DISSERTATION SUR LA MUSIQUE MODERNE.
Immutat animus ad pristina . Lucr.

© Gallica / BNF
Il paroit étonnant que les signes de la
Musique étant restes aussi long-tems dans l'état d'imperfection ou nous les
voyons encore aujourd'hui, la difficulté de l'apprendre n'ait pas averti le
Public que c'etoit la faute des caracteres & non pas celle de l'Art, ou que
s'en étant apperçu, on n'ait pas daigne y remédier. Il est vrai qu'on à
donne souvent des projets en ce genre : mais de tous ces projets , qui ,
sans avoir les avantages de la Musique ordinaire, en avoient les
inconvéniens, aucun , que je fache , n'à jusqu'ici touche le but; soit
qu'une pratique trop superficielle ait fait échouer ceux qui l'ont voulu
considérer théoriquement , soit que le génie étroit & borne des Musiciens
ordinaires les ait empêchés d'embrasser une plan général & raisonne, & de
sentir les vrais défauts de leur Art, de la perfection actuelle duquel ils
sont , pour l'ordinaire , très-entêtés .
La Musique à eu le sort des Arts qui ne se
perfectionnent que successivement. Les inventeurs de ses caracteres n'ont
qu'à songe qu'à l'état ou elle se trouvoit de leur tems, sans prévoir celui
ou elle pouvoit parvenir dans la suite. Il est arrive de-la que leur système
s'est bientôt trouve défectueux, & d'autant plus défectueux que l'Art s'est
plus perfectionné à mesure avançoit, on établissoit des regles pour remédier
aux inconvéniens présens, & pour multiplier une expression trop bornée, qui
ne pouvoir suffire aux nouvelles combinaisons on la chargeoit tous les
jours. En un mot : les inventeurs en ce genre, comme le dit M. Sauveur,
n'ayant eu en vue que quelques propriétés des sons, & sur - tout, la
pratique du Chant qui etoit en usage de leur tems, ils se sont contentes de
faire, par rapport à cela, des systèmes de Musique que d'autres ont
peu-à-peu changes, à mesure que le goût de la Musique changeoit. Or, il
n'est pas possible qu'un système, fut-il d'ailleurs le meilleur du monde
dans son origine, ne se charge à la fin d'embarras & de difficultés, par les
changemens qu'on y fait & les chevilles qu'on y ajoute, & cela ne sauroit
jamais faire qu'un tout fort embrouille & sort mal assorti.
C'est le cas de la méthode que nous
pratiquons aujourd'hui dans la Musique, en exceptant, cependant, à
simplicité du principe qui ne s'y est jamais rencontrée. Comme le fondement
en est absolument mauvais, on est ne l'à pas proprement gâte, on n'à fait
que le rendre pire, par les additions qu'on à été contraint d'y faire.
Il n'est pas aise de savoir précisément en
quel état étoit la Musique, quand Gui d'Arezze * [* Soit Gui d'Arezze, soit
Jean de Mure, le nom de l'Auteur ne fait rien au systême, & je ne parle du
premier que parce qu'il est plus connu.] s'avisa de supprimer tous les
caracteres qu'on y employoit, pour leur substituer les notes qui sont en
usage aujourd'hui. Ce qu'il y a de vraisemblable, c'est que ces premiers
caracteres etoient les mêmes avec lesquels les anciens Grecs exprimoient
cette Musique merveilleuse, de laquelle, quoiqu'on en dise, la notre
n'approchera jamais, quant à ses effets; & ce qu'il y a de sûr, c'est que
Gui rendit un sort mauvais service à la Musique, & qu'il est fâcheux pour
nous qu'il n'ait pas trouvé en son chemin des Musiciens aussi indociles que
ceux d'aujourd'hui.
Il n'est pas douteux que les lettres de
l'Alphabet des Grecs, ne fussent en même tems les caracteres de leur
Musique, & les chiffres de leur Arithmétique : de sorte qu'ils n'avoient
besoin que d'une seule espece de signes , en tout au nombre de vingt -
quatre , pour exprimer toutes les variations du discours , tous les rapports
des nombres , & toutes les combinaisons des sons; en quoi ils étoient bien
plus sages ou plus heureux que nous, qui sommes contraints de travailler
notre imagination sur une multitude de signes inutilement diversifiés .
