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Chronique Concert

Vivaldi, Farnace

I Barrochisti, dir. Diego Fasolis

 

 

 

Max-Emmanuel Cencic - D.R.

 

 Antonio Vivaldi

 

Farnace (v.ersion 1738)

 

Farnace - Max-Emmanuel Cencic

Tamiri – Ruxandra Donose

Gilade – Blandine Staskiewicz

Pompeo – Daniel Behle

Berenice – Mary-Ellen Nesi

Selinda – Hilke Andersen

Aquilio – Emiliano Gonzalez Toro

 

I Barrochisti

Direction  Andrea Marchiol (en remplacement de Diego Fasolis)

 

10 janvier 2012, Théâtre des Champs-Elysées

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Un seul être vous manque…

En sortant de la bouche de métro Alma-Marceau, alors que la Tour Eiffel brillait de mille feux sous les lucioles scintillantes en rouge et blanc des phares incandescents, le public affairé se dirigeait, pressé et emmitouflé de Lanvin, d’Hermès et d’Hugo Boss vers les solides portiques du TCE. Venise apparaissait dans les promesses du programme de cette soirée, avec ses voiles carnavalesques et flottant de mystère coloré. Il ne faut pas oublier que Venise fut la Paris de son temps.

Ce soir la promesse du voyage était belle, les rives exotiques du Pont-Euxin, entre la Chersonèse pontique, aujourd’hui peuplée des magnats moscovites qui se prélassent sur les ruines conquises par le déterminé Duc de Magenta naguère et le nord de cette Turquie aux villes toponymiquement évocatrices, Samsun, Trébizonde…

Farnace allait dérouler son drame perlé, empoisonné dans ses dorures de vocalises diamantées et de puissants arpèges lentement ciselés par le divin Prete Rosso.  En effet cette version, la dernière du drame mis en musique par Vivaldi,  a été récemment recréée par l’impétueux et nuancé Diego Fasolis et ses Barrochisti puis fixée sur un enregistrement qui a fait l’objet des dithyrambes de notre talentueux collègue Bruno Maury.  La soirée s’annonça triomphale et alléchante avec une palette de voix telle que celles de Max-Emmanuel Cencic, Mary-Ellen Nesi, Ruxandra Donose pour ne citer qu’eux.

Las ! Juste avant le début de la représentation on apprend que l’inspiré Diego Fasolis, souffrant, sera remplacé par son bras droit Andrea Marchiol. Parfois ce genre d’occasion s’avère heureux pour le remplaçant, qui peut alors faire entendre sa voix et faire sortir de l’ombre des nouveautés et réveiller des couleurs que l’on ne soupçonnait point.

Mais hélas alors que tout semblait présager le contraire, les quasiment trois heures de cette partition nous semblèrent une pesante et statique éternité. Le Preste Rosso devint une sorte de modèle-type, l’interprétation monolithique, convenue et insuffisamment nuancée ne parvenant pas à varier les climats et à trouver une touchante expressivité au-delà de la routinière case "Vivaldi".  Nous le regrettons profondément tant pour la musique que pour Vivaldi.

Ce soir là I Barrochisti, d’habitude subtils, précis et respectueux des couleurs et de la partition, nous ont transporté très loin de Farnace. La faute à des tempi lourds, sans même mentionner quelques décalages. Par instants, il nous a même semblé que les parties de violon au détour d’une ritournelle ou d’une reprise prenaient des accents Bouleziens ou Xenakiens. Par ailleurs nous regrettons une certaine nonchalance, peut-être un peu blasée dans cette soirée, celle d’une partition que l’ensemble a trop jouée et dont finalement le disque un meilleur témoin.

A leur tête Andrea Marchiol s’avéra aussi gesticulant qu’imprécis, la théâtralité des mouvements plongeant apparemment l’orchestre dans la confusion ; les chanteurs se rattrapant bien heureusement par leur talent. 

Hélas, trois fois hélas, même côté voix le plateau qui semblait exceptionnel s’avéra inégal ce soir là.  Le ciseleur Cencic, dès son air d’ouverture,  "Ricordati che sei" joue sur l’art de la vocalise plus que sur la musicalité et l’engagement théâtral. Même dans le divin "Gelido in ogni vena" sa quête de l’aïgu et ses rictus mélodramatiques le rapprochent malheureusement de la froideur telenovelesque d’un Jaroussky. Faut-il rappeler que le naturel est le meilleur moyen de transmettre, de servir l’art et la musique ?

Dans un autre registre, la talentueuse Ruxandra Donose, jusqu’alors méconnue sur nos scènes rend à la digne Tamiri sa nature fière, dramatique et touche en plein cœur par sa musicalité, sa précision et la richesse de ses ornements. Elle participe finalement au sauvetage de ce Farnace et l’empêche de sombrer dans les affres de la superficialité.  Vite qu’on l’entende dans Cornelia, Octavia ou Bradamante !

Nous saluons aussi l’engagement inégalable de l’excellente Mary-Ellen Nesi, toujours présente dans le texte et la partition. Une voix de feu, l’émotion et l’incarnation réalistes et sobres, passionnante dans ses ornements et à la musicalité sans faille. Elle nous a fait frissonné plus d’une fois dans ce rôle finalement de la belle-mère odieuse qu’est Berenice.

Dans des rôles avec un peu moins d’envergure, nous saluons le ténor précis de Daniel Behle en Pompeo.  Le Gilade de Blandine Staskiewicz nous a laissé de marbre et nous le regrettons parce que nous aimons cette coloriste hors pair. La Selinda de Hilke Andersen manqua cruellement de volume et surtout d’une diction idéale. Et malheureusement l’Aquilio de Emiliano Gonzalez Toro, malgré le talent extraordinaire de sa voix divinement ambrée, nous est apparue en deçà de ses capacités, pour preuve ses incarnations dans l’opéra français sont toujours sublimes, nous regrettons que Venise ne l’ait pas suffisamment inspiré.

En sortant des ors et des marbres nacrés du Théâtre des Champs-Elysées alors que l’avenue Montaigne se pavoisait des Rolls Royce et des menues boutiques, l’étoile de Vivaldi accompagnait de son feu éternel les allées et venues des lampions et des strass dont la lumière s’éteint dès qu’on ne les regarde pas.

Viet-Linh Nguyen

Site officiel du Théâtre des Champs Elysées : www.theatrechampselysees.fr

Lire aussi :

Antonio Vivaldi, Farnace, Max Emanuel Cencic, Ruxandra Donose, Mary Ellen Nesi, Ann Hallenberg, Karina Gauvin, Daniel Behle, Emiliano Gonzalez Toro, Coro della Radiotelevisione svizzera, I Barocchisti, dir. Diego Fasolis (Virgin Classics, 2011)

 

 

 

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