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20 janvier 2014

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Genre : récital

Jean-Sébastien BACH (1685-1750)

"Bach : la chair et l’esprit"

Auteurs : Gilles Cantagrel, François Lazarevitch, Céline Frisch, Pablo Valetti, Bruno Cocset, Lucille Boulanger, Arnaud de Pasquale, Benjamin Alard

Solistes : Gustav Leonhardt, Bruno Cocset, Dmitry Badiarov, Hélène Schmitt, Pablo Valetti, Céline Frisch, Lucille Boulanger, Arnaud de Pasquale, Pascal Monteilhet, Edin Karamazov, Yves Rechsteiner, Blandine Rannou, Elisabeth Joyé, Jocelyne Cuiller, Benjamin Alard, Bernard Foccroulle, Francis Jacob, Andrei Vieru, Raphaël Imbert, Koen Plaetinck, Raphaël Oleg, Jean-Marc Fabiano, Vincent Dubois, Salomé Haller, James Bowman, Damien Guillon, Gérard Lesne, Robin Blaze…

Ensembles : Café Zimmermann, Pygmalion, Les Basses Réunies, Les Chantres du Centre de Musique Baroque de Versailles, Akadêmia, La Chapelle Rhénane, Ricercar Consort, Quatuor Manfred

Textes de Gilles Cantagrel et François Lazarevitch

Coffret de 6 CDs + livre trilingue proposant un portrait de Bach mêlant musique, images et textes de musicologues et d’interprètes. L’essentiel du contenu musical est issu du catalogue Alpha, et complété par des œuvres de références issues de catalogues de labels spécialisés.

 

"S’il y a quelqu’un qui doit tout à Bach, c’est bien Dieu." (Emil Michel Cioran)

Après le Guide des instruments anciens et le coffret "Réforme & Contre-Réforme" chez Ricercar, voilà dans le même esprit le coffret Bach "La Chair & l'Esprit". Un gros volume de 200 pages (trilingue) abondamment illustré, et six disques pour présenter Bach. Par où prendre un tel objet ? Est-ce un livre d’art ? Est-ce un coffret de disques accompagné d’une luxueuse notice ?

Saluons en premier lieu, au-delà de l’initiative, la réalisation et la présentation de l’ensemble : le mot "luxueux" a été lâché : pages glacées, typographie exemplaire — élégante et agréable —, illustration bien choisie et de belle qualité, programmation musicale variée, présentant des interprètes de haut vol (on repère les noms de feu Gustav Leonhardt, de Blandine Rannou, de Céline Frisch, d’Hélène Schmitt, de Bruno Cocset, de Pascal Monteilhet, d’Edin Karamazov,  du Ricercar Consort, de Café Zimmermann… entre autres). Nul doute que voici pour le grand public un outil formidable pour entrer et apprendre à découvrir l’œuvre et l’univers de Johann Sebastian Bach.

L’entreprise, cependant, n’est pas sans défauts. Il serait fastidieux, et sans doute même assez vain, de les énumérer tous. Ils sont de plusieurs ordres.

D’abord, il y a les défauts de réalisation. Oui, malgré le soin et le luxe, il y en a, principalement dans la liste des pistes des disques. Ne nous attardons pas sur telle ou telle majuscule manquante, là n’est pas l’essentiel. Prenons par exemple la liste du CD 5. Les pistes 2 à 4 sont issues d’un disque pour lequel on nous indique l’ensemble, le chef, tous les solistes vocaux. Suivent les trois pistes, trois extraits de la cantate BWV 12, la Sinfonia, un récitatif et un air d’alto. Deux défauts s’ensuivent : d’abord, on n’avait pas besoin de savoir le nom de la soprano, du ténor et du baryton, qu’on n’y entend point ; ensuite, il eut été en contrepartie utile de connaître le nom du hautboïste, que, lui, on entend énormément (la Sinfonia est presque un concerto pour hautbois). Dans le CD 4, on ne sait pas non plus qui est le flûtiste dans le 5e concerto brandebourgeois

Il y a aussi des choix discutables. Restons sur le CD 4. On a d’une part le 5e concerto brandebourgeois, BWV 1050, d’autre part le Concerto pour flûte, violon et clavecin BWV 1044, tous deux par Café Zimmermann. Pourquoi diantre avoir choisi, dans la multitude des concertos de Bach, les deux qui ont le même groupe de solistes ? Pourquoi pas un concerto pour violon, ou pour deux violons ? Pourquoi pas le Concerto pour hautbois et violon en ut mineur ?

Le choix même de classer par "genre" vague — "Cordes frottées", "Cordes pincées et cordes frappées", "Grands effectifs profanes", etc. — est contestable. S’il a une cohérence quand chaque disque a été conçu comme un tout à écouter en une seule fois, la diversité des interprètes et le fait que seuls des fragments des œuvres soient donnés écarte cette cohérence de chaque disque. Mieux eût valu, à notre sens, un classement chronologique.