Mais, pour ne m'arrêter qu'à ce qui regarde
mon sujet , comment se peut-il qu'on ne s'apperçoive point de cette foule de
difficultés que l'usage des notes à introduites dans la Musique , ou que,
s'en appercevant , on n'ait pas le courage d'en tenter le remede, d'essayer
de la ramener à sa premiere simplicité , & en un mot, de faire pour sa
perfection ce que Gui d'Arezze à fait pour la gâter: car, en vérité, c'est
le mot & je le dis malgré moi.
J'ai voulu chercher les raisons dont cet
Auteur dut se servir pour faire abolir l'ancien système en faveur du sien, &
je n'en ai jamais pu trouver d'autres que les deux suivantes,
1. Les notes sont plus apparentes que les
chiffres,
2. Et leur position exprime mieux à la vue la
hauteur & l’abaissement des sons.
Voilà donc les seuls principes sur lesquels
notre Aretin bâtit un nouveau système de Musique, anéantit toute celle qui
etoit en usage depuis deux mille ans, & apprit aux hommes à chanter
difficilement.
Pour trouver si Gui raisonnoit juste, même en
admettant la vérité de ses deux propositions, la question se réduiroit à
savoir si les yeux doivent être ménages aux dépens de l'esprit, & si la
perfection d'une méthode consiste à en rendre les signes plus sensibles en
les rendant plus embarrassans : car c'est précisément le cas de la sienne.
Mais nous sommes dispenses d'entrer là-dessus
en discussion, puisque ces deux propositions étant également fausses &
ridicules, elles n'ont jamais pu servir de fondement qu'à un très-mauvais
système.
En premier lieu ; on voit d'abord que les
notes de la Musique remplissant beaucoup plus de place que les chiffres
aux-quels on les substitue, on peut, en faisant ces chiffres beaucoup plus
gros, les rendre du moins aussi visibles que les notes, sans occuper plus de
volume. On voit, de plus Musique notée ayant des points , des
quarts-de-soupirs , des lignes , des clefs, des dièse , & d'autres signes
nécessaires autant & plus menus que les chiffres , c'est par ces signes-là ,
& non par la grosseur des notes , qu'il faut déterminer le point-de-vue.
En seconde lieu ; Gui ne devoit pas faire
sonner si haut l'irréalité de la position des notes : puisque, sans parler
de cette foule d'inconvéniens dont elle est la cause , l'avantage qu'elle
procure se trouve déjà tout entier dans la Musique naturelle : c'est-a-dire
, dans la Musique par chiffres ; on y voit du premier coup-d'oeil , de même
qu'à l'autre , si un son est plus haut ou plus bas que celui qui le précédé
ou que celui qui le suit, avec cette différence seulement que dans la
méthode des chiffres, l'intervalle , ou le rapport des deux sons qui le
composent, est précisément connu par la seule inspection ; au lieu que dans
la Musique ordinaire vous connoissez à l'oeil qu'il faut monter ou descendre
, & vous ne connoissez rien de plus.
On ne sauroit croire quelle application ,
quelle persévérance , quelle adroite mécanique est nécessaire dans le
système établi, pour acquérir passablement la science des intervalles & des
rapports : c'est l'ouvrage pénible d'une habitude toujours trop longue &
jamais assez étendue, puisqu'après une pratique de quinze & vingt ans , le
Musicien trouve encore des sauts qui non-seulement quant à l'intonation,
mais encore quant à la connoissance de l'intervalle, sur-tout, lorsqu'il est
question de sauter d'une clef à l'autre. Cet article mérite d'être & j'en
parlerai plus au long.
Le système de Gui est tout-a-fait comparable,
quant à son idée, à celui d'un homme qui, ayant fait réflexion que les
chiffres n'ont rien dans leurs figures qui réponde à leurs différentes
valeurs, proposeroit d'établir entr'eux une certaine grosseur relative, &
proportionnelle aux nombres qu'ils expriment. Le deux, par exemple, seroit
du double plus gros que l'unité, le trois de la moitie plus gros que le
deux, & ainsi de suite. Les défenseurs de ce système me ne manqueroient pas
de vous prouver qu'il est très-avantageux dans l'Arithmétique d'avoir sous
les yeux des caracteres uniformes qui, sans aucune différence par la figure,
n'en auroient que par la grandeur, & peindroient, en quelque sorte aux yeux
les rapports dont seroient l'expression.
