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mise à jour 6 janvier 2014
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Chronique Concert Henry Purcell, Fairy Queen Les Arts Florissants, William Christie
© Pierre Grosbois / Opéra Comique
Henri Purcell (1659-1695)
Fairy Queen (1692) Semi-opéra en cinq actes, sur un livret anonyme, d'après "Le songe d'une nuit d'été" de Shakespeare.
Solistes : Lucy Crowe (Soprano, Junon), Andrew Foster-Williams (Basse, Corydon, Hiver, Hymen, Sommeil), Claire Debono (Mystère, Première Fée, Nymphe, Printemps), Ed Lyon (Ténor, Adam, Secret), Miriam Allan, Anna Devin, Maud Gnidzaz (fées), Sean Clayton (Ténor, Eté), David Webb (Automne), Emmanuelle de Negri (Soprano, Nuit, Plainte), Helen Jane Howells (Eve), Callum Thorpe (Basse), Andrew Davies (Phoebus), Robert Burt (Mopsa).
Acteurs : William Gaunt (Thésée, duc d'Athènes), Robert East (Egée), Alice Haig (Hermia), Nicholas Shaw (Lysandre), Gwilym Lee (Demetrius), Jo Herbert (Hélène), Roger Sloman (Famélique), Robert Burt (Flute), Desmond Barrit (Lefond), Paul Mac Cleary (Coing), Brian Pettifer (Douillet), Jack Chissick (Museau), Armanda Harris (Titania), Jotham Annan (Puck, dit Robin Goddfellow ou Bon-Garçon), Finbar Lynch (Obéron).
Danseurs : Laura Caldow, Omar Gordon, Samuel Guy, Anthony Kurt-Gabel, Jarkko Lehmus, Caroline Lynn, Maurizio Montis, Sarah Storer.
En coproduction avec le Festival de Glyndebourne, le théâtre de Caen et la Brooklyn Academy of Music (New York)
Mise en scène : Jonathan Kent Décors et costumes : Paul Brown
Choeur et orchestre Les Arts Florissants Direction : William Christie
Représentation du 18 janvier 2010 à l'Opéra-Comique Le spectacle est enregistré par France Musique et sera diffusé le 16 février prochain
Un "Songe" enchanteur Après l'agréable Purcell lunchtime concert du midi qui nous avait mis en appétit, c'est une véritable création qui nous est offerte dans le cadre du trentenaire des Arts Florissants à l'Opéra Comique. En effet, Fairy Queen ne nous est habituellement connu que dans ses parties musicales, ce qui ne permet pas de restituer l'originalité du genre. Le "semi-opéra" est apparu dans la seconde moitié du XVIIème siècle en Angleterre, alliant le goût du public londonien pour le théâtre avec le succès croissant de la musique et du chant à la Cour et auprès de l'aristocratie. Après l'austérité puritaine de la dictature de Cromwell (qui l'avait privé de spectacles), la soif du public rencontre les nouvelles possibilités techniques offertes par la scène frontale, qui remplace la scène centrale du théâtre shakespearien et permet l'utilisation de machines, réalisant des effets jusque-là inconnus. A la manière des comédies-ballets de Molière et Lully, le semi-opéra anglais juxtapose une intrigue de théâtre classique et des parties autonomes de chants et ballets, qui prennent en général place dans la seconde partie de chaque acte. Ces parties musicales sont dénommées "masques", en référence aux ballets de cour de l'époque élisabéthaine, dans lesquels les courtisans se produisaient masqués aux côtés de chanteurs et danseurs professionnels. Cette construction en fait un genre musical tout à fait spécifique, qui le distingue avec force des autres spectacles lyriques : airs entrecoupés de dialogues (familiers aux amateurs d'opéra comique ou d'opérette), récitatifs accompagnés au clavecin du baroque italien, déclamations chantées de la tragédie lyrique française. Cette particularité constitue aussi malheureusement la cause de son caractère confidentiel. Représenter dans de bonnes conditions un semi-opéra nécessite en effet, outre un bon plateau de solistes et de chœurs, une solide troupe d'acteurs, des danseurs, et une mise en scène restituant les effets en usage à l'époque. Sans compter que la durée totale de l'œuvre (en l'occurrence près de quatre heures, avec l'entracte tout de même, pour le Fairy Queen de l'autre soir) pourrait rebuter le spectateur non averti...De fait, créé au Dorset Garden Theatre le 2 mai 1692, et malgré un succès immédiat auprès du public, Fairy Queen contribua grandement à la faillite de cette institution trois ans plus tard ! Et pourtant...Disons-le d'emblée, la représentation intégrale de l'œuvre éclipse toutes les productions réduites aux seuls "masques" musicaux. La grande qualité du livret (la pièce de Shakespeare a probablement été adaptée par Thomas Betterton, directeur du Dorset Garden, même si cette paternité n'est pas certaine) constitue un écrin précieux pour la musique de Purcell. La verve parfois crue des acteurs (en particulier Puck, plus connu sous le sobriquet de Robin Goodfellow) vient s'infiltrer avec malice dans les masques à la musique délicate et précieuse. Et cerise sur le gâteau, la parodie du Pyrame et Thisbé d'Ovide, pièce dans la pièce, nous renvoie immanquablement aux Femmes savantes ou aux Précieuses Ridicules ! Et comme chez Molière, les rôles féminins tenus par des hommes travestis apportent régulièrement une touche "énaurme", tant dans le théâtre que dans les masques.
