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6 janvier 2014

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Chronique Festival

Bach, Messe en si

Akadêmia, dir. Françoise Lasserre

 

 

L'ensemble Akadêmia et Françoise Lasserre - DR

 

 

Paris au mois d’août, sensuel, torride et lumineux sous les gris du zinc et les trottoirs mysticètes où les touristes lépidoptères semblent une nuée d’origamis multicolores et frétillants.  La Gare Montparnasse ruissela de numéros.  Du billet à l’écran, du contrôle à la voie. Sablé, affiché vers Nantes et La Baule, par Le Mans à rebours vers l’Ouest, vers l’océan.  Et la flèche d’acier a traversé le sein vert des champs encore fécondés et les nues jouaient avec leurs doigts ineffables sur le clavier des champs damassés.

Sablé sembla une gare fantôme au milieu de cette voie aoûtienne aux silences endormis. Un bras dormant de la rivière des vacanciers.  Mais rien qu’à 100 mètres, en briques de feu et verrières se dressa le Centre Culturel Jean le Theule, dans une quiétude digne des abbayes.  Les nues se refermaient peu à peu, la Sarthe joyeuse se paraît d’un gris verdâtre, une sorte de petite mort annoncée par le flux de l’orage qui creva d’un grognement sourd le ciel.

Le Prytanée dans un élan éleva vers l’empyrée sa masse d’ocre comme une forteresse baroque de foi et de feu. De son inanité, il puisa dans un rayon du ciel l’or duquel il para son ardoise et ses toitures.

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Portail du Collège de Jésuites désormais Prytanée militaire, La Flèche - DR

Johann Sebastian BACH

 

Messe en si mineur

 

Hasna Benanni – Soprano

Melodie Ruvio – Alto

Julian Prégardien – Ténor

Benoît  Arnould – Basse

 

Chœur et Ensemble Akadêmia

Direction Françoise Lasserre

 

Vendredi 24 Août 2012 – 17h – Prytanée National Militaire de La Flèche, dans le cadre du Festival de Sablé

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La niche vide

La chapelle majestueuse, blanche et rouge dans ses ornements baroques, sertie des harmonieuses courbes de la foi et des contre-réformes envoûtées, sembla un bijou encastré dans la vareuse d’un soldat. Et l’autel du Saint-Sacrement, où d’aventure aurait pu s’hasarder une Vierge couronnée aux voilages interminables était vide de toute palme ou martyr, juste des plaques inertes, biographies des illustres esprits que le Prytanée forma sans les influencer. Une juste fierté pour asseoir la tradition. Au dessus des  têtes, dans une niche baignée de soleil, le bon roi Henri IV palpitait momifié dans une urne avec le soleil et les échos marmoréens de la chapelle.  Mais si le regard du spectateur revient sur l’extrême droite de la chapelle, voilà que paraît la niche vide du cœur de "Maria Medicaea".

Et ces voûtes aux relents d’Espagne, allaient résonner avec l'éternelle et sempiternelle Messe en Si. Car il faut avouer, qu' il y a un phénomène qui affecte beaucoup de festivals et de manifestations en ce moment : la "Messénie". Ce mal veut faire entendre cette Messe en si partout et dans toutes les salles, avec tous les ensembles et tous les  solistes, en petite formation, en grande formation, avec des transpositions, avec des versions "originales" ou apocryphes,  cette "inflammation de la messe en si"  tend à banaliser cette musique incomparable au risque, à la manière des Quatre Saisons de transformer ce grand œuvre de Bach en un simple "tube", mais Akadêmia n'en est pas à son premier Bach, et la profondeur se la lecture de Françoise Lasserre, en dépit du choix controversé d'user d'une voix par partie avait fait merveille dans leur dernier opus discographique chez ZZT ou encore dans une Saint Matthieu équilibrée et pleine de sens à laquelle nous avions assisté l'an passé.

Eglise Saint-Louis, La Flèche - DR

Nous avons récemment chroniqué une Messe en Si à Pleyel avec le Bach Collegium Japan, toute en filigrane, toute en délicatesse fleurie et plutôt froide et c'est avec curiosité que nous attendions de confronter cette vision à celle de Françoise Lasserre. Hélas, disons-le d'emblée, les choix interprétatifs de cette dernière ne nous ont pas convaincu.