Au reste : cette connoissance oculaire des
hauts, des bas , & des intervalles est si nécessaire dans la Musique , qu'il
n'y à personne qui ne sente le ridicule de certains projets qui été
quelquefois donnes pour noter sur une seule ligne, par les caracteres les
plus bizarres , les plus mal imagines, & les moins analogues à leur
signification ; des queues tournée sa droite , à gauche, en haut, en bas, &
de biais, dans tous les sens, pour représenter des ut des re, des mi ,&c.
Des têtes & des queues différemment situées pour répondre aux dénominations,
pa, ra, ga, so, bo, lo, do, ou d'autres signes tout aussi singulièrement
appliques. On sent d'abord que tout cela ne dit rien aux yeux & n'à nul
rapport à ce qu'il doit signifier, & j'ose dire que les hommes ne trouveront
jamais de caracteres convenables ni naturels que les seuls chiffres pour
exprimer les sons & tous leurs rapports. On en connoîtra mille sons les
raisons dans le cours de cette lecture; en attendant, il suffit de remarquer
que les chiffres étant l'expression qu'on à donnée aux nombres, & les
nombres eux-mêmes étant les exposans de la génération des sons, rien n'est
naturel que l'expression des divers sons par les chiffres Arithmétique.
Il ne faut donc pas être surpris qu'on ait
tente quelquefois de ramener la Musique à cette l'expression naturelle. Pour
peu qu'on réfléchisse sur cet Art, non en Musicien, mais en Philosophe on en
sent bientôt les défauts : l'on sent encore que ces défauts sont inhérens au
fond même du système, & dépendans uniquement du mauvais choix & non pas du
mauvais usage de ses caracteres : car , d'ailleurs, on ne sauroit
disconvenir qu'une longue pratique, suppléant en cela au raisonnement , ne
nous ait appris à les combiner de la maniere la plus avantageuse qu'ils
peuvent l'être.
Enfin, le raisonnement nous mene encore
jusqu'à connoître sensiblement que la Musique dépendant des nombres elle
devroit avoir la même expression qu'eux: nécessité qui ne naît pas seulement
d'une certaine convenance générale: mais du fond même des principes
physiques de cet Art.
Quand on est une fois parvenu- la, par une
suite de raisonnemens bien fondes & bien conséquens, c'est alors qu'il faut
quitter la Philosophie & redevenir Musicien, & c'est justement ce que n'ont
fait aucun de ceux qui jusqu'à présent ont proposé des systèmes en ce genre.
Les uns, partant quelquefois d'une théorie très-fine, n'ont jamais su venir
à bout de la ramener à l'usage, & les autres, n'embrassant proprement que le
mécanique de leur Art, n'ont pu remonter jusqu'aux grands principes qu'ils
ne connoissoient pas, & d'ou cependant, il faut nécessairement partir pour
embrasser un système lie. Le défaut de pratique dans les uns, le défaut de
théorie dans les autres, & peut-être, s'il faut le dire, le défaut de génie
dans tous, ont fait que jusqu'a présent aucun des projets qu'on à publies,
n'à remédie aux inconvéniens de la Musique ordinaire , en conservant ses
avantages.
Ce n'est pas qu'il se trouve une grande
difficulté dans l'expression des sons par les chiffres, puisqu'on pourroit
toujours les représenter en nombre, ou par les degrés de leurs intervalles,
ou par les rapports de leurs vibrations; mais l'embarras d'employer une
certaine multitude de chiffres sans ramener les inconvéniens de la Musique
ordinaire, & le besoin de fixer le genre & la progression des sons par
rapport à tous les différens modes, demandent plus d'attention qu'il ne
paroit d'abord : car la question est proprement de trouve une méthode
générale pour représenter, avec un très-petit nombre de caracteres, tous les
sons de la Musique considérés dans chacun des vingt-quatre modes.
