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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Jean-Chrétien Bach, Zanaïda, Opera Fuoco, direction David Stern, mise en scène Sigrid T’Hooft
D.R. Jean-Chrétien Bach (1735-1782)
ZANAIDA (1763) Livret de Giovanni Gualberto Bottarelli, d'après le Siface de Métastase
Sara Herschkowitz (Zanaïda, soprano), Pierrick Boisseau (Mustafa, baryton), Marina de Liso (Tamasse, soprano), Chantal Santon (Roselane, soprano), Vannina Santoni (Osira, soprano), Daphné Touchais (Cisseo, soprano), Julie Floretti (Silvera, soprano), Majdouline Zerari (Aglatida, mezzo-soprano), Jeffrey Thompson (Gianguir, ténor)
Orchestre Opera Fuoco Direction : David Stern Mise en scène : Sigrid T'Hooft Costumes et accessoires : Claire Panchez Décors : Wolfram Zimmer et Achim von Heimburg Création lumières : Jean-Philippe Corrigou Conseiller artistique : Jay Bernfeld
Représentation du 10 février 2012 au Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, en co-production avec le Bachfest Leipzig et Opera Fuoco
Une délicieuse turquerie Considérée comme perdue depuis plus de 250 ans, la partition autographe de Zanaïda fut redécouverte il y a quelques années chez un collectionneur, Elias Kulukundis. Le musicologue Paul Corneilson contribua à sa restauration. Grâce à cette découverte providentielle (qui n'est pas rare en matière d'opéra baroque, le cas le plus célébre étant probablement celui de la partition du Fairy Queen de Purcell retrouvée au XXème siècle), nous pouvons aujourd'hui apprécier à sa juste valeur l'oeuvre créée le 7 mai 1763 au King's Théâtre de Haymarket à Londres. Après un voyage en Italie vers 1754, le plus jeune fils de Jean-Sébastien s'était en effet rendu à Londres en 1762, abandonnant son poste de second organiste à la cathédrale de Milan. Constatant la relative médiocrité des chanteurs du King's Theatre, il se limita à composer quelques pastiches comiques. Puis, découvrant les possibilités vocales d'Anna De Amicis, engagée initialement pour des rôles comiques, il se lança dans l'opéra, avec Orione, créé en février 1763. Alors que le succès d'Orione battait encore son plein, Zanaïda conclut la saison jusqu'à la mi-juin 1763. Mais ces succès furent de courte durée. Dès mars 1763, le compositeur Felice de Giardini avait repris la direction du théâtre à la signora Mattei, et il ne souhaitait pas qu'un autre musicien de talent puisse lui faire ombrage. Les costumes des oeuvres jouées jusque-là, qui appartenaient à la Mattei, furent vendus ; la De Amicis partit pour le continent après la représentation du 11 juin. Malgré son succès (attesté par la vente au public des partitions des airs), l'oeuvre tomba dans l'oubli. Bach demeura toutefois en Angleterre, et composa à nouveau pour le King's Theatre après l'échec et le départ de Giardini. La redécouverte d'une œuvre oubliée depuis l'époque de sa création donne généralement lieu à polémiques, entre ceux qui se réjouissent sans réserve de cette nouvelle pièce au répertoire, et ceux qui rappellent que cette exhumation est le signe d'un désaveu de la postérité...Nous tenterons donc d'en donner une vision équlibrée. Le point faible de l'opéra est sans conteste son livret, comme les critiques de l'époque l'avaient déjà noté. Bottarelli a maladroitement accru le nombre des personnages en rendant l'intrigue inconsistante, pour la dénouer trop tardivement et trop rapidement au final sans la faire vraiment progresser entre-temps. Pourtant, avec la dénonciation injuste que sa rivale avait lancée contre Zanaïda, il tenait le ressort d'une vis tragica qui aurait pu se prêter à d'habiles rebondissements... Qu'on en juge : dans une Perse de pacotille (la livret de Métastase se situait initialement en Numidie), le prince Tamasse, voit arriver la princesse Zanaïda, fille du sultan Soliman, accompagnée de l'ambassadeur Mustafa, père d'Osira. Amoureux d'Osira, Tamasse imagine de faire courtiser Zanaïda par Cisseo, qui est à son service (déjà fiancé à Silvera, et amoureux d'Osira !). Tamasse demande à Mustafa la main de sa fille ; ce fidèle ambassadeur du sultan lui-ci se met en colère devant l'échec de sa mission et déclare vouloir tuer sa fille de ses propres mains. Au second acte, Roselane, mère de Tamasse, encourage Osira dans sa volonté d'accéder au trône. Tamasse décide de faire arrêter Zanaïda, qui refuse l'appui de Mustafa afin d'éviter un bain de sang. Comme preuve de sa culpabilité, il produit devant Mustafa une lettre, prétendument écrite par Zanaïda, qui annonce la mort du souverain. Mustafa fait semblant d'y croire, en déclarant que le trâitre doit être puni. A l'acte III Zanïda, enchaînée, se lamente à sa mort prochaine, tandis que Mustafa affronte sa fille, coupable de la trahison. !Osira comprend bientôt que si elle épouse Tamasse elle sera le jouet de sa mère Roselane. Cependant Tamasse conduit Zanaïda dans l'arène : juste avant le moment fatal, Mustafa et Gianguir s'emparent de Tamasse, et s'apprêtent à le tuer. Zanaïda intervient alors pour le sauver. Stupéfié devant tant de grandeur d'âme, Tamasse demandele pardon à sa fiancée : happy end sur le choeur final !
