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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Festival Haendel, Le Messie, The King's Consort, dir. Robert King
Robert King © The King's Consort
Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Georg Friedrich Haendel
Messiah (Le Messie)
Julia Doyle – Soprano Diana Moore – Alto Joshua Ellicott – Ténor David Wilson-Johnson – basse
The King’s Consort dir. Robert King
Mardi 10 Juillet, Chapelle Royale du Château de Versailles, dans le cadre du Festival "Le Triomphe de Haendel"
God save the King! Parfois le destin de certaines œuvres est galvaudé. Le Messie de Händel a fait rentrer son insigne compositeur dans la vaine gloire des standards. Et pourtant cette œuvre demeure assez méconnue dans ses couleurs et sa profondeur. On connaît suffisamment la légende et l’aura qui entoure la création du Messie, suffisamment rapportée par Smith et Mainwaring. L’un des plus beaux récits de cette légende est celui que Stefan Zweig en a fait dans ses "Les Très riches heures de l’Humanité". Le roman de cette année 1740-1741 qui vit Haendel rentrer dans une de ses crises de paralysie qui faillirent nous priver du génie absolu de ses oratorii est assez floue dans l’histoire du grand homme. Cette année est un tournant important dans la carrière de Haendel, c’est une année de grande frustration et d’adaptation. En effet l’année 1740 voit la création et l’échec du dernier opéra italien du Saxon, Deidamia. Malgré la victoire remportée contre l’Opera of Nobility, l’entreprise opératique du Saxon ne survit pas au changement drastique du goût des élites britanniques. Deidamia est un bijou de dramatisme, de fantaisie mélodique et de pureté vocale. Malgré tout ce qu’on peut dire, sans Deidamia, Serse ou Atalanta il n’y aurait pas de Messiah. Les trois derniers opéras de la décennie 1730 ont été, dans le génie théâtral de Händel, le laboratoire stylistique de l’oratorio. Deidamia en possède la légèreté vocale et la passion, Atalanta les rappels du passé (les premières mesures vocales du duo "Cara, caro" sont un clin d’œil évident au style montéverdien) et Serse a forgé la pâte du récitatif efficace et percutant. Messiah n’est surement pas une œuvre de génération spontanée dans l’immense génie de Händel, c’est un tournant, le corollaire pour l’opéra et le départ non pas d’un oratorio, mais d’un opéra religieux. Messiah est un récit, le héros est en narration, la focalisation est interne, le style indirect libre prime. Les premières mesures de la Symphony sont en fait une ouverture, le drame est mis en place. Le "Confort Ye", tout comme le magnifique "Hieroglifici eterni" de l’Orlando de 1733 est une entrée en matière sublime. La réflexion qui s’ensuit est bien plus proche de la philosophie quasiment nietzschéenne : C’est en paix que l’esprit peut converger vers le surpassement dont le Amen est la consécration ultime. Philosophiquement, l’Histoire du Messiah n’est pas purement celle du Christ, mais celle de tout être vivant qui renait de ses cendres, c’est l’histoire du Phénix que Haendel a pris très à cœur. La renaissance, la régénérescence et les temps nouveaux. Un appel d’espoir au milieu des ombres. Nous les citoyens aveuglés du XXIème siècle nous sommes le "people that walked in darkness" du sublimissime air de basse, l’art, la beauté, la musique et la raison est cette "great light" que la basse proclame avec résolution.