Mais la grande difficulté ou tous les
inventeurs de systèmes ont échoue, c'est celle de l'expression des
différentes durées des silences & des sons. Trompes par les fausses regles
de la Musique ordinaire, ils n'ont jamais pu s'élever au-dessus de l'idée
des rondes, des noires & des croches; ils se sont rendus les esclaves de
cette mécanique , ils ont adopte les mauvaises relations qu'elle établit:
ainsi , pour donner aux notes des valeurs déterminées, il à falu inventer de
nouveaux signes, introduire dans chaque note une complication de figures,
par rapport à la durée, & par rapport au son d'ou s'ensuivant des
inconvéniens que n'à pas la Musique ordinaire , c'est avec raison que toutes
ces méthodes sont tombées le décri; mais enfin , les défauts de cet Art n'en
subsistent pas moins, pour avoir été compares avec des défauts plus grands;
& quand on publieroit encore mille méthodes plus mauvaises ; on en seroit
toujours au même point de la question, & tout cela ne rendroit pas plus
parfaite celle que nous pratiquons aujourd'hui.
Tout le monde , excepte les Artistes , ne
cesse de se plaindre de l'extrême longueur qu'exige l'étude de la Mutique
avant que de la posséder passablement : mais, comme la Musique est une des
sciences sur lesquelles on à moins réfléchi, soit le plaisir qu'on y prend,
nuise au sens-froid nécessaire pour méditer; soit que ceux qui la pratiquent
ne soient pas trop communément gens à réflexions, on ne s'est gueres avise
jusqu'ici de rechercher les véritables causes de sa difficulté, & l'on à
injustement taxe l'Art même des défauts que l'Artiste y avoit introduits.
On sent bien, à la vérité, que cette quantité
de lignes, de clefs, de transpositions , de dièse, de bémols , de bécarres,
de mesures simples & composées , de rondes, de blanches, de noires, de
croches, de doubles, de triples-croches, de pauses, de demi-pauses , de
soupirs , de demi-soupirs , de quarts de soupir , &c. donne une foule de
signes & de combinaisons, d'ou résulté bien de l'embarras & bien des
inconvéniens mais quels sont précisément ces inconvéniens ? Naissent-ils
directement de la Musique elle-même, ou de la mauvaise maniere de
l'exprimer? Sont-ils susceptibles de correction, & quels sont les remèdes
convenables qu'on y pourroit apporter, il est rare qu'on pousse l'examen
jusque-là; & après avoir la patience pendant des années entières de s'emplir
la tête de sons , & la mémoire de verbiage, il arrive souvent qu'on est tout
étonne de ne rien concevoir à tout cela , qu'en prend en dégoût la Musique &
le Musicien, & qu'on laisser-là l'un & l'autre, plus convaincu de
l'ennuyeuse difficulté de cet Art que de ses charmes si vantes.
J'entreprens de justifier la Musique des
torts dont on l'accuse, & de montrer qu'on peut , par des routes plus
courtes & plus faciles, parvenir à la posséder plus parfaitement, avec plus
d'intelligence, que par la méthode ordinaire, afin que si le public persiste
à vouloir s'y tenir, il ne s'en prenne du moins qu'à lui-même des
difficultés qu'il y trouvera.
Sans vouloir entrer ici dans le détail de
tous les défauts du système établi, j'aurai, cependant , occasion de parler
plus considérables, & il sera bon d'y remarquer toujours que ces
inconvéniens étant des suites nécessaires du fond même la méthode , il est
absolument impossible de les corriger autrement que par une refonte
générale, telle que je la propose ; il reste à examiner si mon système
remédie en effet à tous ces défauts, sans en introduire d'équivalens, &
c'est à cet examen que ce petit ouvrage est destine.
En général, on peut réduire tous les vices de
la Musique ordinaire à trois classes principales. la premiere est la
multitude des signes & de leurs combinaisons, qui surchargent inutilement
l'esprit & la mémoire des Commençans, de façon que l'oreille étant forme, &
les organes ayant acquis toute la facilite nécessaire, long-tems avant qu'on
toit en état chanter à livre ouvert , il s'ensuit que la difficulté est
toute dans l'observation des regles , & nullement dans l'exécution du chant
la seconde est le défaut d'évidence dans le genre des intervalles exprimes
sur la même ou sur différentes clefs. Défaut d'une si grande étendue, que ,
non-seulement , il est la cause principale de la lenteur du progrès des
écoliers ; mais encore qu'il n'est point de Musicien forme qui n'en soit
quelquefois incommode dans l'exécution. La troisieme enfin, est 1'extrême
diffusion des caracteres & le trop grand volume qu'ils occupent, ce qui ,
joint à ces lignes & à ces portées si ennuyeuses à tracer, devient une
source d'embarras de plus d'une espece. Si le premier mérite des signes
d'institution est d'être clair, le second est d'être concis ; quel jugement
doit-on porter des notes de notre Musique, à qui l'un & l'autre manquent ?
