|
Rechercher
- Newsletter
-
Qui sommes-nous ?
-
Espace Presse - FAQ
-
Contacts -
Liens
- |
|
mise à jour 6 janvier 2014
|
Chronique Concert Haendel, Semele Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset, mise en scène David McVicar
© Alvaro Yañez Georg Friedrich Haendel
Semele
Richard Croft, Jupiter
Chœur du Théâtre des Champs-Élysées Les Talens Lyriques Christophe Rousset, direction
Tanya
McCallin, décors
Paule
Constable, lumières 2 juillet 2010, Théâtre des Champs Elysées, Paris
"Que Jupiter en tout soit obéi"
Reprise de la production de 2004 alors dirigée par Marc Minkowski, cette Sémélé affiche clairement le caractère opératique de l'œuvre, "opéra profane" dont Haendel, délaissant en fin de carrière l'opera seria italien, commença la composition en juin 1743, sur un sujet fameux tiré des Métamorphose d'Ovide adapté par Newburg Hamilton à partir de celui d'un masque de William Congreve. On notera avec intérêt que David McVicar a réintroduit le personnage de Cupidon, supprimé par le compositeur avant la création, n'hésitant pas à lui confier l'air phare "Endless Pleasure" qu'on aurait toutefois aimé entendre interprété par la Semele Danielle De Niese. Quoiqu'il en soit, la mise en scène de McVicar s'avère élégante et évocatrice, alliant avec naturel les habits de soirée d'un grand salon ovale immaculé, et les beaux costumes XVIIIème couleur crème du premier acte pour sombrer petit à petit dans une surenchère de robes à panier argentées, de paillettes et de strass sur fon violet d'un kitch assumé et excentrique où l'Olympe et la jet set se rejoignent dans leurs mœurs décadentes. Le jeu des chanteurs, théâtral et dynamique, ne perturbe jamais le flot musical, et le duo Jupiter / Sémélé parvient dans ses moments d'intimité à une vérité amoureuse pudique et touchante. On louera en particulier les talents de Danielle De Niese, parfaite en une Sémélé vaniteuse et enfantine, de Claire Debono (accoutré d'un costume à rayures et de lunettes de soleil à faire pâlir n'importe quelle star de rock) et le Somnus endormi et truculent de Peter Rose.
Cadmus © Alvaro Yañez
Sur scène, le plateau vocal de très haut vol est dominé par l'admirable Richard Croft dont on ne saluera jamais assez l'égalité de tessiture, l'humanité du phrasé, l'émission chaleureuse d'une âme blessée. Le "Lay your doubts and fears aside", naturel et précis dans les ornements, empli d'une souveraine bonté, le "I must with speed amuse her" intrépide et inquiet, affrontant sans difficulté les hordes de doubles croches, le tendre "Where'r you walk" accompagné d'un luth perlé, démontrent avec art et sensibilité, la maîtrise de l'artiste parfaitement à l'aise dans son portrait d'un maître de l'Olympe épris et désolé.
Danielle De Niese campe également la belle et narcissique Sémélé avec espièglerie et superficialité, telle une adolescente manipulable et légère, tout à fait charmante, à la manière des clins d'œil mutins de "The morning lark". C'est dans l'air "O sleep, why dost thou leave me" que la soprano se permet de sublimes pianissimi. Moins flamboyante et tourmentée que Cecilia Bartoli (Decca), plus directe et enfantine, l'ambitieuse infortunée en devient plus touchante dans son tragique destin.
Vivica Genaux s'est révélée étonnamment discrète et retenue en Ino ("turn, hopeless lover, turn thy eyes" manquant de conviction et de relief) en dépit d'un duo avec Athamas "You've undone me" ciselé et où éclate l'influence d'Agostino Steffani. Le contraste avec son interprétation de la tonitruante Junon, à l'ire vengeresse instable et débridée en est d'autant plus saisissant. L' "Awake Saturnia, from thy lethargy" vautré avec une jouissance malsaine dans ses graves, le furieux "Hence, Iris, hence away" déroulant ses cascades de notes avec une brutalité jubilatoire font de l'épouse de Jupiter un personnage extraordinaire, entier et cruel.
Pour le reste de la distribution, Jaël Azzaretti prête son phrasé délicat à la confidente et âme damné de Junon, Claire Debono s'amuse en Cupidon au timbre sensuel et ironique, Peter Rose se glisse avec aisance en pater familias respectable aux graves assurés puis en Somnus pour lequel il appuie les aspects comiques du personnage. L'on sera cependant moins convaincu par l'Athamas trop fragile de Stephen Wallace, et l'Apollon final de Sébastien Droy, aux aigus tirés. Enfin, le Chœur du Théâtre des Champs-Élysées a fait preuve de cohésion et d'enthousiasme, notamment dans les Chœurs de Prêtres du premier acte, de l'inquiet "Avert those omens" à l'optimiste "Hail Cadmus".
© Alvaro Yañez
Christophe Rousset a su imprimer à cette Sémélé une unité dramatique qui déroule le drame en un souffle, sans perte de tension. Les tempi, dynamiques et intelligibles, sont moins contrastés que chez Marc Minkowski sans pour autant renier énergie et vigueur. Il se dégage des Talens Lyriques pointillistes, une élégance toute française, avec des timbres équilibrés d'où émergent des bois colorés et des cuivres martiaux. Les basses sont particulièrement bien assises et confèrent au tissu orchestral profondeur et liant, tandis que le continuo, ductile et sensible, se plie aux inflexions des solistes. Au final, alors que la belle se consume, flotte au-dessus du public troublé, malgré le happy end de rigueur, un parfum amer d'amours inachevées remarquablement rendues par une équipe complice.
|
|
Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
|