© Pierre Grosbois / Opéra Comique
Tous ces aspects sont restitués avec bonheur à l'Opéra Comique dans la mise en scène de Jonathan Kent. Le cabinet de curiosités qui garnit les côtés de la scène nous emmène d'emblée à la fin du XVIIème siècle. Le duc, Egée et les jeunes gens bénéficient de costumes chatoyants et précieux, tirés tout droit de la même époque. Leur succède une équipe de nettoyeurs en tenues de service contemporaines, munis des agrès réglementaires (seaux, balais, serpillières...) qui va s'essayer à monter Pyrame et Thisbé ! Soulignons au passage la force comique du duo que constitue Desmond Barrit, Pyrame bouffi d'orgueil cabotin, avec un Robert Burt irrésistible dans son travestissement en Thisbé, lors de leur pittoresque et laborieux montage du pastiche d'Ovide. Le même Barrit, affublé d'une paire de baskets en guise d'oreilles d'âne, nous offre de savoureux moments lorsque Titania le poursuit de ses faveurs ! Dans la même veine, mais cette fois en musique, le duo de Mopsa et Corydon au masque du troisième acte (Robert Burt, encore une fois travesti, et Andrew Foster-Williams) est un morceau d'anthologie burlesque, qui éclate dans l'irruption finale d'une flopée de petits lapins, irrésistibles bunnies se livrant sur scène à des simulacres d'accouplement ! Les machineries ne sont pas oubliées. Pour ne citer que les passages les plus marquants, c'est sur un Pégase tombé des cintres qu'Andrew Davies (Phoebus) chante son air au masque du quatrième acte. Et Lucy Crowe est une éblouissante Junon suspendue dans le vide au masque du cinquième acte. Les pantomimes sont de grande qualité, en particulier celles des fées au premier masque, et celles du troisième masque. S'y ajoute le mélange délicat du chant et de la danse lors du défilé des saisons au masque du quatrième acte, avec notamment un émouvant Eté orné de fruits de Sean Clayton, et un saisissant Hiver décharné de Foster-Williams. Et la musique, et le chant dans tout cela ? La direction fluide et énergique de William Christie à la tête des Arts Florissants fait merveille pour enchaîner imperceptiblement les tableaux les plus variés, passant avec aisance des solistes aux chœurs et vice-versa. Les cuivres sonnent richement, les cordes sont onctueusement grainées ; le solo de flûte à bec du second masque (dans l'air du ténor) brillant et sans faille. Au plan vocal, la distribution est largement dominée par le trio Crowe-Debono-Foster Williams. La première nous enchante régulièrement de son timbre velouté à la projection généreuse, la seconde de sa voix cuivrée à chacune de ses apparitions plus rares. Quant à Foster-Williams, c'est un petit triomphe personnel qu'il s'offre dans ses nombreux rôles, emplis de sa voix chaleureuse et portante de basse. Face à ce trio de haute volée, Emmanuelle de Negri fait preuve d'une bonne technique mais manque un peu de projection. La seule véritable déception vient du ténor Ed Lyon : dès son premier air ("Come all ye songsters" au masque du deuxième acte) la projection s'avère notoirement insuffisante, et le timbre manque cruellement de stabilité. Retenons toutefois à son crédit un bon jeu théâtral, en particulier dans le rôle d'Adam au cinquième masque. Soulignons aussi la pléiade de seconds rôles de qualité, et notamment parmi eux : Robert Burt, ténor aussi à l'aise dans le chant (Mopsa) qu'au théâtre (Flute), Sean Clayton, touchant Eté cité plus haut, David Webb en Automne chaleureux, et les trois fées (Miriam Allan, Anna Devin, Maud Gnidzaz). Enfin, pour la partie proprement théâtrale, et bien que nous ne soyons pas spécialiste en ce domaine, il faut citer William Gaunt, Duc à la majesté empreinte de détachement ironique, et Jotham Annan, Puck habité d'une rouerie complice et sensuelle. En résumé, voici un spectacle incontournable pour tout baroqueux soucieux d'avoir une juste idée du semi-opéra anglais. Et pour ceux qui n'auront pas eu le plaisir d'assister aux représentations, espérons que l'Opéra-Comique, dans le cadre de sa politique de diffusion qui nous a donné livraison il y a quelques semaines du Didon et Enée de la saison passée, en proposera bientôt l'enregistrement en DVD !
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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