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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival Haendel, Giulio Cesare Accademia Bizantina dir. Ottavio Dantone
Ottavio Dantone - DR
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Giulio Cesare (1735)
Giulio Cesare : Sonia Prina Cleopatra : Maria Grazia Schiavo Tolomeo: Filippo Mineccia Sesto : Paolo Lopez Cornelia : Anna Rita Gemmabella Achilla: Sergio Foresti Nireno: Benedetta Mazzucato Curio: Giuseppe Esposito
Accademia Bizantina direction Ottavio Dantone
Représentation du 14 juin 2012 à l'Opéra Royal de Versailles, dans le cadre du Festival "Le Triomphe de Haendel"
Va tacito !
Ottavio Dantone aborde les rivages orientaux en conquérant. La lecture est ferme, voire musclée, les tempi parfois d’une ivresse effrénée, le continuo pressant, les da capos d’une virtuosité extravertie. Ce Jules César sera celui de la Cléôpatre Mankiewiczienne, l’intimité en moins. Car le chef est plus à l’aise dans les orgies de timbres et dans le grandiose que dans l’étroitesse des récitatifs et des soupirs. Et si son Jules erre parfois sur la plage have et défait à la recherche de ses légions, de tels instants d’abandon ne dure guère, et Dantone a hâte de sortir de nouveau le glaive du fourreau. Il y a quelque chose de rageur et d’héroïque dans cette épopée, d’une virilité indubitable. Ainsi, le célèbre "Va tacito", saccadé et démonstratif à contresens du texte, doté d’un continuo musclé, délivré avec une morgue par Sonia Prina, claquant comme un ultimatum résume à lui seul cette vision monumentale, qui n’évite pas quelquefois l’écueil de la surenchère, transformant Jacobs, Christie ou Minkowski en paisibles dormeurs ! L’Accademia Bizantina s’appuie sur un solide noyau de cordes, compact et grave, qui confère une terrestrialité presque bestiale à certaines de ses interventions. Si bien que le spectateur sort de l’Opéra Royal heureux, essoufflé après tant d’aventures, de combats, avec l’impression d’une course effrénée pleine de bruit et de fureur.
Sonia Prina - DR Pour accompagner le chef dans l’intrépide chevauchée, un casting d’anthologie. D’abord il y le César de Sonia Prina. L’émission est parfois bousculée, la musicalité prise en défaut, mais quel mordant ! Son imperator macho ("Va tacito"), au timbre puissant et cuivré, mitraillant altièrement ses vocalises à une vitesse époustouflante ("Empio tu sei", "Al lampo dell'armi" hélas amputé des pressantes interjections de son chœur) correspond parfaitement à la vision martiale du chef, et le chef de guerre intraitable et résolu prend ici largement le pas sur l’amoureux, ravalant presque la belle Cléo au titre de butin ("Se in fiorito" rigolard). C’est oublier le choix de la (trop ?) fragile Maria Grazia Schiavo dans le rôle de l’héritière des pharaons. Le soprano est évanescent, un vibratello souvent affleure, les aigus sont tendus et l’artiste a du mal à rendre le parcours initiatique de la Reine, de l’adolescente aguicheuse à la souveraine tragique, se concentrant dès le départ sur cette dernière dimension. En dépit de ses réserves, le contraste avec César en est d’autant plus frappant, et dramatiquement judicieux tandis que les airs de déploration "Se pietà’" ou le douloureux "Piangerò" sont particulièrement émouvants. Troisième point fort de la distribution, le Tolomeo vicieux et jouissif de Filippo Mineccia, qui s’est doté pour l’occasion d’une coiffure avec crête d’iroquois confirmant son incarnation de "bad boy" proche de celle de Christophe Dumaux, moins joueur et espiègle peut-être, se vautrant dans une méchanceté perverse agressive et vaine. En grand acteur, Mineccia attaque ses airs avec hargne, hache ses doubles croches comme autant d’injures, incarnant un monarque malsain et instable à l’image d’une ligne mélodique martyrisée. Mais derrière les excès du personnage, l’émission est stable, les coloratures agiles, et le numéro de matamore de "L’empio, sleale, indegno" et la "Domerò la tua fierezza".
Filippo Mineccia - DR Malgré l’engouement du public, nous émettrons quelques réserves quant au Sesto de Paolo Lopez, au timbre forcé, un peu hululant, aux graves aplatis qui cependant convient bien à un personnage adolescent. Certes, le sopraniste est agile ("svegliatevi nel core") et excelle dans le duo "son nata lagrimar", mais "l’angue offeso" sur une allure peut-être trop allante pour le chanteur, se révèle brouillon. Sa mère, la noble Cornelia, se voit incarnée avec une fière gravité par Anna Rita Gemmabella au mezzo profond et cuivré, d’une dignité blessée (superbe "Priva son d'ogni conforto"). Enfin si l’on excepte les rôles très mineurs de Curio et de Nireno, l’Achilla de Sergio Foresti redonne de la prestance à son général, souvent présenté comme un falot mercenaire, grâce à sa basse sonore et expansive. Voilà donc un Jules César rutilant et fougueux, météore terrassant l’Egypte sur son glorieux passage, d’une vitalité à couper le souffle. Un peu plus de douceur et de galanterie auraient rendu la prestation moins unidimensionnelle, mais cette traversée du désert dans un bolide est de celle qu’on ne refuse pas.
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