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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Mozart, La Clémence de Titus, Deutsche Kammerphilharmonie Bremen, dir. Louis Langrée
Louis Langrée © Benjamin
Ealovega Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)
La Clémence de Titus (1791) Opera seria en deux actes, K 621 Livret de Pietro Métastase adapté par Caterino Mazzola
Michael Schade (Titus), Alice Coote (Sextus), Malin Hartelius (Vitellia), Rosa Feola (Servilia), Christina Daletska (Annius), Brindley Sheratt (Publius)
Choeur Deutscher Kammerchor Direction Florian Benfer
Orchestre Die Deutsche Kammerphilarmonie Bremen Direction Louis Langrée
25 février 2012, Théâtre des Champs Elysées, Paris (version de concert)
La Clémence de Sextus La dernière incursion du divin Mozart dans le genre de l'opera seria est tirée d'un livret de Métastase qui datait de 1734, et avait déjà inspiré une bonne quarantaine de compositeurs (notamment Hasse et Glück). Son thème était particulièrement convenu pour saluer de manière un peu flagorneuse le couronnement d'un souverain. En l'occurrence, ce sont les festivités marquant l'accession de l'empereur Léopold II au trône de Bohême qui avaient motivé la commande (et que l'impératrice aurait qualifié de "cochonnerie allemande" (!). A partir de cette base plutôt conventionnelle, Mozart fait résolument évoluer le genre, introduisant de nombreux ensembles (duos et trios, scènes avec chœurs) pour enrichir l'alternance traditionnelle des récitatifs et des airs. La Clémence de Titus comporte en outre quelques pages musicales d'une originalité inspirée : l'ouverture majestueuse et profonde, quasi-mystique ; les incursions virtuoses de la clarinette ou du cor de basset (écrites tout spécialement lors de la création pour Anton Stadler, ami du compositeur), qui s'invitent avec bonheur dans plusieurs airs. En revanche, le compositeur n'eu pas le loisir de fignoler lui-même les récitatifs secco, ce dont son élève et ami Sïssmayer se chargea. Le Théâtre des Champs-Elysées nous en proposait l'autre soir une version de concert. Dès les premières notes de l'ouverture, Louis Langrée à la tête du Deutsche Kammerphilarmonie Bremen, imprime un continuo musical dramatique et inspiré, qui ne se démentira pas tout au long de la partition. Dans les passages proprement symphoniques l'orchestre fait preuve d'une belle richesse harmonique (due en partie aux cordes en boyaux qui garnissent les violoncelles et les contrebasses ainsi baroquisés), et ce malgré l'acoustique un peu sèche de la salle. Les cuivres éclatent avec bonheur dans la Marche précédant l'arrivée de Titus ou ouvrant la séquence finale du jugement, l'orchestre foisonne généreusement avec les chœurs, et les ensembles s'enchaînent avec précision sous la baguette traditionnelle, convaincue et naturelle du chef, loin des expériences audacieusement fragmentées d'un Jacobs (Harmonia Mundi).
Alice Coote © IMG Artists
Au plan vocal, la distribution souffrait toutefois d'un point faible de taille. Le ténor Michael Schade, qui assurait le rôle-titre, était ce soir-là particulièrement décevant, campant un Titus moins royal que fatigué. Le premier air ("Del più sublimo soglio") déconcertait par un vibrato beaucoup trop large, malgré un beau phrasé. Mais loin de s'améliorer, la voix se détériore violemment au second acte : un "Ah no, sventurato" presque chevrotant, qui contraste avec un chœur impeccable, des hurlements disgracieux dans le grand récitatif accompagné "Che orror ! Che tradimento !, pour culminer sur un massacre en règle du "Se all'impero, amici Dei" (mépris total de la ligne musicale, ornements braillés, pianissimi détimbrés) ; le grand récitatif accompagné avant le final est à l'avenant. De manière un peu lapidaire, on pourrait en retenir que ce Titus nous appelle davantage à la compassion qu'à la clémence, et l'on se jettera avidement sur le DVD de référence de Ponnelle avec Eric Tappy (DG) pour oublier cette méforme... Fort heureusement le reste du plateau était davantage inspiré. Alice Coote s'affirme sans conteste comme un excellent Sextus, pivot de cette distribution. D'emblée, son timbre cuivré assure la crédibilité du rôle masculin. Débutant par un beau duo avec Vitellia ("Fan mille affetti"), elle nous offre un moment magique pour le "Parto, ma tu ben mio" : nuances subtiles, legato délicat se mêlent aux modulations appuyées de la clarinette en un ensemble très réussi, déclenchant de bruyants applaudissements. Dans le long récitatif accompagné "O Dei, che smania è questa", elle exprime avec conviction son talent dramatique, relayé intelligemment par l'orchestre. Elle excelle encore dans le trio avec Vitellia et Publius au début du second acte ("Se al volto mai ti senti"), et fait preuve d'un bel abattage dans le grand rondo "Deh, per questo istante solo", moment d'émotion intense et largement applaudi. On peut certes critiquer l'affectation exagérée du phrasé de Malin Hartelius (Vitellia), et son jeu de scène un peu outrancier, d'un "vérisme" déplacé dans une œuvre baroque, mais le personnage vengeur et instable s'y prête assez, et l'on a le souvenir de l'incarnation de Janet Baker chez Sir Colin Davis (Philips). Après un premier air ("Deh, se piacer mi voi") aux ornements par trop métalliques, la soprano s'acquitte avec davantage de bonheur du magnifique rondo "Non piu di fiori" (second acte), donnant avec brio la réplique à un cor de basset virtuose, et déclenchant un tonnerre d'applaudissements. Rosa Feola (Servilia) nous gratifie de sa voix perlée d'un fort beau "S'altro che lacrime" au second acte, après s'être livrée au premier acte à un duo émouvant avec l'Annius de Christina Daletska ("Ah perdona/ Ah tu fosti"). Cette dernière ouvre avec brio de son timbre clair et juvénile le second acte ("Torna di Tito a lato"), avec un sens consommé des nuances qui ravit le public. Citons encore son "Tu fosti tradito" aux ornements justes et dépourvus de sophistications inutiles. Le Publius de Brindley Sheratt possède des moyens un peu courts mais s'acquitte loyalement de son unique air. Enfin soulignons l'excellente qualité et la puissance vocale des chœurs du Deutscher Kammerchor, dont les registres se complètent harmonieusement sans jamais se confondre. En définitive, voici une Clémence vive et colorée, dramatique et parfois émouvante, et qui, pour peu qu'on soit clément envers Titus, ne laissera pas de marbre.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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