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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival Haendel, "Musiques des Fastes Royaux d’Angleterre"
The Academy of Ancient Music, dir. Richard Egarr
Richard Egarr - D.R.
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Coronation Anthems Water Music Royal Fireworks Music Hallelujah/ Amen – The Messiah
The Academy of Ancient Music Direction Richard Egarr
Vendredi 8 Juin 2012, Chapelle Royale du Château de Versailles, dans le cadre du Festival "Le Triomphe de Haendel"
"Uneasy lies the head that wears a crown" Henry IV – William Shakespeare
Pour la deuxième fois, le château solaire de Louis XIV ouvrit son cœur pour accueillir un festival fastueux après le "Triple V" de l’an passé "Venise, Vivaldi, Versailles". Pour sa deuxième édition, Haendel, le cosmopolite allait enfin produire ses nobles musiques dans le temple de l’art français. Le festival qui débute par la Musique des Fastes Royaux de la cour Hanovrienne de Grande-Bretagne coïncide avec le "Diamond Jubilee" de la reine Elisabeth II qui atteint les records de règne de la vert Albion avec son aïeule Victoria (1837-1901) et l’élève de Haendel George III (1760-1820). La Chapelle Royale de Versailles n’a jamais connu de sacre ni de couronnement, la seule cérémonie réellement importante qui se soit déroulé dans sa superbe nef fut le mariage du futur Louis XVI avec la jeune archiduchesse Marie-Antonia de Habsbourg-Lorraine en 1770, évènement qui inaugurera aussi la splendide salle Gabriel, aujourd’hui Opéra Royal de Versailles. Cette sublime chapelle fut un projet politique fort du Roi Très Chrétien. Son passé solaire s’y reflète encore mais deux faits marquants lient à tout jamais cet édifice et le destin de l’opéra. A l’origine, comme l’expose très bien Jérôme de la Gorce dans sa biographie de Lully, l’emplacement de l’actuelle Chapelle Royale était destiné à accueillir une salle d’opéra. Cependant, à partir de l’ascension de la dévote Françoise d’Aubigné dans l’esprit et dans le lit du monarque, l’opéra entre petit à petit dans une phase de désenchantement, Louis XIV éclipse son soleil du voile de Tartuffe. En effet Madame de Caylus, nièce de la favorite d’Aubigné, rapporte que cette dernière a sommé le roi de ne plus se rendre à l’opéra, ce spectacle constituant une "insulte à la raison et étant inconvenant pour les gens à partir de 40 ans." Louis XIV fait suspendre les travaux de sa salle d’opéra à Versailles, et c’est symboliquement l’année de la mort de Lully, en 1687, que les travaux de la chapelle commencent. La Chapelle n’est achevée qu’en 1710, dans le crépuscule contrit du prince qui fût l’astre éclatant du Siècle Français, alors que derrière les falaises d’albâtre d’Albion, Haendel préparait le coup d’éclat de Rinaldo au Queen’s Theatre de Haymarket.
Thomas Hudson, Portrait du Roi George II de Grande-Bretagne, 1744 (détail) © National Portrait Gallery, London Quand le roi George II de Grande-Bretagne (1727-1760) monte sur le trône, une longue amitié le lie à Haendel. Ce dernier encore sujet prussien, par sa naissance à Halle, en 1727 obtint sans difficulté du roi George Ier (1714-1727) d’être naturalisé britannique. Cette stratégie lui ouvrit définitivement les portes de la musique officielle de l’Etat britannique. Il était logique alors qu’il compose des nouveaux hymnes de couronnement pour le sacre du roi George II en 1728 à Westminster Abbey. Dans cette série d’Antiennes sacrées et festives, il exploite le chœur avec une palette dramatique et nuancée. Quasiment 20 ans avant le Messie, Haendel fait preuve d’une maîtrise chorale sans précédent, sans aucun effet pompeux, comme la sage musique de Pepusch qui se colla aussi à de la musique cérémonielle. Ce soir à Versailles, la Chapelle essuyait fièrement les ondées d’une pluie battante. A l’intérieur le Dieu Omnipotent posa son pied sur des vagues musquées et endimanchées pour la célébration haendélienne. La mythique Academy of Ancient Music allait paraître dans la nef avec un chœur fourni, apportant avec ses instruments les belles couleurs auxquelles nous ont habitués leurs versions de référence notamment dans le répertoire anglais. Dès le départ de "Zadok the priest" la Chapelle Royale fut immédiatement inondée du tsunami de musique. Les voûtes explosèrent de couleur et les ors de Robert de Cotte en devinrent scintillants. Richard Egarr, de sa battue enthousiaste mais précise, mène une Academy of Ancient Music qui renouvelle le son raffiné et prestigieux des grands jours de son prédécesseur Christopher Hogwood. Le chœur, quoiqu’un peu en retrait après l’envolée première, se rattrape par la suite avec un brio qui nous a laissés pantois et vibrants de communion. Nous aurions souhaité néanmoins que les hymnes soient donnés avec davantage de cohérence, les uns après les autres, pour les voir fleurir un par un avec leur beauté et leur grandeur. Retrouvailles heureuses en tous cas pour nous avec cette Academy of Ancient Music et leur splendide maîtrise vocale et dramatique. Seul bémol à ce concert, les interventions intercalaires de pièces instrumentales s’avérèrent inégales dans l’interprétation. Les extraits de la sempiternelle Water Music ne font office que d’intermède. Nous nous attendions à un langage plus homogène pour comprendre le style cérémoniel de la cour anglaise, alors que cette Water Music tombe dans les travers du poncif tonitruant, quasiment publicitaire. Dommage que Richard Egarr ne nous fasse pas découvrir dans ces pages rebattues les nouvelles nuances qu’il insuffla dans les Coronation Anthems. Idem pour la Royal Fireworks Music qui même lors de la fastueuse "Rejouissance" ne s’envole pas. Enfin, péché plus véniel, la présence de l’Hallelujah et du Amen de Haendel, était pour le moins inutile, la fin du "King shall rejoice" se suffisant largement à elle même. Le fait monarchique est souvent une tâche complexe et ambigüe. Dominer est un leurre : l’on n’a de pouvoir que parce que la communauté le donne. Les Hymnes du Couronnement sont un rappel plus qu’une révérence, le monarque tient son pouvoir de la communauté plus que du sacré. En France il faut attendre Napoléon Ier et la monarchie constitutionnelle pour que lors du sacre l’on chante des véritables musiques de couronnement. Bien entendu, l’exception des hymnes du sacre de Louis XVI par le grand François Giroust constituent un précédent intéressant. Quoi qu’il en soit, ce soir, en sortant de la Chapelle Royale, en empruntant les couloirs du marbre endormi, les échos de l’ancienne monarchie ont tressailli aux musiques qui rappelaient le serment inviolable du roi et son peuple, que toutes les révolutions de l’Histoire ne pourront pas défaire, puisqu’il a été chanté.
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