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6 janvier 2014

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Chronique Festival

Haendel, Solomon

Gabrieli Consort and Players,

dir. Paul McCreesh

 

Paul McCreesh - D.R.

 

Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)

Solomon

Iestyn Davies – Solomon

Gilian Gebster – The Queen of Saba/Second Harlot

Sarah Tynan – The Egyptian Queen/ First Harlot

Jeremy Ovenden – Zadok the priest

Peter Harvey – A Levite

 

Gabrieli Consort & Players,

dir. Paul Mc Creesh

Mardi 26 juin 2012, Chapelle Royale du Château de Versailles, dans le cadre du Festival « Le Triomphe de Händel »

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"Un cœur qui sache écouter"

Dans l’empyrée versifiée qui constelle la Bible, quelques belles étoiles brillent au delà du rite et de l’histoire religieuse. Tel est le cas de Salomon. Le roi sage des Ecritures brille pour l’anecdote célébrissime de l’enfant coupé en deux. Le Temple de Salomon a rendu Jérusalem immortelle par la puissance sacrée et symbolique de ses trésors, tous évanouis dans la folie coercitive des temps. Mais l’univers hermétique de ce sanctuaire parfois inaccessible à ceux qui ne veulent y voir que la surface. Le récit dans le livre de Samuel et dans celui des Rois qui conte la fabuleuse histoire du fils de David et Bethsabée,  apporte un éclairage extraordinaire sur un des monarques les plus intéressants de l’Antiquité. Outre les épisodes du célèbre Jugement, de la  Reine de Saba, dans le récit de l’oratorio de Haendel, on tend davantage à un Salomon au dessus de toute anecdote qu’à un personnage biblique. Solomon se rapproche en quelque sorte de l’opéra idéologique et symbolique que d’une continuité hagiographique courante.

Si l’œuvre musicale est un monument de sensualité, d’exotisme, de poésie et de dramatisme, le livret demeure un mystère. L’auteur est en encore ignoré, malgré des hypothèses qui l’attribuent à Thomas Morell. Cependant, nous sommes face à une musique étrange qui appelle par son illustration un texte aux multiples allusions symboliques, et nous avons cru percevoir tout au long de l’oratorio un nombre non négligeable de références plus ou moins voilées  à la Franc-maçonnerie. En effet, dans le panthéon Maçonnique, Salomon occupe une place centrale, surtout en relation directe avec le mythe d’Hiram, l’architecte du Temple de Jérusalem, « premier Franc-maçon » et la construction, le dessin des loges elles-mêmes. Dans une étude bien hypothétique, et dans le contexte d’une Angleterre entièrement acquise à la Franc-maçonnerie depuis 1718,  l’existence de Salomon peut éventuellement être imaginée comme l’objet d’une commande tacite des loges britanniques pour célébrer la mémoire du roi qui a rendu possible l’œuvre des premiers maçons. Solomon referme ses secrets les plus profonds dans les magnifiques vers de son livret anonyme.

Ce soir, sous les ors marbrés de Versailles, au sein de la nef marmoréenne, limpide et souriante aux éclats mordorés. Paul Mc Creesh allait incendier cette chapelle aux rigueurs Louis quatorziennes pour élever la basse dévotion à la gloire éclatante de Haendel et de Salomon.Avant tout propos, nous avons été conquis par la cohérence et la complicité qui se dégageait de l’équipe. Entre les musiciens se respire une atmosphère de détente, de joie de jouer ensemble, de confiance en Paul Mc Creesh et ses choix. Nous remarquons un entrain, des sourires, un investissement très particulier. 

La version discographique du Solomon de Paul Mc Creesh constitue un opus de référence. Avec Andreas Scholl dans le rôle titre,  le chef anglais et ses Gabrieli Consort y rendent toute l’ampleur dramatique de cette partition unique, la pimentant ça et là de pure poésie et d’un mystère quasi rituel. Ce soir à Versailles, contrairement à certains ensembles qui auraient pu se contenter de donner une redite du CD, une sorte de reprise sans passion derrière un raccord, les Gabrieli Consort & Players nous ont étonné par la redécouverte des morceaux les plus profonds de cette partition, l’originalité de leur discours, la puissance des nuances.  Une soirée largement réussie par Paul Mc Creesh qui éveille les émois, accroche comme un magicien l’attention de l’auditeur et la mène au bout de l’œuvre en la ballotant par des mers calmes et des tempêtes de feu et de virtuosité. Saluons un chef présent, fascinant et précis, grand architecte et grand artiste. Par ailleurs nous voulons aussi rendre hommage au premier violoncelliste Christopher Suckling à l'enthousiasme radieux. Pari réussi pour Paul Mc Creesh dans sa quête du son original du Solomon avec un double chœur, une nouvelle œuvre fleurit et s’épanouit sous nos yeux et sous les ors de la Chapelle palatine.

Après avoir entendu le divin Iestyn Davies en Solomon, il est quasiment impossible de penser à un autre interprète désormais. Nos lecteurs savent bien que ce chroniqueur est souvent sévère avec les contreténors et avec cette tendance au gazouillement.  Cependant Iestyn Davies avec sa voix épurée, habitée et totalement engagée dans la musique. Nous avons retrouvé le digne représentant (ni successeur, ni jumeau) de cette caste délicieuse et superbement raffinée de chanteurs anglais. Aucun tic ni aigu poussif ne pollue sa prestation, qui n'est que de théâtre et de beauté.

L’accompagnant avec une grâce incroyable, un charme incontestable et une voix d’un ravissement total, la soprano Sarah Tynan, campe tour à tour une tendre et sublimissime Reine Egyptienne. Elle incarne aussi la First Harlot avec force, conviction et une émotion à fleur de peau qui ferait pleurer la pierre taillée des prophètes et des apôtres de la Chapelle Royale dans un très beau moment de respect et de partage qui caractérise les grandes chanteuses.

Quasiment ex-aequo, sa collègue, la célèbre Gillian Webster superbement furieuse et actrice dans le rôle de la Second Harlot se révèle aussi d’une tendresse et d’une majesté incroyable pour la Reine de Saba. Avec une personnalité plus affirmée que Sarah Tynan, Gillian Webster s'inscrit dans la distribution en contrepoint extraordinaire de sa collègue, s’accordant un duo de rêve avec Iestyn Davies et des airs d’une rare virtuosité.

Dans le rôle plus confidentiel de Zadok, le délicieux ténor Jeremy Ovenden, dans la lignée des grands ténors britanniques avec cette délicatesse, ce souci du timbre et des couleurs,  nous ravit par ses vocalises toujours justes, ses attaques sans brutalité, la pulchritude de ses ornementations. Et comment enfin ne pas citer le ravissement de nos oreilles à l’écoute de Peter Harvey, merveilleux Lévite et baryton aux accents agiles et profonds ?

Avoir un cœur qui sache écouter fut le souhait de David pour son fils Salomon. La plus grande sagesse est celle de rester coi, curieux souhait du roi musicien.  Cependant c’est avec le cœur qu’on entend la musique qui s’échappe du regard des chanteurs. Salomon n’est pas simplement un sage souverain des moralités légendaires, c’est l’ordonnateur, l’organisateur et le pacificateur. Sa plus grande richesse est le silence. Haendel l'a tellement bien compris que son Solomon, dans les mains de Paul Mc Creesh, est une hymne immense au silence qui permet de rêver, de réfléchir et surtout de ressentir.

Pedro-Octavio Diaz

Le site officiel du Festival Haendel du Château de Versailles : www.chateauversailles-spectacles.fr

 

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