Il paroit d'abord assez difficile de trouver
une méthode qui puisse remédier à tous ces inconvéniens à la fois. Comment
donner plus d'évidence à nos signes, sans les augmenter en nombre ? Et
comment les augmenter en nombre, sans les rendre d'un cote plus longs à
apprendre, plus difficiles à retenir , & de l'autre, plus étendus dans leur
volume?
Cependant , à considérer la chose de près, on
sent bientôt que, tous ces défauts partent de la même source; savoir, de la
mauvaise institution des signes & de la quantité qu'il en à falu établir
pour suppléer à l'expression bornée & mal-entendue qu'on leur à donnée en
premier lieu; & il est démonstratif que des qu'on aura invente des signes
équivalens, mais plus simples , & en moindre quantité, ils auront par - la
même plus de précision & pourront exprimer autant choses en moins d'espace.
Il seroit avantageux, outre cela que ces
signes fussent déjà connus, afin que l'attention fut moins partagée, &
facile à suggérer, afin de rendre la Musique plus commode.
Voilà les vues que je me suis proposées, en
méditant le système que je présente au Public. Comme je destine un autre
ouvrage au détail de ma méthode, telle qu'elle do être enseignée aux
écoliers , on n'en trouvera ici qu'un plan général, qui suffira pour en
donner la parfaite intelligent aux personnes qui cultivent actuellement la
Musique, & dans lequel j'espere, malgré sa breveté, que la simplicité de mes
principes ne donnera lieu ni à l'obscurité, ni à l'équivoque .
Il faut d'abord considérer dans la Musique
deux objets principaux, chacun séparément. Le premier, doit être
l'expression de tous les sons possibles, & l'autre, celles de toutes les
différentes durées, tant des sons que de leurs silences relatifs , ce qui
comprend aussi la différence des mouvemens.
Comme la Musique n'est qu'un enchaînement de
sons qui se sont entendre, ou tous ensemble, ou successivement, il suffit
que tous ces sons aient des expressions relatives qui leur assignent à
chacun la place qu'il doit occuper, par rapport à un certain son fondamental
naturel ou arbitraire, pourvu que ce son fondamental soit nettement exprime
que la relation soit facile à connoître. Avantages que n'à déjà point la
Musique ordinaire, ou le son fondamental n'à nulle évidence particuliere , &
ou tous les rapports des notes ont besoin d'être long-tems étudies.
Mais comment faut-il procéder pour déterminer
ce son fondamental de la maniere la plus avantageuse qu'il est possible ;
c'est d'abord une question qui mérite fort d'être examinée ? On voit déjà
qu'il n'est aucun son dans la nature qui contienne quelque propriété
particuliere & connue, par laquelle on puisse le distinguer, toutes les fois
qu'on l'entendra. Vous ne sauriez décider sur un son unique , que ce fait un
ut plutôt qu'un la , ou un re, & tant que vous l'entendrez seul vous n'y
pouvez rien appercevoir qui vous doive engager à lui attribuer un nom plutôt
qu'un autre. C'est ce qu'avoit déjà remarque Monsieur de Mairan. Il n'y a,
dit-il, dans la nature , ni ut ni sol qui soit quinte ou quarte par soi-même
, parce que ut, sol, ou re n'existent qu'hypothétiquement selon le son
fondamental que l'on à adopte. La sensation de chacun des tons n'a rien en
soi de propre à la place qu'il tient dans l'étendue du clavier, rien qui le
distingue des autres pris séparément. Le re de l'Opéra pourroit être l'ut de
Chapelle, ou au contraire : la même vitesse, la même fréquence de vibrations
qui constitue l'un, pourra servir quand on voudra à constituer l'autre; ils
ne différent dans le sentiment qu'en qualité de plus haut ou de plus bas ,
comme huit vibrations, par exemple, différent de neuf, & non pas d'une
différence spécifique de sensation.
