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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert L'Olimpiade Venice Baroque Orchestra dir. Andrea Marcon
Andrea Marcon © Harold Hoffmann /DG L’Olympiade (Pasticcio sur le livret de Pietro Trapassi dit Metastasio)
Megacle – Romina Basso Licida – Delphine Galou Aristea – Ruth Rosique Argene – Karina Gauvin Clistene – Carlo Vincenzo Allemano Aminta – Nicholas Spanos
Venice Baroque Orchestra Direction Andrea Marcon
Mercredi 6 juin 2012, Théâtre des Champs-Elysées, Paris
"Voir loin, parler franc, agir ferme" Dans quelques semaines le monde sera pris de la fièvre sportive des Jeux Olympiques d’Eté. Si tout être contemporain bien dans son époque sait que ces jeux modernes furent l’initiative du baron Pierre de Coubertin, peu en connaissent la devise. Plus que le célèbre "Citius, altius, fortius" de l’abbé Didon, la devise de la famille Coubertin a un esprit très "olympique". Mais ce qu’on ignore souvent est aussi que bien avant la naissance du célèbre baron, notre chère ère baroque célébrait à sa manière des "jeux olympiques". C’est au sein de deux organisations complémentaires et sans doute en forte relation symbolique que certains génies concourraient dans des joutes verbales ou artistiques. Que ce soit l’Accademia de l’Arcadia ou la Franc-Maçonnerie au XVIIIème siècle, les grands esprits des "frères à talents" se réunissaient dans des "Jeux Olympiques" ou Giocchi Olimpici dans les Villas du Janicule. Pietro Trapassi, le plus grand des librettistes baroques étant membre arcadien y a déclamé des poèmes et s’inspirant sans doute de cette ambiance tournée vers une antiquité pastorale il écrit en 1733 l’Olimpiade. Ce texte n’est pas à prendre au premier degré, car à l’époque baroque, tout ce propos faisait sens et était rattaché à une symbolique particulière. Dans l’Olimpiade le centre de la trame n’est ni l’amour, ni la performance athlétique, mais l’amitié entre Licida et Megacle. Cette amitié n’a rien d’homosexuel comme certains gloseurs se plaisent à déclarer. L’Olimpiade porte dans ses vers la fraternité plus que l’amitié. L’air sublime de Megacle "Lo seguitai felice" est le credo de cette union entre deux frères symboliques, qui concourent avec candeur pour le même cœur, celui de la raison qui arrangera les choses et surtout pas par un drame ou une brouille. L’Olimpiade a été adapté plus d’une vingtaine de fois par la plupart des compositeurs baroques. La première adaptation pour la famille de l’empereur Charles VI (1711-1740) date de 1733 mise en musique par Antonio Caldara, qui mourra trois ans après. Puis se sont succédés dans le désordre Galuppi, Hasse, Leo, Vivaldi, Pergolesi, Traetta, Jommelli, Piccinni, Manfredini, Myslivecek, Sacchini, Cimarosa, Paisiello et le dernier sera étonnamment Donizetti en 1817 qui la laissera inachevée. Parmi les compositeurs étrangers les adaptations non italiennes sont diverses, nous remarquons notamment Poissl en Allemagne et celle de Michel Blavet en France. Le cas de ce dernier est spécial puisque Blavet a écrit Les Jeux Olympiques pour le Comte de Clermont, premier Grand-Maître Français de la Franc-Maçonnerie de France. Créée en 1753 dans le Château de Berny cette Olympiade tend à marquer l’importance de ces célébrations pour l’imaginaire maçonnique surtout en matière de surpassement de soi et de fraternité. N’oublions pas que l’une des principales loges de France, qui réunissait sous l’Ancien Régime les "frères à talents" dont Piccinni, Grétry ou Le Chevalier de Saint-Georges était l’ "Olympique de la Parfaite Estime" et possédait son orchestre le "Concert Olympique" que dirigeait le divin Saint-Georges lors du Concert des Amateurs donné dans le magnifique Palais Soubise. Mais trêve d’histoire, puisque dans le cœur de cette chronique se trouve surtout l’audace, les trouvailles merveilleuses et l’extraordinaire prestation d’Andrea Marcon, ses solistes et son orchestre. Le soir tomba doucement sur le marbre scintillant du Théâtre des Champs Elysées, et du marbre à propos se para la scène pour accueillir un podium ex-æquo en volupté, grâce et couleurs.
