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20 janvier 2014

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Genre : récital

Bertrand de BACILLY (c.1625-1690)

 

« Bertrand de Bacilly ou l’art d’orner le “beau chant” »

Airs inédits de Bacilly, pièces instrumentales de Nicolas Hotman, François Dufaut, Louis Couperin et Sainte-Colombe

 

Monique Zanetti, soprano

Jonathan Dunford, basse de viole

Sylvia Abramowicz, basse et dessus de viole

Claire Antonini, luth baroque

Thomas Dunford, archiluth et théorbe

Paul Willenbrock, basse

 

Ensemble À Deux Violes Esgales

 

64’30, Saphir productions, 2012.

 

Une politique d'Ouverture

La musique vocale en langue française du "petit siècle" — pour reprendre une expression d’Olivier Bettens  —, quoiqu’assez étudiée, reste peu présente au disque. Fors la série consacrée par le Poème Harmonique principalement aux version polyphoniques d’airs "de cour" (Étienne Moulinié, Alpha 005 ; Pierre Guédron, Alpha 019 ; Antoine Boësset, Alpha 057 ; Charles Tessier, Alpha 100), signalons surtout le beau disque de Claudine Ansermet et Paulo Cherici, "Soupirs meslés d’amour" recueillant des airs de Guédron (Symphonia 96153, 1995), désormais presque introuvable, et plus récemment le récital d’airs de Boësset de Monique Zanetti et Claire Antonini, publié comme premier CD du coffret "200 ans de musique à Versailles". On ne sera dès lors pas étonnés de retrouver ces deux artistes dans ce nouveau disque consacré aux airs inédits de Bertrand de Bacilly.

Bacilly — dont on croyait jusqu’à une période récente qu’il se prénommait Bénigne — est surtout connu pour ses Remarques curieuses sur l’art de bien chanter et pour des Recueils des plus beaux vers qui ont été mis en chant, fut également compositeur de nombreux airs "sérieux", "à boire" ou "à danser", airs augmentés de "doubles", c’est-à-dire d’ornementations de la partie vocale pour les couplets, qu’on trouve en particulier dans un manuscrit qui a servi de base au présent enregistrement. Les airs sont notés généralement pour une voix de dessus avec la basse. La basse peut-être chiffrée ou non, et peut recevoir des paroles ou non.

L’un des partis pris de l’interprétation de l’ensemble À Deux Violes Esgales consiste à faire chanter certains premiers couplets par le dessus accompagné de la basse solide mais point trop volumineuse de Paul Willenbrock, permettant ainsi une certaine variété de formations et donc de timbres d’un air à l’autre. Certains airs sont doublés par le doux dessus de viole de Sylvia Abramowicz. "Que je vous plains, tristes soupirs" est précédé d’un bref prélude de la seule basse de viole, rejointe ensuite par les deux voix, sans luth ni théorbe, avec grand équilibre. De manière générale, l’équilibre entre les parties met chacune en valeur à un moment ou un autre sans jamais léser les autres. Les luth, théorbe, archiluth, mêlent leurs accords agréablement, créant un foisonnement agréable pour l’oreille. Le choix d’airs est varié : à côté d’airs sérieux, certain se font plus dansants. Mais rien d’appuyé ! Ainsi de "Fleurs qui naissez sous les pas de Sylvie" : il ne s’agit pas de danser, mais d’évoquer la danse.

Qu’en est-il donc de la voix ? Monique Zanetti est doté du timbre un peu âpre qu’on lui connaît, mais qui d’un autre côté a aussi certain agrément par sa richesse. Ce n’est pas du citron : c’est de l’orange. Le timbre d’ailleurs varie sensiblement, sachant se faire plus languissant ("Je vivais sans aimer") ou plus dur (sur le mot "cruel" par exemple, dans cet air). Les nuances suivent le propos du texte, l’amplifient, le varient aussi, quand il y a des répétitions — en cela, ses comparses la suivent admirablement.

La maîtrise technique est stupéfiante : la soprano se sort avec les honneurs des terribles cascades de notes des doubles, dans lesquels il faut garder en plus le texte. Une certaine émotion naît même du décalage qui peut se produire à de brefs moments entre le dessus et la basse ; la voix flotte au-dessus de son inéluctable accompagnement, mais aussi, comme il est doux de les entendre se retrouver à certains moments ! Le tout reste infiniment et finement sensible et touchant.

Les pièces instrumentales, enfin, apportent un contrepoint intéressant à ces airs. Heureuse idée, par exemple, que de faire entendre deux pièces de Nicolas Hotman, violiste et luthiste bien connu en son temps, professeur même de Sainte-Colombe.

Certes, tout cela n’est pas parfait : la chaconne "La Rougeville" est un peu lente et l’on s’y perd ; le premier air du disque, "Le printemps est de retour" fait usage, dans l’instrumentation, d’effets un peu faciles — il n’est d'ailleurs pas rare que la première piste d’un disque ne soit pas la plus réussie… L’ensemble manque peut-être un peu de variété — c’est le principal défaut, en fait, de Monique Zanetti : elle varie, mais presque imperceptiblement. Chaque piste est comme une petite pierre précieuse. Si l’on s’en veut orner les oreilles, il ne faut pas en mettre trop : il n’est pas de bon goût de mettre toute la boîte. Or ce disque est de même : il est de bon goût, et il vaut mieux sans doute l’écouter par fragments plutôt que d’affilée. Alors l’auditeur ne sera point lassé, mais au contraire délassé pourra se plonger dans une douce et agréable rêverie.

Loïc Chahine

Technique : bonne prise de son, pas de remarques particulières.

 

 

 

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