Voilà donc tous les sons imaginables réduits
à la seule faculté d'exciter des sensations par les vibrations qui les
produisent , & la propriété spécifique de chacun d'eux réduite au nombre
particulier de ces vibrations , pendant un tems déterminé: or, comme il est
impossible de compter ces vibrations , du moins d'une maniere directe, il
reste démontré qu'on ne peut trouver dans les sons aucune propriété
spécifique par laquelle on les puisse reconnoître séparément , & à plus
forte raison qu'il n'y à aucun d'eux qui mérite par préférence d'être ,
distingue de tous les autres & de servir de fondement aux rapports qu'ils
ont entr'eux.
Il est vrai que M. Sauveur avoit propose un
moyen de terminer un son fixe qui eut servi de base à tous les tons de
l'échelle générale: mais ses raisonnemens mêmes prouvent qu'il n'est point
de son fixe dans la nature, & l'artifice très-ingénieux & très-impraticable
qu'il imagina pour en trouver un arbitraire, prouve encore combien il y à
loin des hypothèses, ou même, si l'on veut, des vértés de spéculation , aux
simples regles de pratique.
Voyons, cependant, si en épiant la nature de
plus près , nous ne pourrons point nous dispenser de recourir à l'Art pour
établir un ou plusieurs sons fondamentaux, qui puissent nous servir de
principe de comparaison pour y rapporter tous les autres .
D'abord, comme nous ne travaillons que pour
la pratique, dans la recherche des sons nous ne parlerons que de ceux qui
composent le système tempéré, tel qu'il est universellement adopte, comptant
pour rien ceux qui n'entrent point dans la pratique de notre Musique, &
considérant comme justes sans exception tous les accords qui résultent du
tempérament. On verra bientôt que cette supposition, qui est la même qu'on
admet dans la Musique ordinaire, n'ôtera rien à la variété que le système
tempéré introduit dans l'effet des différentes modulations.
En adoptant donc la suite de tous les tous du
clavier, telle qu'elle est pratiquée sur les Orgues & les Clavecins,
l'expérience m'apprend qu'un certain son auquel on à donne le nom d'ut,
rendu par un tuyau long de seize pieds ouvert, fait entendre assez
distinctement, outre le son principal, deux autres sons plus foibles, l'un à
la tierce majeure, & l'autre à la quinte * [*C'est-à-dire , à la douzieme,
qui est le replique de la quinte & à la dix septieme, qui est la duplique de
la tierce majeure. L'octave, & même plusieurs octaves s'entendent aussi
assez distinctement, & s'entendroient bien mieux encore, si l'oreille ne les
confondoit quelquefois avec le son principal.] Auxquels on à donne les noms
de mi & de sol. J'écris à part ces trois noms , & cherchant un tuyau à la
quinte du premier, qui rende le même son que je viens d'appeller sol ou son
octave, j'en trouve un de dix pieds huit pouces de longueur, lequel , outre
le son principal sol , en rend aussi deux autres, mais plus foiblement; je
les appel le si & re, & je trouve qu'ils sont précisément en même rapport
avec le sol, que le sol & le mi l'etoient avec l'ut; je les écris à la suite
des autres, omettant comme inutile d'écrire le sol une seconde fois.
Cherchant un troisieme tuyau à l'unisson de la quinte re, je trouve qu'il
rend encore deux autres sons outre le son principal re , & toujours en même
proportion que les précédens; je les appelle fa & la *[* Le fa qui fait la
tierce majeure du re se trouve , par conséquent , dièse dans cette
progression , & il faut avouer qu'il n'est pas aise de développer l'origine
du fa naturel considère comme quatrieme note du ton : mais il y auroit
là-dessus des observations à faire qui nous méneroient loin & qui ne
seroient pas propres à cet ouvrage . Au reste, nous devons d'autant moins
nous arrêter à cette légère exception, qu'on peut démontrer que le fa
naturel ne sauroit être traite dans le ton d'ut que comme dissonance ou
préparation à la dissonance.] & je les écris encore à la suite des précédens.
En continuant de même sur le la , je trouverois encore deux autres sons:
mais comme j'apperçois que la quinte est ce même me qui à fait la tierce du
premier son ut je m'arrête- la, pour ne pas redoubler inutilement mes
expériences , & j'ai les sept noms suivans , répondans au premier son ut &
aux six autres j'ai trouves de deux en deux.
Ut , mi, sol, si, re, fa, la.
Rapprochant ensuite tous ces sons par
octaves, dans les trouve ranges de cette sorte,
Ut , re, mi, fa, sol, la, si .
