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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Rameau, Hippolyte & Aricie Le Concert d'Astrée, direction Emmanuelle Haïm, mise en scène Ivan Alexandre
Anne-Catherine Gillet, Aricie ; Topi Lehtipuu, Hippolyte ; Aurélia Legay, La Grande Prêtresse de Diane © Opéra national de Paris/ Agathe Poupeney
Jean-Philippe Rameau (1683 - 1764)
Hippolyte et Aricie (1733) Opéra en un prologue et cinq actes, sur un livret de l'abbé Simon-Joseph Pellegrin d'après Racine.
Solistes : Sarah Conolly (Phèdre), Anne-Catherine Gillet (Aricie), Andrea Hill (Diane), Jaël Azzaretti (l'Amour), Salomé Haller (Oenone), Marc Mauillon (Tisiphone), Aurelia Legay (la Grande Prétresse de Diane/ une chasseresse), Topi Lehtipuu (Hippolyte), Stéphane Degout (Thésée), François Lis (Pluton/ Jupiter), Nicholas Mulroy (Première Parque), Aimery Lefèvre (Arcas/ Deuxième Parque), Manuel Nunez Camelino (un suivant/ Mercure), Jérôme Varnier (Neptune/ Troisième Parque), Sidney Fiero (un chasseur) Danseurs : Marc Barret, Emilie Bregougnon, Anna Chirescu, Angèle Fontaine, Sébastien Montagne, Anne-Sophie Ott, Léa Perrat, Gilles Poirier, Raphaël Rodriguez, Arthur Zakirov
Mise en scène : Ivan Alexandre Décors : Antoine Fontaine Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz Lumières : Hervé Gary. Chorégraphie : Natalie Van Parys
Orchestre et Choeur du Concert d'Astrée Chef du choeur : Xavier Ribes Direction : Emmanuelle Haïm Représentation du 1er juillet 2012 au Palais Garnier
Splendeur des Atrides sous les ors de Garnier Nous avons rapporté dans ces colonnes la production donnée en 2009 au Capitole de Toulouse dans une mise en scène d'Ivan Alexandre, sous la baguette déjà inspirée d'Emmanuelle Haïm, mais dont certains interprètes nous avaient paru en-deçà de la haute ambition générée par la grande tragédie lyrique du génial compositeur dijonnais. Nous avions pourtant déjà souligné la remarquable démarche effectuée pour recréer des décors, des effets de machines et des costumes dans l'esprit du XVIIIème siècle. Aussi c'est avec plaisir que nous avons vu inscrire cette production au répertoire du Palais Garnier, avec un plateau en partie renouvelé et des figurants étoffés afin de remplir la scène plus large de l'Opéra national de Paris. Mais attardons-nous un instant sur cette mise en scène enchanteresse, qui restitue de manière magistrale ce à quoi pouvait ressembler une représentation d'opéra dans cette première moitié du XVIIIème siècle. Les grands décors peints de fond de scène (en particulier la perspective des colonnades du premier acte, ou le souterrain des Enfers au second) semblent tout droit sortis des cartons des Menus Plaisirs du Roi, dont nous avons pu admirer la superbe exposition il y a quelques mois aux Archives Nationales. Les changements de décor à vue adoptés sont indissociables des représentations baroques, de même que les machines qui permettent aux divinités de descendre des cintres (comme Diane lors du prologue). Concernant les costumes de Jean-Daniel Vuillermoz, on ne lasse pas de s'émerveiller devant le raffinement de leurs ornements, même si le choix de teintes un peu fanées (rose, vert notamment) a tendance à virer à un grisâtre uniforme sous l'effet d'un éclairage très atténué, mais dont la chaude couleur jaune-orangé s'approche assez précisément d'un éclairage à la bougie. Quant aux nombreux ballets, leur chorégraphie est impeccablement réglée, leur gestuelle précise et raffinée, faisant revivre sous nos yeux une tradition souvent malmenée. Ivan Alexandre se défend d'avoir procédé à une reconstitution (exercice au demeurant improbable, car il aurait fallu disposer d'éléments extrêmement précis sur les représentations de l'œuvre du vivant de Rameau). Aussi je préfère utiliser le terme de recréation, plus approprié pour cette production du XXIème siècle qui tente de restituer l'esprit et les attributs d'une œuvre du XVIIIème siècle, avec toutefois moins de modernité qu'un Atys, visuellement tout aussi splendide mais à la relecture éminemment contemporaine. Et, même si les ors du Palais Garnier s'avèrent un écrin plus écrasant que la sobre salle du Capitole pour cette mise en scène raffinée, le charme en demeure intact.
