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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Spectacle De Humanis humoribus, la Compagnie de Mars, Marie-Laure Desbordes, Caroline Ducrest & Boris Bénézit, mise en scène Jean-Denis Monory
© Katell Itani De Humanis Humoribus, Humeurs baroques débridées de Marie-Laure Desbordes, Caroline Ducrest, Boris Bénézit
La Compagnie de Mars : Mis en scène par Jean-Denis Monory Création chorégraphique de Caroline Ducrest Danse : Caroline Ducrest
Théâtre : Jean-Denis Monory (L'Opérateur Barry / Furetières), Marie-Laure Desbordes (Le Valet Jodelet / La Mort)
Musique : Léonore Darnaud (violon, flûte à bec), Boris Bénésit (flûte à bec), Federico Yacubsohn (viole de gambe), Baptiste Reboul (guitare baroque, violons, colascione), Nicolas Desprez (clavecin)
13 novembre 2010, Théâtre de l'Epée de bois, Cartoucherie de Vincennes
"Un trait
particulier (Ben Jonson, Every Man in His Humour) Sise au fond de l’espace théâtral de la Cartoucherie, l’Epée de bois accueille une création dont le nom évoque les traités médicaux du 17ème siècle, De humanis humoribus. Que les non-latinistes se rassurent, point n’est besoin d’avoir traduit Celse ou étudié Hippocrate pour profiter pleinement d’un spectacle à l’atmosphère enchanteresse. C’est d’abord la douce lumière des bougies et l’éclat mordoré du bois blond du théâtre qui posent un cadre qui n'est pas sans rappeler les partis-pris de Benjamin Lazar ; sur une scène dépouillée (un bureau, un clavecin, cinq chaises), cinq musiciens masqués : voilà campées les quatre humeurs – sang, flegme, bile jaune et bile noire, sans compter la représentation des humeurs unifiées - , vivantes incarnations oniriques d’une théorie médicale issue des textes médicaux de l’Antiquité et promise à la postérité, et aujourd’hui bien ancrée dans l’inconscient collectif. Du Prologue à l’Epilogue se succèdent donc quatre parties, chacune consacrée à l’illustration d’une humeur : s’entremêlent alors avec naturel et poésie textes déclamés, passages de mimes et de jeu, musique (servie avec talent par la jeune Compagnie de Mars) et danse, sans qu’aucun Art ne prenne le pas sur les autres ; la composition générale fait montre d’une harmonie subtile qui n’en souligne que davantage les violents déséquilibres humoraux qui se dévoilent sur scène.
© Roger Fusciardi Maître Barry et son facétieux disciple, tout droit sortis de la comédie L’opérateur Barry de Florent Dancourt, se chargent de la déclamation : les textes choisis décrivent les quatre humeurs et commentent leurs conséquences néfastes sur le corps et l’esprit. Les définitions théoriques de Furetière nous replongent dans le jargon médico-scientifique de l’époque, et tournent en pédanterie amusante dans la bouche du médecin ; la dimension comique est d’ailleurs bien présente, et plus d’un passage fleure bon Molière, ses caricatures du corps médical et ses farces burlesques. Les poèmes baroques (entre autres Chassignet et le terrible "Mortel, pense quel est dessous la couverture") viennent souligner les excès de la bile jaune et de la bile noire. La prononciation baroque restituée est ronde et naturelle ; le jeu, frontal et déclamatoire, abolit le quatrième mur cher au théâtre moderne et nous confronte aux techniques théâtrales du temps et à leurs capacité à impliquer le spectateur. Aux textes répondent alternativement une danse ou une musique. Caroline Ducrest (qui a également conçu la partie chorégraphique du spectacle), aérienne, enchaîne avec grâce ronds de jambe et tours attitude, s’adaptant à chaque dominante humorale : "la colère" par exemple est fort réussie, qui la voit se jeter avec rage contre un immense miroir rond, métaphore du cercle infernal qui enferme le colérique avec lui-même. Une danse à l’épée, rythmée par des cordes dissonantes, illustre le bouillonnant sanguin (on se rappellera à cette occasion que la danse baroque est à l’origine la danse des nobles qui s’y livrent l’épée au côté).
© La Compagnie de Mars Prenant place au milieu des quatre humeurs, la danseuse par ses pas et enchaînements reflète le caractère de chacun des acteurs, qui se livrent, instrument en main, à la démonstration de leur personnalité : le flegmatique au violon, ou le bilieux à la flûte, font entendre des accords tantôt harmonieux, tantôt violents, mimant leur douleur ou leur joie ; des chansons à boire ou une Follia variée en effets sont suivies d’un Flow my tears de Dowland qui tire des accents mélancoliques à souhait de la viole de gambe, avant de céder la place à une Tarentelle… L’esprit suit dans une douce rêverie, favorisée par le halo des bougies, les brusques revirements des musiciens en proie à leurs démons intérieurs. On saluera l'expressivité des musiciens, et les sonorités colorées et chaleureuses - notamment la viole de Federico Yacubsohn) qui entourent la scène, sans oublier les dissonances bienvenues illustrant certains débordements colériques. En fin de partie, c’est la Faucheuse en personne qui traverse la scène emplie de brume au son du violon pour témoigner de la fragilité de l’humaine existence soumise aux aléas de ces "humeurs peccantes". Demeure le sentiment d’avoir expérimenté le temps d’un spectacle total - projet artistique revendiqué par la Compagnie de Mars - l’esprit baroque, ses mouvantes frontières entre les arts, et son essentielle instabilité.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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