Et ces sept notes ainsi rangées, indiquent
justement le progrès diatonique affecte au mode majeur, par la nature même :
or, comme le premier son ut à servi de principe & de base à tous les autres,
nous le prendrons pour ce son fondamental que nous avions cherche , parce
qu'il est bien réellement la source & l'origine d'ou sont émanes tous ceux
qui le suivent. Parcourir ainsi tous les sons de cette échelle, en
commençant & finissant par le son fondamental, & en préférant toujours les
premiers engendres aux derniers; c'est ce qu'on appelle moduler dans le ton
d'ut majeur, & c'est-là proprement la gamme fondamentale, qu'on est convenu
d'appeller naturelle préférablement aux autres, & qui sert de regle de
comparaison , pour y conformer les sons fondamentaux de tous les tons
pratiquables. Au reste : il est bien évident qu'en prenant le son rendu par
tout autre tuyau pour le son fondamental ut nous serions parvenus par des
sons différens à une progression toute semblable, & que, par conséquent , ce
chon'est que de pure convention & tout aussi arbitraire que celui d'un tel
ou tel méridien pour déterminer les degrés de longitude.
Il suit de-là, que ce que nous avons fait et
prenant ut pour base de notre opération, nous le pouvons faire de même en
commençant par un des six sons qui le suivent , à notre choix , & qu'appellant
ut ce nouveau son fondamental , nous arriverons à la même progression que ci
- devant, & nous trouverons tout de nouveau,
Ut , re, mi, fa, sol, la, si.
Avec cette unique différence que ces derniers
sons étant places à l'égard de leur son fondamental de la même maniere que
les précédens l'étoient à l'égard du leur, & ces deux sons fondamentaux
étant pris sur differéns tuyaux , il s'ensuit que leurs sons correspondans
sont aussi rendus par différens tuyaux, & que le premier ut par exemple,
n'étant pas le même que le second , le premier re n'est pas non plus le même
que le second.
A présent l'un de ces deux tons étant pris
pour le naturel, si vous voulez savoir ce que les différens sons du second
sont à l'égard du premier, vous n'avez qu'à chercher à quel son naturel du
premier ton se rapporte le fondamental du second, & le même rapport
subsistera toujours entre les sons de même dénomination de l'un & de l'autre
ton dans les octaves correspondantes. Supposant , par exemple , que l'ut du
second ton, soit un sol au naturel , c'est - à - dire à la quinte de l'ut
naturel, le re du second ton sera surement un la naturel , c'est-a-dire, la
quinte du re naturel, le misera un si, le fa un ut &c. & alors on dira qu'on
est au ton majeur de sol, c'est-a-dire, qu'on à pris le sol naturel pour en
faire le son fondamental d'un autre ton majeur.
Mais si , au lieu de m'arrêter en la dans
l'expérience des trois sons rendus par chaque tuyau , j'avois continue ma
progression de quinte en quinte jusqu'à me retrouver au premier ut d'ou j'etois
parti d'abord, ou à l'une de ses octaves, alors j'aurois passe par cinq
nouveaux sons altérés des premiers , lesquels sont avec eux la somme de
douze sons différens renfermes dans l'étendue de l'octave, & faisant
ensemble ce qu'on appelle les douze cordes du système chromatique .
Ces douze sons répliqués à différentes
octaves, font toute l'étendue de l'échelle générale , sans qu'il puisse
jamais s'en présenter aucun autre , du moins dans le système tempéré ,
puisqu'après avoir parcouru de quinte en quinte tous les sons que les tuyaux
faisoient entendre, je suis arrive à la replique du premier par lequel
j'avois commence , & que , par conséquent, en poursuivant la même opération
, je n'aurois jamais que les répliqués, c'est-a-dire , les octaves des sons
précédens .
La méthode que la nature m'à indiquée, & que
j'ai suivie pour trouver la génération de tous les sons pratiques la Musique
, m'apprend donc en premier lieu, non pas à trouver un son fondamental,
proprement dit, qui n'existe point, mais à tirer d'un son établi par
convention tous les mêmes avantages qu'il pourroit avoir s'il etoit
réellement fondamental , c'est-à-dire , à en faire réellement l'origine & le
générateur de tous les autres sons qui sont en usage & qui n'y peuvent être
qu'en conséquence de certains rapports détermines qu'ils ont avec lui ,
comme les touches du clavier à l'égard du C sol ut.