Car, contrairement à ce qu'affirme le programme dans le propos liminaire : "Eviter  la monumentalité de l’effectif conduit assurément à un discours plus clair, mais aussi plus dense, conforme à l’idéal ascétique et jubilatoire…", il y a plus d'ascétisme que de jubilation pour cette fresque pourtant opulente. Et cet "idéal ascétique et jubilatoire" convoque ainsi deux notions opposées pour n'expliquent pas un certain manque de couleurs et de fantaisie, et une lecture plutôt aride. Faut-il revenir sur les fortes influences que Bach développe dans sa musique  ? Rappeler qu’il admira profondément des compositeurs comme Haendel, Vivaldi, Telemann ou Hasse, entre les plus baroques et les plus éloignés de la rigidité de la norme ?  Sous la baguette de Françoise Lasserre, Johann Sebastian Bach est semblable à sa sévère statue de bronze devant la Thomaskirche, et nous regrettons ainsi une lecture d'une belle gravité mais qui aurait pu gagner en souplesse et en liberté dramatique, sans perdre en ferveur. 

L'ensemble Akadêmia et Françoise Lasserre - DR

En outre, le choix d'effectifs, bien qu'apportant transparence et clarté possède un contrecoup de taille : l'écueil de la timidité. Et le tableau constellé de perles magnifiques que forme cette divine Messe en si apparaît trop terne, du fait d'un orchestre trop modeste et pas assez coloré et puissant. Car du côté des solistes, à une exception notable, le plateau s'est avérée de très haute tenue : avec un aplomb hors pair et une musicalité à la nuance pléthorique, Hasna Benanni nous ravit à chaque note, et se révèle une source d’émotion dans ces textes empreints du hiératisme de la foi. Mélodie Ruvio tient les parties d’alto avec un timbre corsé, aux couleurs sensuelles et au charnu tempéré. En quelques années son évolution a été incroyable et nous sommes certains que sa voix nous apportera autant de plaisir et touchera encore et encore nos émotions profonde. Le ténor Julian Prégardien, très souvent cité comme un jeune espoir et plébiscité, a été en deçà de ses interventions.  Son timbre un peu trop balançant n’arriva pas à nous convaincre de réelle inventivité et de ses capacités de coloriste. Enfin, la basse Benoît Arnould, déjà très connu dans notre milieu baroqueux marque avec une présence puissante et nuancée son interprétation, qui de plus comporte un des plus beaux airs de toute la partition, le "Quoniam tu solo Sanctus" avec cor obligé et bassons.

Nous avons eu l’impression qu’il y avait une retenue excessive dans cette manière d’aborder la Messe, l'empêchant d'exprimer pleinement toute sa force et son émotion. Les attaques demeurent timides, les couleurs éteintes et si les musiciens d'Akadêmia comme à l'accoutumée demeurent excellents tant au niveau de la précision que des articulations, Françoise Lasserre a mené la partition avec un mélange de détachement et d’enthousiasme conformiste, ne détachant pas véritablement ni dans le chœur, ni dans l’orchestre un langage nouveau, ne mettant pas en avant un détail, une révélation, une interprétation renouvelée. Mais peut-être est-ce aussi nos oreilles, tellement habituées à entendre cette œuvre, qui sont devenues trop exigeantes, et en quête d'une lecture qui ferait date... Mais ne nous y trompons pas, notre déception est bien celle d'une divergence artistique sur le parti-pris d'ensemble de Françoise Lasserre et non sur la qualité de l'exécution.

Après les derniers applaudissements, alors que craquaient les bancs qui virent tant de messes dites et chantées, le cœur battant d’Henri le Grand perdit petit à petit le lustre de son urne dorée.  Aux antipodes, Maria Medicaea se gaussait dans l’absence de son cœur inerte dans la niche évidée. Sablé se poursuivait comme un air qui suit son cours, épousant dans l’ancien duché du Maine, les rus et le vent qui poussèrent nos pas alanguis vers la ville.

Vue des toits de Sablé © Office du tourisme de Sablé-sur-Sarthe

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Pedro-Octavio Diaz

Nos journées à Sablé

Vendredi 24 août 2012, Centre Culturel, Sablé-sur-Sarthe, 21h : José de Nebra, Amor aumenta el valor, Los Musicos de su Alteza, direction Luis Antonio González

Site officiel du Festival : www.lentracte-sable.fr/festival.html

Site officiel de l'Ensemble Akadêmia : www.akademia.fr

Page du Ministère de la Défense sur la Prytanée : www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/prytanee-national-militaire-la-fleche

 

 

 

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