D.R.
Au plan musical l'œuvre est d'une toute autre qualité. On notera la richesse des orchestrations, avec en particulier l'utilisation des clarinettes, et de manière générale des vents très présents qui rivalisent avec les cordes et tissent de subtils duos avec les voix. L'ouverture (ici donnée de façon dissociée, avec le dernier mouvement curieusement replacé vers la fin du second acte) prend tout son relief sous la baguette inspirée du maestro Stern. Les ensembles préfigurent avec conviction ceux de Mozart dans les Noces... Le plateau des interprètes est relativement homogène. Dans le rôle-titre, Sara Herschkowitz nous ravit de sa voix cristalline dès sa première apparition, jouant avec aisance des cascades d'ornements du "Tortorella abandonata". Acceptant avec résignation un sort injuste, elle nous gratifié d'un émouvant "Parto, addio" au second acte, restant très digne dans sa lamentation "Zanaïda morra" du dernier acte. Marina de Liso campe un Tamasse obstiné à rejeter celle qui lui est promise, et que la raison d'Etat lui commande d'épouser. Elle possède un timbre nacré, légérement cuivré, qui lui donne un semblant de crédibilité dans ce rôle masculin (on ne peut toutefois s'empêcher de rêver à une distribution avec contre-ténor, comme lors de la création...), et une gestuelle expressive. Elle nous réserve de beaux passages, notamment le "Ma che dessi io", longuement applaudi, et le "Pupille amabili del caso bene" avec cor, au troisième acte. Bien que déclarée souffrante, Chantal Santon en Roselane possède une belle technique, qui se traduit par un phrasé délicat, et une bonne projection. Ses airs témoignent d'une belle capacité d'abattage dans les ornements. L'Osira de Vannina Santoni possède un délicat timbre fruité mais souffre parfois d'une projection un peu trop retenue. Soulignons son aisance dans l'air lent du second acte, et les délicats ornements du "Si potria".
D.R.
Daphné Touchais incarne avec conviction un Cisseo partagé entre sa fidélité à son prince et ses sentiments de commisération pour Zanaïda. Sa voix dotée d'une pointe d'acidité rend à merveille ce déchirement ("La speme mi dice felice") et se projette avec bonheur dans les ornements en cascade de l'air du second acte, qui lui valurent des applaudissements bien mérités. Le grand air de Gianguir, au début du troisième acte, permet à Jeffrey Thompson de se livrer à une pantomine du plus bel effet comique tout en dévoilant la belle épaisseur de son timbre. Et la basse profonde de Pierrick Boisseau (Mustafa) éclate avec générosité dans le "Imparai dal primo istante", ou dans ses emportements contre les complots de sa fille ("Piensa che sei mia figlia"), tandis que Julie Floretti (Silvera) et Majdouline Zerari (Aglatida) s'acquittent honorablement de leurs courtes apparitions. Les ensembles (notamment le quatuor final du premier acte, curieusement précédé de la dernière partie de l'ouverture...) sont de belle facture. Soulignons encore une fois l'énergie débordante de David Stern à la tête d'Opera Fuoco pour imposer une ligne musicale dynamique mais respectueuse des nuances. Côté scène, les décors constituent un écrin sobre aux nuances pastel, qui met en valeur la richesse des costumes dignes d'un Tiepolo. En effet, l'œil ne se lasse pas d'admirer les magnifiques costumes "à l'orientale" : cimiers à plumes d'autruche et robes délicates pour les personnages féminins (mentionnons le magnifique brocard jaune rehaussé de noir de la belle Zanaïda), vêtements amples ou bouffants pour les personnages masculins (ébouriffant ensemble orange pour Gianguir). Les accessoires sont réduits au minimum mais évoquent bien l'atmosphère de cet Orient de pacotille : quelques poufs, le cimeterre de Mustafa.... Après Amadis de Gaule donné récemment à Versailles et à l'Opéra Comique, la programmation lyrique de ce début d'année 2012 offre donc aux spectateurs parisiens de redécouvrir avec bonheur les oeuvres de Jean-Chrétien Bach. Aussi nous attendons avec impatience le résultat de l'enregistrement de Zanaïda auquel il était procédé ce soir-là, pour permettre à un plus large public de s'approprier cette partition miraculée...
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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