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Chronique Festival

José de Nebra, Amor aumenta el valor

Los Musicos de su Alteza,

dir. Luis Antonio Gonzalez

 

 

 

Luis Antonio Gonzalez - DR

 

José de Nebra (1702-1768)

 

Amor aumenta el valor

 

Horacio – Maria Eugenia Boix – soprano

Clelia – Ana Maria Otxoa – soprano

Porsena – Marta Infante – mezzo-soprano

Livio – Agnieszka Grzywacz – soprano

Porcia – Soledad Cardoso – soprano

Calfurnia – Eugenia Enguita – soprano

Mimo – Iñigo Casali – ténor

 

Los Musicos de su Alteza

Dir. Luis Antonio Gonzalez

 

Vendredi 24 Août 2012, 21h, Centre Culturel Joël Le Theule, Sablé, dans le cadre du Festival de Sablé

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Après que le cœur d’Henri le Grand eut prit forme dans son urne mémorielle, les images des nues se levèrent au dessus de la Sarthe immobile. D’un léger coup de force, le vent souleva les voiles gris aux perlés précipités et laissa voir les seins diamantins de la nuit . Au dessus des coteaux nourriciers allait s’élever au loin le murmure étincelant des danses d’Erato, le public était là, en ébullition. Si on parle souvent d’amour dans la tradition de la représentation et des arcanes mythologiques, la réalité est très souvent plus pragmatique. Au XVIIIème siècle, dans les hautes sphères du pouvoir, l’amour était rare voire totalement illusoire. Les mariages arrangés pour assurer la pérennité d’une dynastie ouvraient peu de perspectives sur une union plus que formelle et notariale.  Dominés par les carcans de l’étiquette, les aristocrates ouvraient rarement la fenêtre sentimentale qu’ils lorgnaient avec une distance esthétique dans les loges du spectacle, dans la fantasmagorie meringuée d’un opéra ou d’une cantate. L’exception confirme la règle,  ce fut l’amour, le coup de foudre qui frappa Maria Barbara de Bragance et  Ferdinand des Asturies. Bien loin de l’univers du poncif, les deux princes n’étaient pas charmants. Mais dans ses entrelacs de soie et de feu Maria Barbara et Fernando ont sombré avec le navire de la raison d’Etat, pour offrir à l’Histoire deux des plus grands soutiens musicaux que l’époque baroque ait connu.  En effet lors de la cérémonie de mariage par procuration à Lisbonne les célébrations furent à la hauteur de l’union de deux dynasties. 

Pendant une des soirées qui ponctuèrent ces cérémonies fut la représentation de l’opéra composite Amor aumenta el valor (l’Amour augmente le courage) dont le livret fut l’œuvre d’un des plus grands dramaturges espagnols José de Cañizares. L’intrigue ne diffère pas des longues et sempiternelles adaptations de l’Urbe condita de Tite-Live, mais dans la Rome de Coclès, de Clélie et de Porsenna, on est bien loin de toute cette intrigue mélodramatique et morale.  Les personnages historiques deviennent des symboles mêmes de ce que l’amour a comme nuances, depuis le tyrannique amour forcé et sollicite, jusqu’au plus parfait amour réciproque.

Los Musicos de Su Alteza - DR

A Sablé,  c’est  simplement le premier acte, composé par José de Nebra qui est donné par Luis Antonio Gonzalez et Los Musicos de Su Alteza. Et bizarrement ce qui aurait pu être une mutilation vouée aux gémonies du baroqueux traditionnel, fonctionne, grâce au génie de Nebra, comme une œuvre à part entière. En effet, Nebra rend ce premier acte de l’Amor aumenta el valor empreint de toutes les formes de baroque. Avec la palette des émotions, Nebra joue sur toutes les nuances, et rend sensible à la fois la tendresse, la mélancolie, le regret, le marivaudage et l’indifférence. Pour un acte introductif c’est un véritable coup de force. 

