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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert "Fais ce que vouldras" Ensemble Clément Janequin & Les Sacqueboutiers
© Patrice Nin
"Fay ce que vouldras"
Les Sacqueboutiers :
Jean-Pierre Canihac, (cornet), Daniel Lassalle (sacqueboute),Philippe
Canguilhem (chalémie), Laurent Le Chenadec (basson), Florent Tisseyre
(percussions), Yasuko Uyama-Bouvard (orgue, clavecin) Pierre Margot (récitant)
21 mars 2010, Odyssud, Blagnac, dans le cadre des Rencontres des Musiques anciennes en Midi-Pyrénées
A côté du fauteuil qui accueille le récitant, élégamment vêtu (chausses colorées, pourpoint rutilant), un tonneau sur lequel repose une bonne bouteille. Le ton est donné ! Le spectacle Rabelais offert conjointement, le 21 mars dernier, par les musiciens des Sacqueboutiers et les voix expertes de l’ensemble Clément Janequin conforte la place tenue dans l’activité musicale régionale par les Rencontres des Musiques anciennes en Midi-Pyrénées sises à Blagnac, près de Toulouse. Les accents truculents et chaleureux d’un spectacle imaginatif et flamboyant attendaient donc les spectateurs curieux pour cette création musicale et poétique élaborée autour de l’œuvre de François Rabelais par les deux groupes de musiciens complices. Une conférence introductive, une initiation du public aux danses Renaissance et un repas "rabelaisien" encadraient même le concert proprement-dit. Conçu comme un itinéraire cohérent à travers l’époustouflant recueil intitulé "Grandes et inévitables chroniques de l'énorme géant Gargantua" du moine médecin, ce spectacle associe des textes de Rabelais, mais aussi de Louise Labé, Joachim du Bellay, ou encore Clément Marot, tous particulièrement bien sélectionnés par Christian Chauzy, à un florilège de pièces vocales et instrumentales illustrant les thèmes abordés. Le public en parcourt ainsi les épisodes essentiels, de la naissance du géant génial jusqu’à la fondation de la fameuse abbaye de Thélème. Les thèmes initiateurs d’un humanisme "Renaissance" convoquent ainsi des poèmes et des musiques d’un foisonnement et d’une liberté de ton inégalés. Un appétit et une soif inextinguible de vitalité irriguent ce parcours, illustrant les tourments d’amour, la chasse, la danse, la guerre, jusqu’à la découverte de la sagesse humaniste concentrée dans cette devise ultime "Fays ce que vouldras". Le récitant des textes, l’acteur Pierre Margot, s’empare de ces poèmes, les faits siens, les anime de sa flamme et de sa gourmandise, ménageant de subtils enchaînements avec la musique. Les chansons, déclamées avec une prodigieuse énergie par l’Ensemble Clément Janequin, aux artistes sobrement vêtus d’une bure sévère, s’organisent autour des deux piliers incontournables que sont "La chasse" et "La guerre", précisément de Clément Janequin. Dominique Visse, contre-ténor et leader des "Janequin", Hugues Primard, ténor, Vincent Bouchot et François Fauché, barytons, Renaud Delaigue, basse, composent cet ensemble devenu incontournable dans ce répertoire. Les aboiements des chiens, les pétarades des armes n’effraient pas ces valeureux interprètes, pas plus que ses intrusions dans la paillardise ou la scatologie décomplexée. Néanmoins, il faut de nouveau louer ici la cohésion rythmique, la précision d’une diction habilement reconstituée, l’infinie justesse de ces voix mêlées qui nourrissent la vitalité impressionnante de leurs interprétations. Les "Janequin" savent s’approprier les œuvres qu’ils chantent et en révéler toutes les beautés. Aux débauches gaillardes signées Claude Lejeune, Claudin de Sermisy, Gabriel Bataille ou Guillaume Costeley, les chanteurs et les musiciens opposent la poésie bouleversante d’émotion et de finesse de Roland de Lassus ou d’Antoine de Bertrand. "La nuict froide et sombre" du premier, "Je vis, je meurs", du second tirent les larmes.
© Patrice Nin Les musiciens ne sont d’ailleurs pas en reste. Les Sacqueboutiers, sous la direction de Jean-Pierre Canihac, qui tient lui-même la partie de cornet à bouquin, enluminent les chants de leurs broderies raffinées et pourtant d’une belle opulence. Le subtil contrepoint avec les voix se nourrit du talent de chacun. On notera la performance de Yasuko Uyama-Bouvard qui joue simultanément et avec panache du clavecin et de l’orgue, une main pour chaque clavier ! Les pièces instrumentales du célèbre éditeur Pierre Attaingnant, dont l’éblouissant "Tourdion", qui illustrent brillamment l’épisode consacré à la danse, sont ainsi admirablement jouées, phrasées avec une science et une musicalité extrêmes. Les applaudissements du public, réfrénés tout au long de ce périple parcouru dans la continuité, ne peuvent néanmoins pas résister à l’effervescence de "La chasse" ou celle de "La guerre". Finalement, ils exigent et obtiennent des interprètes l’exécution d’un bis décalé et particulièrement réjouissant : celle de l’une de ces chansons parisiennes de la fin du 19ème siècle, clamée et jouée avec toute la gouaille qu’elle suggère. Un vrai bonheur que tous les discophiles pourront bientôt apprécier, puisque ce programme vient d’être enregistré par les mêmes ensembles et devrait être disponible dans les prochaines semaines !
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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