Rechercher Newsletter  - Qui sommes-nous ? - Espace Presse - FAQ - Contacts - Liens -   - Bookmark and Share

 

mise à jour

6 janvier 2014

Editorial

Brèves

Numéro du mois

Agenda

Critiques CDs

Critiques concerts

Interviews

Chroniques 

Tribune

Articles & Essais

Documents

Partitions

Bibliographie

Glossaire

Quizz

 

 

Chronique Concert

Mozart, Cosi Fan Tutte

Les Talens Lyriques, dir. Christophe Rousset

 

 

Christophe Rousset - D.R.

 

Wolfgang Amadeus MOZART (1756-1791)

 

Cosi Fan Tutte (1790)

Opéra-bouffe en deux actes sur un livret de Lorenzo da Ponte

 

Sofia Soloviy (Fiordiligi), Sophie Harmsen (Dorabella), Milena Storti (Despina), Sergey Romanovsky (Ferrando), Johannes Weisser (Guglielmo), Peter Rose (Don Alfonso)

 

Mise en scène : Marcial di Fonzo Bo

Scénographie : Antoine Vasseur

Costumes : Raoul Fernandez

Lumières : Maryse Gautier

 

Choeurs de l'Opéra de Dijon

Orchestre Les Talents Lyriques

Direction Christophe Rousset

 

Représentation du 18 mars 2012 à l'Opéra de Dijon, dans le cadre du Festival Italiart

horizontal rule

Une illusion théâtrale en demi-teinte

Cosi est probablement l'opéra de Mozart le plus emblématique de ce XVIIIème siècle galant que l'on retrouve dans les toiles de Boucher ou le théâtre de Marivaux. Si l'intrigue est somme toute assez mince, le génie de Da Ponte mène l'action de main de maître, les rebondissements rythmant vigoureusement les moments plus intimistes où s'épanche la psychologie des personnages. Marcial di Fonzo Bo a choisi de mettre en scène un spectacle dans le spectacle, jouant entre costumes d'époque et tenues contemporaines, décors anciens et artefacts du XXIème siècle. Si sa démarche constitue un effort méritoire pour renouveler la lecture d'une oeuvre fréquemment représentée, elle est loin de nous convaincre. La profusion de personnages secondaires à certains moments (par exemple, lorsque les héroïnes se trouvent dans leur chambre au début du premier acte) cadre mal avec le caractère intimiste de la scène, que suggère explicitement la partition. Ainsi, la petite voiture radio-commandée qui apporte à Despina la pierre de Messmer lors de la scène du médecin n'apporte pas grand-chose à l'intrigue. De même, et toujours dans un registre automobile, au second acte, les manœuvres répétées de la grosse berline électrique noire, façon Porsche Cayenne, sur l'arrière de la scène finissent par lasser, et détourner le spectateur de l'action. A l'inverse l'absence de déguisement des prétendus "albanais" appauvrit l'intrigue en soulignant son versant le moins réaliste. Quant à la photo géante de flamand rose qui apparaît à certains moments en fond de scène, elle paraît totalement déplacée. Au total cette mise en scène apparaît par trop en décalage avec l'atmosphère musicale de l'œuvre pour en proposer une nouvelle lecture pleine de sens.

 

 

© Opéra de Dijon / Gilles Abegg

Fort heureusement, face à ces errements scéniques, Christophe Rousset nous offre une production musicale de haut vol. L'orchestre des Talents Lyriques est certes un peu étoffé par rapport à ceux de l'époque de la création, mais on ne s'en plaindra pas : cordes impeccablement grainées, vents aériens, cors envoûtants, sans mentionner ce pianoforte aux cordes moëlleuses, qui remplace avantageusement le claquement un peu sec des clavecins habituellement utilisés, et instille avec volupté un érotisme diffus dans ce chassé-croisé amoureux. A leur tête de ses Talens, le chef déploie une dynamique sonore infaillible, attentive aux nuances, et régle avec minutie des enchaînements vocaux très "léchés" pour les ensembles.

Du côté des chanteurs, le plateau demeure un peu en retrait de ce niveau d'exception. La Fiordiligi de Sofia Soloviy aborde son "Come scoglio" avec une voix un peu hiératique. Même si le timbre s'assouplit ensuite, la diction n'est pas toujours très audible, et les reflets métalliques marqués lors de la reprise écorchèrent quelque peu nos oreilles. Fort heureusement le grand air du second acte ("Per pietà, ben mio, perdona") bénéficie d'une couleur plus moirée ; rehaussé des parties de cor (impeccablement exécutées) il fut très applaudi. Mentionnons aussi sa prestation lors du magnifique duo de la séduction avec Ferrando ("Fra gli amplessi"). Sophie Harmsen (Dorabella) fait également preuve de quelques duretés dans le timbre pour le "Ah, scostati !" ; elle aussi offre le meilleur de sa voix dans l'air du second acte ("E Amore un ladroncello"), tout en s'enduisant voulptueusement de crème chantilly au milieu d'une pyramide de gâteaux...Milena Storti (Despina) est enjouée à souhait dans son rôle de complice du vieil Alfonso : son timbre mat restitue avec conviction la verve du "In uomini, in soldati" ; le "Una donna a quindici anni" du second acte est savoureux. On l'apprécie toutefois beaucoup moins lors des deux scènes de travestissement (en médecin et en notaire), où la diction est des plus brouillonnes.

Serge Romanovsky (Ferrando) aborde son fameux "Un'aura amorosa" avec un vibrato beaucoup trop large, qui menace dangeureusement la ligne mélodique. Une technique consommée lui permet de l'atténuer progressivement, mais il ne parvient au terme qu'avec peine. Plus à l'aise dans l'aria du début du second acte ("Ah, lo veggio"), pour finir très honorablement sur la cavatine "Tradito, schermito" qui met en valeur la couleur ensoleillée de son timbre. Point de ces écarts chez l'excellent baryton Johannes Weisser (Guglielmo), à la voix stable et bien ronde, loin du tigre fougueux de son Don Giovanni avec Jacobs. Sa prestation est un régal, du "Non siate ritrosi" au tonitruant "Donne mie, la fate a tanti", en passant par un tendre duo avec Dorabella ("Il core vi dono"). Enfin, le don Alfonso de Peter Rose possède de beaux graves, mais des attaques parfois rugueuses ('"Barbaro fato !"). De sa projection affirmée, il tire brillamment la morale de l'histoire avant le final ("Tutti accusan le donne").

Soulignons aussi, au-delà des petites imperfections des chanteurs (mais n'oublions pas que l'oeuvre contient des airs redoutables...) un très bon équilibre des ensembles (le quintette des adieux, le trio "Soave sia il vento" tout de grâce aérienne, le sextuor final tourbillonnant du premier acte), et rappelons encore la subtile ligne orchestrale qui suit pas à pas l'intrigue, reste suspendue lors des airs, pour mieux exploser au final : merci, maestro Rousset !

 

Bruno Maury

Site officiel de l'Opéra de Dijon : www.opera-dijon.fr (Réservations : 03 80 48 82 82 - les 14, 16 et 20 mars 2012 à 20 heures, le 18 mars 2012 à 15 heures)

Site officiel des Talens Lyriques : www.lestalenslyriques.com

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

Muse Baroque, le magazine de la musique baroque

tous droits réservés, 2003-2014