Ce que l’incroyable Luis Antonio Gonzalez et Los Musicos de su Alteza ont accompli sans faillir une seule fois dans la cohérence, la couleur et les phrasés ont abouti à donner son envergure à cet acte isolé. Nous retrouvons en concert, non pas les marbres hiératiques de l’Histoire Romaine, mais l’âme profonde des sentiments.  Même si parfois les cordes subissent un peu le contrecoup de la température et crissent un peu, le résultat est remarquable, énergique et splendide. Nous en restons pantois tellement l’interprétation des Musicos de su Alteza  se surpasse au concert par rapport au disque. Un orchestre qui subit l’injuste rigueur des froides constipations financières du Sud de l’Europe et qui démontre aisément que l’Espagne n’a pas perdu l’éclat de ses couleurs.

Côté solistes, la distribution change un peu par rapport au CD que nous avions chroniqué (Alpha).  C’est dans le rôle héroïque d’Horacio que la jeune et talentueuse Maria Eugenia Boix se produit à Sablé avec un soprano nuancé, parfois fragile au point d’en être merveilleux, ce qu'elle démontre dans le duo incroyable "Prestad aliento" avec Clelia. Dans le rôle de la vertueuse fille de Rome, Ana Maria Otxoafait montre d'un soprano qui surpasse largement la portée de bien de chanteuses dont la célébrité handicape parfois certains programmes, l’air de haute voltige "sopla el Boréas irritado" est chanté avec la même célérité que le vent dont il prend la source. Nous insistons aussi sur le jais, le velours profond, les graves d’obsidienne et de feu de Marta Infante dans le rôle de Porsena et notamment son air aux écarts redoutables "Mas fácil sera al viento", une voix à suivre sans aucun doute et on l’attend dans des rôles tels Polisseno ou Radamisto. Le malheur d’avoir qu’un acte de cet opéra composite est que certains rôles ne sont qu’à peine esquissés et la voix de certains chanteurs ne donne que fort peu de leur notables capacités et c’est pour cela que malgré tout nous mentionnons les soprani Agnieszka Grzywacz qui campe un Livio dramatique ; l’incroyable Soledad Cardoso dans une Porcia raffinée et digne ; et Eugenia Enguita  en splendide Calfurnia picaresque. Un des plus beaux airs revient à Iñigo Casali, superbe  ténor qui rend un Mimo humoristique et quasiment cynique dans "Vuela hacia alli".

Sous les longs voiles bruns de la nuit,  calmes et clairs, un insecte de lumière courrait sur le dos reptilien des berges de Sarthe. Tels deux serpents qui s’accouplent entre les roseaux irisés, la route vers Solesmes et la Sarthe oscillaient en rythme alors qu’au loin l’immense cube de jais de l’abbaye sonnait déjà le glas du Nadir. La lune était proche du cœur stellaire, minuit allait sonner.  

Vue de Sablé © Office du tourisme de Sablé-sur-Sarthe

Le lendemain, à l’éveil du matin clair, ponctué des gouttes de soleil qui réveillaient la torpeur des verdâtres reflux et des pêcheries heureuses. Au fond Sablé était un ru qui pointillait ses notes au rythme du soleil. Le vent s’était levé, la musique déploya ses ailes, et, nous arrachant brutalement au milieu des notes ailées de Rinaldo Alessandrini, vers Paris une flèche d’acier traversa les champs et les prés.

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Nos journées à Sablé

Vendredi 24 août 2012 - église Saint-Louis du Prytanée National Militaire, La Flèche, 17h : Johann Sebastian Bach, Messe en si, Akadêmia, direction Françoise Lasserre
 

Pedro-Octavio Diaz

Site officiel du Festival : www.lentracte-sable.fr/festival.html

Site officiel de l'Ensemble : www.losmusicosdesualteza.com

 

 

 

Affichage recommandé : 1280 x 800

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