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6 janvier 2014

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Chronique Festival

Jean-Baptiste Lully, Phaëton,

Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset

 

 

Christophe Rousset © Eric Larrayadieu

 

Jean-Baptiste Lully (1632-1687)

 

Phaéton

 

Emiliano Gonzalez Toro : Phaéton

Andrew Foster-Williams : Épaphus

Ingrid Perruche : Clymène

Isabelle Druet : Théone, Astrée

Cyril Auvity : Triton, le Soleil, la déesse de la Terre

Frédéric Caton : Mérops, Automne, Jupiter

Gaëlle Arquez : Libye

Benoît Arnould : Protée, Saturne

Virginie Thomas : une heure, une bergère égyptienne

 

Choeur de chambre de Namur

Les Talens Lyriques

Christophe Rousset : direction

 

25 octobre 2012, salle Pleyel, Paris.

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"L'Envie ose attaquer ma gloire & votre honneur" (Phaëton, III, 6)

Phaëton, "l'opéra du peuple", constitue l’un des chefs-d’œuvre de la seconde manière de la tragédie lyrique lullyste, à la construction plus fluide, et à la place de l’orchestre de plus en plus importante. C’est aussi l’un des tragédies du Surintendant qui compta parmi celles les plus reprises à Paris, Versailles comme en Province (il fut donné pour l'inauguration de l'Opéra de Lyon en 1688), et jusque vers le milieu du siècle suivant. Ce succès ne tient pas seulement à la scène finale où l’aurige téméraire s’effondre foudroyé pour avoir voulu rivaliser avec le Soleil, avertissement on ne peut plus transparent pour les contemporains, et qui donna lieu à de remarquables effets de machinerie. C’est aussi étonnamment celui d’une œuvre complexe, étonnamment moderne dans son écriture, et doté d’un livret lui-aussi inhabituel puisque le héros éponyme s’y révèle particulièrement vaniteux voire déplaisant, mettant en danger le monde pour ses rêves de gloire (ou sa quête de identitaire), au point que le spectateur se trouve presque contraint d’applaudir sa juste punition. Musicalement, ce Phaëton sous ces dehors bénins (un Prologue, cinq actes, des divertissements) est aussi novateur. Novateur par son action très ramassée, d’une urgence intransigeante après un Prologue aussi entraînant que décoratif. Novateur parce qu’il escamote les grands divertissements, très synthétiques, comme les effusions, si bien que l’oracle de Protée comme la chute finale donnent souvent une impression de brutalité sèche. Après la chute de Phaëton, point de majestueuse chaconne conclusive, de soulagement heureux ou de célébration de la Paix retrouvée. Il en ressort l’une des tragédies lyriques les plus courtes du Surintendant, d’un peu plus de deux heures et quart.

Emiliano Gonzalez Toro  © E. Gonzalez Toro

Pour cette œuvre condensée et exigeante, où l’urgence théâtrale le dispute à une utilisation intense de l’orchestre, Christophe Rousset a opté pour une approche tout à fait différente de celle d’Emmanuelle Haïm dans la Médée que nous avions récemment chroniquée au TCE. A la violence du propos de Quinault répond un scrupuleux respect de la prosodie, une théâtralité élégante voire précieuse, une extrême intelligibilité. Toutefois, après la lecture sulfureuse de Marc Minkowski (Erato), l’on aurait parfois aimé retrouver plus de noirceur et de désespoir dans cette vision souvent solaire et au raffinement délicat. Ainsi les Talens Lyriques, précis et colorés, manquent parfois de graves, et d’âpreté. La reprise de l’ouverture par exemple, n’apporte pas une dimension dramatique supplémentaire, contrairement à ce que Christie ou Haïm parviennent à insuffler en variant les tempi, en renforçant le caractère inégal du rythme, en écrasant les cordes ou en laissant des suspensions créant un malaise.

Gaëlle Arquez © D. Desrue

La distribution s’est révélée homogène et de haute tenue, à l’exception notable du Phaëton d’Emiliano Gonzalez Toro, selon nous à contre-emploi. Pourquoi avoir confié le rôle-titre à ce ténor à la tessiture trop grave pour être un haute-contre à la française, à l’émission un peu instable et aux aigus tendus dans ce répertoire, alors que Cyril Auvity, tout à fait parfait en termes de timbre et de couleur était disponible ? Il s’ensuit une diction un peu brouillonne, une incarnation d’enfant gâté contrarié mais très attachant qui nuit à la caractérisation du présomptueux héros dont l’arrogance altière n’est que peu perceptible vocalement. Se distingue à l’inverse la flamboyante Libye de Gaëlle Arquez, au timbre de tragédienne, doté d’une belle projection et d’aigus aisés, et au phrasé nature. La soprano laisse s'échapper un touchant monologue "Heureuse une âme indifférente", et s'avère tout aussi sensible dans les deux duos mélancoliques avec l'Epaphus un brin raide d'Andrew Foster-Williams "Que mon sort serait doux" et "Hélas une chaîne si belle". De même, la Théone d’Isabelle Druet, d’abord un peu trop discrète puis de plus en plus affirmée, campe une admirable amante délaissée, délicate et tendre, plus à l’aise dans les regrets et les pleurs que dans les « scènes de ménage ». Cyril Auvity quant à lui, s’il surjoue un peu le côté comique et enjoué du personnage de Triton se révèle solaire en…Soleil d’une prestance admirable. On regrettera enfin que le rôle bref mais central de Protée soit traité de manière trop cursive par Benoît Arnould (la faute aussi à des tempi trop allants qui semblent tout droit sortis du divertissement précédent sans rupture de ton) à qui Lully réserve pourtant l'une des scène les plus dramatiques, où l'orchestre prend tout son essor pour commenter le sort malheureux de Phaëton.

Le Chœur de chambre de Namur a ponctué l'action avec efficacité. On goûte la rigueur des départs, la clarté des lignes, notamment dans le joyeux Prologue ("Plaisirs venez sans crainte") ou dans le pompeux "Que de tous côtés on entende le nom de Phaëton". Toutefois, les courtes interventions finales, marquant la panique des peuples face au char incontrôlable embrasant le monde, manquent un peu d'urgence et de spontanéité.

Voici donc un Phaëton vif et coloré, d'une grande fluidité, lumineux et racé pour lequel Christophe Rousset a plus retenu l'optimisme d'un monde sauvé de la destruction que la noirceur autodestructrice du héros. Un enregistrement est prévu en 2013 chez Aparté.

 

Viet-Linh Nguyen

Site officiel de la Salle Pleyel : www.sallepleyel.fr

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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