Romina Basso - D.R. Tout d’abord nous saluons la sublimissime interprétation de Romina Basso, voix chaude, sensuelle et puissante qui, à chaque note, envahit tout le spectre de l’émotion. L’artiste se surpasse dans les partitions extrêmement complexes de Hasse, avec un "Superbo di me stesso" incroyable d’agilité et d’inventivité. Son duo divin "Nei giorni tuoi felice" de Florian Leopold Gassmann est un pur bijou. Et que dire de son "Se cerca, se dice" de Cherubini aux accents désespérés ou l’extraordinairement subtile "Lo seguitai felice" de Jommelli. Ce talent se double d’une grande leçon d’humilité artistique digne des plus grandes voix et la chanteuse n’a pas hésité à saluer ses camarades par des applaudissements enthousiastes. De la même manière la délicieuse andalouse Ruth Rosique que nous avions par le passé découvert avec ravissement dans l’Olimpiade de Galuppi incarne ici Aristea. Nous allons le dire franchement, Rosique possède une voix exceptionnelle, réussit à nous faire frissonner par chaque note, à chaque vers prononcé avec une diction empreinte d’une belle émotion. L’acmé de son interprétation fut atteint lors du seul air (hélas) d’Antonio Caldara "Grandi e ver", l’un des plus beaux de cette œuvre. Dans "Tu me da me dividi" de Leo son énergie fait s’évanouir l’artifice de la scène si bien que le reproche exprimé est tellement fort que nous le sentons au fond de nous-mêmes. L’élégiaque d’une délicatesse absolue est atteint dans toute sa splendeur avec Piccinni et son "Caro son tua cosi". Une grande artiste. En poursuivant dans les ravissantes voix nous saluons Karina Gauvin, extraordinaire de présence mais un peu en méforme vocalement ce soir-là. Nous lui connaissions par contre des rares qualités de nuance que nous n’entendions qu’à moitié. S’il est vrai que le rôle malheureux de l’amante éconduite demeure un peu secondaire pour cette incroyable voix, il y eut tout de même des moments de pur ravissement comme le "Cara selve" de Giuseppe Sarti ou le tonique et splendide "No la speranza piu non m’alletta" où nous retrouvions la grandeur dramatique de cette tragédienne hors-pair. La surprise provint de Delphine Galou dans le rôle difficile de Licida, personnage en pleine initiation symbolique à la fois héros et anti-héros, et de son timbre merveilleux, chaud, rond, puissant à l’agilité parfaite. Nous rendons grâce aux programmateurs d’avoir cette artiste d’exception qui aurait du apparaître dans l’enregistrement à la place de la Franziska Gottwald nettement moins convaincante. Delphine Galou est une des voix françaises qu’il faut suivre tout comme la grande Annick Massis, Karine Deshayes, Chantal Santon ou Dorothée Lorthiois, des vraies chanteuses, investies et passionnantes dans leur style. Une autre belle découverte fut l’Aminta de Nicholas Spanos, bien que nous avouons n’affectionner que fort peu les contreténors. Sa délicatesse et son élégance, son équilibre, apparaissent bien loin d’une cohorte de rossignolets pêchant de maniérisme, notamment dans une certaine Didone de Hasse [NdlR : désaccord amical entre chroniqueurs au sein de la rédaction]. L’extraordinaire air de Hasse avec un basson obligé de rêve "Siam navi all’onde algenti" est débité avec une clarté parfaite, des aigus maîtrisés. Un des rares ténors à intervenir dans tous les styles est Carlo Allemano. Malheureusement, son Clistene reste trop attaché à une manière toute belcantiste qui alourdit l’agilité des vocalises. A la tête de son divin Venice Baroque Orchestra, Andrea Marcon donne une pâte bien plus nuancée qu’au disque Markellos Chryssikos n’arrive pas vraiment à saisir. Le maestro Marcon sait épurer les styles tardifs et ornementer le pur baroque, il est accompagné de solistes incroyables, que ce soit des vents, des cuivres son orchestre développe les styles avec la discrétion des adagi et la force des allegri. En sortant du marbre, des ors et du velours, la joie débordante du chœur des solistes guide les spectateurs vers le hall Belle Epoque du Théâtre d’Astruc. Si l’histoire de l’Olimpiade ne se finit vraiment pas par un palmarès et un hymne national, c’est que ce n’est pas le chant des glorioles médaillées qui sont à la base de l’oeuvre, mais la plus belle leçon de l’âme humaine, … n’oublions pas que "nous sommes des nefs dans l’onde troublée."
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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