Julia Doyle - DR Curieux Messiah ce soir à Versailles, un credo, un manifeste philosophique et historique pour le divin Robert King, un réveil de ce King’s Consort qui revient dans une France meurtrie par ses angoisses et un désarroi incompréhensibles. Le chef britannique n’a pas perdu une once de sa magistrale maîtrise du langage haendélien, et ce Messiah, qui pour beaucoup aurait pu être plus une formalité, ou une redite, fut dès les premières notes une élégie à la résurrection, un chant d’élévation non pas mystique mais philosophique, spirituel et esthétique. Robert King nous a réveillé à la profondeur humaine de ce Messiah, à sa pure simplicité, aux couleurs de l’affect dans le texte de Jennens. Et le King’s Consort sous la direction unique de Robert King retrouve toute la délicatesse, l’élégance et l’énergie dramatique qui ont depuis 30 ans caractérisé cet orchestre pour l’univers haendélien. Côté chanteurs, la fourchette était, à une exception, digne de la Chapelle Royale., le soprano subtil, coloré et clair de Julia Doyle excelle absolument dans les airs contemplatifs et élégiaques, tel le "Rejoice greatly" qui nous épate de sa ductilité vocale alliée à une extraordinaire douceur de timbre sans mentionner l’acmé absolu du dernier air, corollaire de cette quête de la lumière : "If God be for us who can be against us". L’implication de l’artiste, les couleurs de sa déclamation, la puissance dramatique dans le choix des ornementations sont à louer sans réserve. Ex æquo, l’alto Diana Moore, dans les airs extrêmement exigeants tells "O thou that tellest" qu’elle a déclamé et subtilement agrémenté d’un vocatif absolument entrainant et communicatif. N’oublions pas non plus les écarts dangereux du "But who may abide" que la chanteuse vainc sans difficulté. Bien plus impliquée que les néo-castrats, la voix d’alto de Miss Moore se rapproche plus de l’ambiance que Haendel souhaitait porter dans sa partition que des gazouillis digne des partitions friables des arie di baule et autres rodomontades vaines. Une surprise immense aussi fut la présence d’une des meilleures basses baroques d’Angleterre, David Wilson Johnson. Incontournable des enregistrements glorieux de King et de Hogwood, s’il est vrai que sa voix n’atteint plus la grandeur profonde des années 90, il a gardé la force interprétative, le dramatisme, la présence scénique et l’invocation que seuls les grands interprètes portent en eux ad vitam. Il nous égrène avec maîtrise le divin et mystérieux : "The people that walked in darkness". L’apothéose est atteinte avec le "Why do the Nations" et bien entendu un triomphal "The trumpet shall sound". Sur ce dernier air n’oublions pas ce qu’ont rapporté Mainwaring, Smith et Zweig, c’est un air que Händel se plaisait à chanter au clavecin, comme un credo absolu de sa résurrection. La mort n’est pas la fin, le dernier souffle est le premier soupir des nouvelles exhalations. Et tout ça au delà du sens mystique, le voyage vers un orient souriant qui accueille les bienheureux qui résistent au combat intransigeant des astres et des éléments. David Wilson Johnson faits des débuts remarqués à Versailles et nous souhaitons vivement qu’il y revienne.
David Wilson-Johnson © Philippe Christin Comme dans tout parcours initiatique, hélas, les obstacles existent, et certains demeurent insurmontables. C’est le cas malheureusement de Joshua Ellicott dont le timbre trop large et immodérément suraigu nous étonne pour un ténor britannique. D’habitude la Merry England nous a toujours ravi de ses rejetons ténors, aux voix fraiches, insurpassables dans l’art de la vocalise et de l’élégie, parfaits dans l’incarnation délicate et élégante des oratorii. Joshua Ellicott, malheureusement est en bien mauvaise position dans ce Messiah. Non seulement il est surexposé, étant lui l’ordonnateur qui met un point d’orgue au chaos pour annoncer les temps nouveaux, son "Comfort ye" ne nous conforte pas du tout. Dans la suite des actes manqués, le divin "Ev’ry valley" est hélas entâché d’une suite de décalages, et d’ornementations maladroites. Bien entendu, les Chœurs du King’s Consort furent largement au niveau de l’œuvre et du lieu faisant preuve de puissance et de cohésion. Ce Messiah a ce soir-là sonné la poursuite forte de la lumière qui culmine dans la fin de cette syllabe sacrée qu’est l’Amen. Au dessus de nos têtes, de la source de l’être, du puits de l’humanité, le pied puissant et éthéré de l’Architecte suprême posa son halo sublime sur l’assistance éveillée aux plaisirs de la musique et du cœur.
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