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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Mouret, La Provençale - Duni, La Fille mal gardée Les Menus-Plaisirs du Roy, dir. Jean-Luc Impe
Jean-Luc Impe D.R. Jean-Joseph MOURET (1682-1738) La Provençale (Troisième entrée des Fêtes de Thalie créée en 1722)
Egidio Romualdo DUNI (1709-1775) La Fille mal gardée (parodie de La Provençale) (1758)
Léandre/Lindor – Stéphan Van Dyck Nérine – Aurélie Franck Florine- Stéphanie Gouilly Bobinette- Vincent Goffin Crisante /Le Magister – Thierry Vallier
Danseurs – Nathalie Adam et Guillaume Jablonka
Ensemble des Menus-Plaisirs du Roy Direction Jean-Luc Impe
13 avril 2010, Opéra Comique, Paris
"J'ai cru que l'amour de l'humanité avait autant de droits sur les cœurs que la gaieté dans les esprits." 2010 constitue en apparence une année plus romantique que baroque avec le bicentenaire Chopin. Et, comme à l'occasion de bien des anniversaires et célébrations, éclipsé par les figures tutélaires du cosmos musical, le tricentenaire d'un certain Monsieur Favart aurait pu souffrir l'oubli. Cependant, l'équipe de l'Opéra Comique rend hommage avec son enthousiasme et sa passion habituels à son plus grand auteur. Et c'est dans le Prologue de ses Moissonneurs (1768) cité ci-dessus en guise d'exergue, que Favart livre une confession discrète et modeste de l'art comique et finalement de la dramaturgie, c'est-à-dire d'un art qui touche et éveille. Ce mardi 13 avril 2010 - journée hasardeuse dans la superstition du chroniqueur anxieux de découvertes - les éléments reposaient sur Paris. L'après-midi, avant le concert, profitant d'un séjour entre les manuscrits du Palais Garnier, nous nous étions préparés en lisant les livrets de la parodie et de l'œuvre parodiée en goûtant la qualité des deux pièces, ce qui augurait d'un spectacle hautement divertissant. Lorsque la salle fut ouverte et que le premier balcon se fut rempli, nous constatâmes le voisinage prestigieux des frères Dratwicki, et de certains confrères de la presse écrite. Or la sonnerie retentit, et nous voyons déjà paraître le premier personnage, introducteur de comédie, une sorte de morphing de Catherine la Grande et de duègne travestie. Et comme dans le sérieux Théâtre Français d'autrefois, le Prologue fut récité, mais le sourire aux lèvres et le propos désopilant. Le spectacle commença donc dans une bonne humeur qui se maintint tout au long de la représentation. Tout d'abord, Jean-Luc Impe et ses Menus-Plaisirs du Roy, en formation restreinte et sur scène, ont attaqué à cinq pupitres (dont un percussionniste) les premiers accords de La Provençale, entrée de ballet de Jean-Joseph Mouret. La recréation de cette courte entrée d'opéra-ballet nous a ravis de bout en bout en faisant ressortir l'originalité de la musique de Mouret et le raffinement de son style, greffé sur une intrigue qui développe une intrigue presque classique du genre exploitant le comique de situation : une belle demoiselle (Florine) est enfermée dans un château par un vieux barbon (Chrisante) et son insidieuse gouvernante (Nérine). Lui faisant croire qu'elle est hideuse pour lui éviter d'aimer et de plaire, Chrisante et Nérine cherchent à la rendre amoureuse de son déclinant mentor par gratitude. Cependant, le jardin ouvert sur la côte apporte les chants d'un soupirant maritime, le beau Léandre qui réussira à l'enlever. La Provençale contient des moments d'anthologie sublimés par la grande sensibilité des artistes et l'intelligence de l'interprétation musicale. Nous citerons l'air superbe de Florine : "Mer paisible" chanté avec grâce et dramatisme par Stéphanie Gouilly, qui mérite amplement de figurer dans le répertoire sopranistique des chanteuses du baroque français. On distinguera aussi les excellentes prestations de la Nérine d'Aurélie Franck à la voix puissante et colorée; la chaleur du timbre de Stéphan Van Dyck malgré quelques difficultés dans le cantabile; le Chrisante grave et pathétique de Thierry Vallier. Les danses de Nathalie Adam et de Guillaume Jablonka ont épousé avec finesse l'esprit gaulois des scènes académiques, proposant de belles pirouettes et de charmants rigaudons. L'ensemble, agrémenté de costumes d'époque agréables et sans prétention, consacre un retour vers les oubliés du répertoire de l'Académie Royale de Musique, tel Jean-Joseph Mouret dont on ne retient trop souvent que quelques fanfares de chasse. Presque immédiatement après la fin de La Provençale, les applaudissements nourris de la Salle Favart furent interrompus par les vociférations de Vincent Goffin travesti en "directrice de troupe". Après une rixe esthétique avec Aurélie Franck en "star" de la très respectable Académie Royale de Musique, Goffin campe avec un grand sens comique le rôle de la vieille duègne Bobinette pour les débuts échevelés d'une parodie hantée par l'esprit aiguisé de Favart. Cette Fille mal gardée, reprend sensiblement la même intrigue que La Provençale, la jeune Florine se trouvant cette fois enfermée par un vénérable homme de loi, le grimaçant Magister, assisté de l'acariâtre Bobinette. Mais la jeune Florine feint la sottise et la soumission - telle la rusée Rosine du Barbier de Séville - recevant des billets doux de son amoureux Lindor, ici étudiant de droit et non marin. On sait peu de choses sur Egidio Romualdo Duni, compositeur italien à qui l'on doit cette parodie et celle de bien d'opéras et opéras comiques écrits par Favart. Célèbre en son temps, Duni épouse la musique française avec aisance, la saupoudrant d'italianismes ce qui la rend vive et légère. Bien entendu, les vaudevilles - étant des airs connus de l'époque - échappent à l'écriture du compositeur, mais il sait adapter sa partition à leur présence essentielle au genre parodique. Cependant, le talentueux Duni transfigure les styles et peut jongler sur une palette stylistique étendue, passant d'airs aux accents ramistes tels "Depuis que j'ai vu Lindor" à des scènes incroyablement drôles comme la leçon de lecture et le duo "Tu vas être la maîtresse" aux accents napolitains dignes des comédies de Vinci et de Pergolesi. Il faut ajouter que la recherche scientifique est un outil essentiel qui aide à la redécouverte du répertoire et son interprétation, mais que pour rendre hommage à l'esprit de l'ouvrage et faire rire le public contemporain des entorses s'imposent parfois. Les passionnés que nous sommes peuvent être ravis de tentatives de reconstitutions à l'identique, visant à recréer une représentation d'époque. Cependant, la reconstitution ne peut s'étendre au public et à la mentalité d'une époque révolue, et la passion doit céder à l'indulgence pour vivre avec son temps. Ceci pour féliciter l'équipe de Jean-Luc Impe qui, ajoutant du parodique à la parodie, ont interprété l'horreur d'un mix du Canon de Pachelbel avec des accents de hip-hop latinisant menés par un Vincent Goffin extraordinaire et un jeu de lumières branché. Après avoir ri jusqu'aux larmes, nous avons beaucoup apprécié le trio de l'enlèvement avec une Bobinette marionnette géniale. À la fin des applaudissements, c'est le sourire aux lèvres que le chroniqueur enchanté s'engouffra dans la rue Grétry au milieu des lampions joyeux de la nuit parisienne, convaincu que le génie comique de Favart n'était pas ridé malgré les trois siècles de distance qui séparent l'ère des Lumières du temps numérique…
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