaut Welchlin, décors
Pierre-Emmanuel Rousseau et Claudine Crauland, costumes
Gilles Gentner, lumières
Laure Talazac, création maquillages et coiffures
Charlotte Rousseau, assistante à la mise en scène
Antoine Fontaine, réalisation des toiles peintes 15 mars 2010, Opéra Comique, Paris. Co-production de l'Opéra Comique et du CMBV.
Messieurs, sans trop être indiscret, / Ne pourrait-on s'instruire / Du sujet / Qui vous attire en ce séjour ? (Lopez, III,4) Nous confessons notre péché de gourmandise. Celui d'avoir succombé de nouveau à cet Amant Jaloux de Grétry qui eut tant de succès à l'époque qu'il fut représenté vingt fois avant la Révolution. Sans revenir plus en détail sur le synopsis que nos lecteurs retrouveront dans le compte-rendu de la représentation de l'Opéra de Versailles en novembre dernier, nous plongerons dans le vif du sujet, à savoir la remarquable interprétation musicale de Jérémie Rhorer et de son équipe, qui a considérablement gagné en maturité depuis Versailles, faisant passer ce œuvre d'un divertissement jubilatoire mais sans profondeur à un tourbillon musical d'une grande richesse de timbres et d'écriture, qui ne démérite pas de la comparaison avec La Cosa Rara de Soler ou La Finta Semplice de Mozart. Dès l'Ouverture, le premier choc est celui de l'acoustique. La configuration de la salle, et la fosse d'orchestre très basse, permettent à la trentaine de musiciens du Cercle de l'Harmonie (effectifs conformes à ceux de l'époque, soit-dit-en-passant) d'exprimer une sève épaisse et pulpeuse, très pulsante dans les graves, avec des cors tonitruants et boisés, et des cordes fermes et toniques. La direction générale a considérablement gagné en nervosité, avec des articulations énergiques et vives, des temps fortement marqués, a tenu le public en haleine sans pour autant tomber dans le travers d'une hâte suspecte. Par rapport à Versailles, puisque nous nous abandonnons sans vergogne au jeu des sept erreurs, ce Grétry a gagné en boulimie comique, et perd au fur et à mesure de l'intrigue son écueil décoratif. On admire en particulier à la scène de ménage du 2nd acte ou à la "frénésie de la gloriette" du troisième - où le jeune chef parvient à une gradation de l'intensité musicale avec des glissements de tempi qui ferait presque songer au Finale de l'acte 1 de Don Giovanni - de même que les ensembles plus fluides et épanouis.
Dernier acte de l'Amant Jaloux © Pierre Grosbois Sur scène, nos acteurs-chanteurs, ou plutôt chanteurs-acteurs, se délectent à incarner leurs personnages désormais bien ancrés. On retrouve ainsi l'espièglerie mutine de Magali Léger, Léonore au timbre sucré, aux aigus rieurs, dont l'ariette virtuose "Je rompt la chaîne qui m'engage" fut très applaudie. L'Isabelle de Daphné Touchais, qui reprend le flambeau de Claire Debono, s'avère exquise mozartienne dans sa maîtrise du souffle et ses phrasés amples mais contrôlés, son ariette "O douce nuit" suivie du duo "Je sens bien que votre hommage a de quoi flatter un cœur" avec le galant Frédéric Antoun au timbre chaleureux et racé en dépit de quelques instabilités. Sa douce sérénade "Tandis que tout sommeille" se révèle d'une tendresse poétique inattendue, moment rêveur au milieu de l'excitation d'une scène sans cesse emportés par les cavalcades, déclarations de duels et autres courses effrénées contre... le père Lopez. On redira donc ici le talent de Vincent Billier, baryton profond et truculent, d'une aisance vocale irréprochable quoique sa projection soit moins spectaculaire que celle de Brad Cooper, dont le principal handicap réside dans le fort accent pour les récitatifs parlés. Heureusement, l'Opéra Comique a mis à disposition de triples surtitres, fort utiles pour ces passages. Enfin, on citera la suivante de Maryline Fallot, parfaite théâtralement en dépit d'un chant manquant de relief et d'aigus un peu tendus. La mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau, d'inspiration baroque est toujours aussi efficace, de même que les costumes multicolores réinterprétés par Claudine Crauland. Le jeu des acteurs-chanteurs, très convaincant dans la lignée du marivaudage le plus classique, avec une gestuelle démonstrative et outrée, introduit une pointe de distanciation et d'ironie face au livret de Thomas d'Hèle, d'une indigence qui fait regretter l'esprit de Favart. La structure de la salle (Favart) rapproche en outre les spectateurs de la scène, et le placement dont nous avons bénéficié nous a pleinement permis de jouir des détails des superbes toiles peintes en trompe-l'oeil de Thibaut Welchlin, depuis la bibliothèque mordorée à cette chambre aux riches boiseries, en faisant un détour final par le jardin et ses fontaines de tritons. Et quand survient le bouquet final, alors que les confettis s'épanchent dans le parterre ravi et que les paons de pierre du jardin, symboles de la fidélité, se mettent à faire la roue, deux pensées nous traversent l'esprit : la première, que l'Autrichienne n'avait pas si mauvais goût, la seconde que l'on a hâte de retrouver cette interprétation décomplexée et rieuse au plus tôt en DVD.
Bande-annonce et interview de Jérémie Rohrer © Opéra Comique
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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