Anne-Catherine Gillet, Aricie ; Topi Lehtipuu, Hippolyte © Opéra national de Paris/ Agathe Poupeney La distribution s'avère elle nettement plus convaincante qu'à Toulouse. Stéphane Degout s'affirme comme un grand interprète du rôle de Thésée qu'il incarnait déjà au Capitole. Au second acte, il brille tout d'abord d'une douleur à peine contenue qui s'exprime par la majesté de son phrasé ("Inexorable roi de l'empire infernal"), puis s'enthousiasme avec flamme pour évoquer sa virile amitié avec Pirithoüs ("Sous les drapeaux de Mars"), enfin invoque avec force Neptune lorsqu'il comprend qu'il ne parviendra pas à fléchir Pluton ("Puisque Pluton est inflexible"). Signalons encore son superbe air "Puissant maître des flots" à la fin du troisième acte. Pour en revenir à l'acte des Enfers et à ses interprètes, mentionnons l'extraordinaire prestation théâtrale de Marc Mauillon en Tisiphone. Côté voix, la diction est soignée, la projection sans faille, pour débiter les imprécations du rôle. Les duos avec Thésée sont très réussis. De son côté, François Lis incarne un Pluton au phrasé de basse ténébreuse, particulièrement crédible. Sa déclamation "Qu'à servir mon courroux" est tout à fait terrifiante, dans une atmosphère dramatique vigoureusement suggérée par l'orchestre. Signalons encore le bel ensemble du trio des Parques "Du Destin le vouloir suprême", formé par les voix réunies de Nicholas Mulroy, Aimery Lefèvre et Jérôme Varnier. En revanche la prestation isolée de Jérôme Varnier dans le rôle de Neptune, au début de l'acte V, nous laisse un peu sur notre faim : la voix est correcte, mais le timbre manque décidément de relief et de couleurs. Aimery Lefèvre s'acquitte pour sa part avec brio et beaucoup d'expressivité du court rôle d'Arcas, qui annonce la descente du roi aux Enfers à la fin du premier acte ("Ce qui vient de frapper mes yeux"). Pour poursuivre sur les rôles masculins, Topi Lehtipuu (Hippolyte) possède une voix de ténor bien ronde, à la projection assurée, pour donner la réplique à Aricie (premier et quatrième actes). Ses duos du trosième acte avec Phèdre sont très réussis.La prestation de Manuel Nunez Camelino nous laisse un impression mitigée : l'incarnation de Mercure au second acte est correcte, mais ses airs de suivant de l'Amour au prologue souffrent irrémédiablement d'une émission beaucoup trop large, qui défigure allégrement le très attendu "Plaisirs, doux vainqueurs". Fort heureusement, le magnifique ballet final qui s'enchaîne éclipse rapidement ce cuisant souvenir.
Jaël Azzaretti, L’Amour © Opéra national de Paris/ Agathe Poupeney Côté féminin, Sarah Connolly est une Phèdre à la voix impérieuse, qui sait s'imposer face à la trompette ("Je vous entends : eh bien, que la trompette sonne !"), et lancer les attaques tranchantes de sa jalousie exacerbée ("Que rien n'échappe à ma fureur"). L'air d'ouverture du troisième acte ("Cruelle mère des amours" déploie les couleurs émouvantes d'un timbre cristallin légèrement ouaté, habilement relayé par l'orchestre, pour atteindre un moment sublime de la représentation. Son remord (au final du quatrième acte : "Non, sa mort est mon seul ouvrage") est proprement bouleversant. Victime innocente de ses machinations, Aricie (Anne-Catherine Gillet) ne lui cède en rien au plan vocal : le charme de son timbre de cristal délicatement grainé s'offre à nous dès son premier air ("Temple sacré, séjour tranquille"), enchaîne les délicats duos avec Hippolyte, redouble de sensualité lorsqu'elle retrouve Hippolyte au quatrième acte ("Dieux ; pourquoi séparer deux coeurs"). A l'acte V, le "Quels doux concerts !" ondule subtilement au son des flûtes traversières, dans un moment magique. Andrea Hill nous a un peu déçus dans le rôle de Diane : le timbre, relevé d'une pointe d'acidité, est plutôt agréable et expressif, mais son insuffisante maîtrise de la diction française handicape trop visiblement sa projection. Salomé Haller est une Oenone expressive, au timbre agile et à la projection assurée ; au troisième acte son "Un désespoir affreux" traduit magistralement sa confusion. Surtout, signalons l'inoubliable prestation de Jaël Azzaretti : avec son timbre cristallin et rieur, légèrement ambré, cet Amour illumine littéralement le prologue (allègre "Au doux penchant", "Régnez aimable paix" où elle rivalise avec les flûtes). Son apparition au troisième acte en matelote ("L'Amour, comme Neptune") est frais, et plein d'ingénuité. Et son air de bergère au final ("Rossignols amoureux"), en duo avec la flûte, est incontestablement un grand moment. A l'acte IV, Aurelia Legay est une chasseresse à la voix claire et déterminée ("A la chasse ! A la chasse !"), qui ponctue admirablement le superbe ballet des chasseurs. Est-il besoin de s'attarder sur la direction d'Emmanuelle Haïm, dont nous avions déjà dit tout le bien que nous pensions lors des représentations du Capitole ? Dès l'ouverture, la pâte orchestrale est bien homogène, dégageant de son puissant relief les nuances subtiles de la partition. Ce mélange de vigueur et de fluidité anime avec conviction les magnifiques ballets qui s'intercalent tout au long de l'œuvre. Les passages dramatiques (acte des Enfers, intervention du monstre marin) sont restitués avec force. Attentive à ses chanteurs, Emmanuelle Haïm veille en permanence à l'adéquation de la ligne de chant et des tempi de l'orchestre, la ligne musicale n'est jamais prise en défaut. Les interventions des flûtes, et des musettes au final, sont particulièrement réussies. En conclusion, on ne peut donc que souhaiter que cette excellente production soit rendue prochainement accessible à un public plus large à travers un enregistrement DVD...
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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