On s’agace aussi de quelques présences, certes intéressantes, mais point essentielles, comme celle de la Sonate en sol mineur BWV 1029 joué au violoncelle alors qu’il s’agit d’une pièce de viole — il aurait mieux valu mettre une suite pour violoncelle (il n’y en a que quatre mouvements, répartis sur deux interprètes différents) et une sonate pour viole entière (il n’y a deux mouvements de celle en majeur), plutôt que quatre mouvements seulement. On regrette vivement la faible représentation des instruments à vents — orgue exclu. Bach n’a-t-il pas écrit des sonates pour la flûte avec la basse continue, avec le clavecin, et une partita pour flûte seule ? Le hautbois, également, est partout dans les cantates et Café Zimmermann a gravé pour le catalogue d’Alpha deux concertos (reconstitués) qui le font entendre. Enfin, même si une brève introduction explique que tout est affaire de choix et que certains aspects de l’œuvre ont été privilégiés à d’autres, il est tout de même surprenant qu’aucun extrait des deux grandes œuvres "théoriques", Musikalische Opfer et Kunst der Fuge, ne soit présenté.

Le choix a été fait, semble-t-il, de piocher ci et là des interprétations extrêmement variées. Ainsi, deux interprètes différents pour les suites pour violoncelle au violoncelle (Bruno Cocset et Dmitry Badiarov au violoncello da spalla), deux également pour le luth (et non des moindres, nous les avons déjà cités : Monteilhet et Karamazov !) ; on ne compte plus les clavecinistes et les clavier divers, depuis la rigueur du clavecin de Gustav Leonhardt à la douceur du clavicorde de Jocelyne Cuiller, en passant par la gravité de l’orgue de Benjamin Allard, les sons perlés du clavecin Carl Conrad Fleischer d’Élisabeth Joyé, la grandiloquence du clavecin à pédalier d’Yves Rechsteiner… Certes, on peut discuter de la qualité de certaines interprétations — la Passion selon saint Jean de La Chapelle Rhénane, un peu trop furibonde pour être luthérienne, pour ne citer qu’un exemple —, néanmoins l’auditeur est invité à comparer. 

Le coffret n’en cèle pas moins quelques bijoux, tels la Partita sopra "O Gott, du frommer Gott" BWB 767 par Leonhardt, la rêveuse Sinfonia de la cantate"Weinen, klagen, sorgen, zagen" par Akadêmia dirigée par Françoise Lasserre (avec donc un hautboïste non mentionné : il s’agit de Jean-Marc Philippe), la vigoureuse Ciaccona de la Partita n° 2 pour violon par Hélène Schmitt, le motet "Der Gerecht Kommt um" par l’Ensemble Pygmalion — une interprétation extraordinaire de volupté, de justesse de sentiment, de retenue, de clarté… Inutile de détailler : le catalogue d’Alpha, associé à ceux de Zig-Zag Territoire, Ricercar et Fuga Libera, entre autres, ne manque pas de richesses.

En ce qui concerne les textes, il y a aussi un bijou : c’est Présences de la danse en Allemagne au temps de Bach, de François Lazarevitch. Curiosité et clarté, il nous semble ouvrir de vastes horizons dans un domaine qu’on a un peu trop vite fait de balayer de la main en ponctuant d’un "de toute façon, ça n’est pas vraiment fait pour être dansé". Dans un style qui informe, mais surtout qui invite, François Lazarevitch rappelle au lecteur que l’omniprésence de la danse dans l’Europe baroque et classique englobe Bach, citations à l’appui.

Le texte de Gilles Cantagrel, Johann Sebastian Bach, le compositeur, est lui aussi clair, efficace, même. On regrettera cependant que sa passion pour l’un des plus grands compositeurs de son temps l’amène à des incohérences — parler de Bach comme un autodidacte à la page 24, alors qu’on a détaillé auparavant les maîtres du maître — et aussi à cette idée que le thème de L’Offrande musicale est "admirable" et qu’ "on peut donc à bon droit se demander si [Frédéric II] en est réellement l’auteur…" Bach n’a pas le monopole de l’admirable !

Encore un regret, d’ailleurs : Gilles Cantagrel présente Bach dans son temps, entre ses professeurs, qui l’ont influencé, et ses disciples. Au lieu de l’insipide disque "Open Bach", présentant des versions plus ou moins jazzy et modernes d’œuvres du Cantor — au demeurant assez peu réussies —, une place discographique aurait pu être accordée à quelques pièces de Buxtehude, Böhm et des anciens de la famille Bach d’une part, et d’autre part aux descendants et à Kirnberger, Agricola ou Homilius.

Tel est le lecteur-auditeur : il voudrait toujours plus, toujours mieux. En l’état, on ne peut que recommander chaleureusement ce coffret pour ceux qui ne connaîtraient pas bien Bach ou qui voudraient diversifier les interprétations à mettre dans leurs oreilles s’ils n’en ont pas par ailleurs eu l’occasion. On se prend à rêver aussi de tels entreprises pour d’autres musiciens comme Monteverdi…

Loïc Chahine

Technique : variable en fonction des enregistrements, mais globalement d'un excellent niveau.

 

 

 

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