Elle m'apprend en second lieu , qu'après
avoir détermine le rapport de chacun de ces sons avec le fondamental , on
peut à son tour le considérer comme fondamental lui - même , puisque le
tuyau qui le rend, faisant entendre sa tierce majeure & sa quinte aussi bien
que le fondamental , on trouve, en partant de ce sons-là comme générateur,
une gamme qui ne diffère en rien, quant à sa progression de la gamme,
établie en premier lieu; c'est-a-dire , en un mot , que chaque touche du
clavier peut & doit même être considérée sous deux sens tout-a-fait
différens ; suivant le premier, cette touche représenté un son relatif au C
sol ut & qui, en cette qualité, s'appelle re, ou mi, ou sol, &c. selon qu'il
'est le second , le troisieme ou le cinquieme degré de l'octave renfermée
entre deux ut naturels. Suivant le second sens elle est le fondement d'un
majeur, & alors elle doit constamment porter le nom d'ut & toutes les autres
touches ne devant être considérées que par les rapports qu'elles ont avec la
fondamentale, c'est un rapport qui détermine alors le nom qu'elles doivent
porter suivant le degré qu'elles occupent : comme l'octave renferme douze
sons , il faut indiquer celui qu'on choisit , & alors c'est un la ou un re
,&c. naturel , cela détermine le son : mais quand il faut le rendre
fondamental & y fixer le ton, alors c'est constamment un ut & cela détermine
le progrès .
Il résulté de cette explication que chacun
des doute sons de l'octave peut être fondamental ou relatif, suivant la
maniere dont il sera employé , avec cette distinction que la disposition de
l'ut naturel dans l'échelle des tons, le rend fondamental naturellement ,
mais qu'il peut toujours devenir relatif à tout autre son que son voudra
choisir pour fondamental ; au lieu que ces autres sons naturellement
relatifs à celui d'ut , ne deviennent fondamentaux que par une détermination
particuliere. Au reste ; il est évident que c'est la nature même qui nous
conduit à cette distinction de fondement & de rapports dans les sons :
chaque son peut être fondamental naturellement puisqu'il fait entendre les
harmoniques, c'est-a-dire , sa tierce majeure & sa quinte, qui sont les
cordes essentielles du ton dont il est le fondement , & chaque son peut
encore être naturellement relatif , puisqu'il n'en est aucun qui ne soit une
des harmoniques ou des cordes essentielles d'un son fondamental , & qui n'en
puisse être engendre en cette qualité . On verra dans la suite pourquoi j'ai
insiste sur ces observations.
Nous avons donc douze sons qui servent de
fondemens ou de toniques aux douze tons majeurs, pratiques dans la Musique,
& qui, en. Cette qualité, sont parfaitement semblables quant aux
modifications qui résultent de chacun d'eux , traite comme fondamental, à
regard du mode mineur , il ne tous est point indique par la nature , & comme
nous ne trouvons aucun son qui en fasse entendre les nous ne pouvons
concevoir qu'il n'à point de son fondamental absolu , & qu'il ne peut
exister qu'eu vertu du rapport qu'il a avec majeur dont il est engendre ,
comme il est aise de le faire voir . *[* voyez M. Rameau nouv. Syst. P. 21 &
tr. De l'Har. P.12. & 13.]
Le premier objet que nous devons donc nous
proposer dans l'institution de nos nouveaux signes, c'est d'en imaginer
d'abord un qui désigne nettement, dans toutes les occasions , la corde
fondamentale que l'on prétend établir, & le rapport qu'elle à avec la
fondamental de comparaison, c'est-a-dire, avec l'ut naturel.
Supposons ce signe déjà choisi. la
fondamentale étant déterminée , il s'agira d'exprimer tous les autres sons
par le rapport qu'ils ont avec elle , car c'est elle seule qui en détermine
le progrès & les altérations : ce n'est pas, à la vérité, ce qu'on pratique
dans la Musique ordinaire , ou les sons sont exprimes constamment par
certains noms détermines, qui ont un rapport direct aux touches des
instrumens & à la gamme naturelle , sans égard au ton ou l'on est, ni à la
fondamentale qui le détermine : mais comme il est ici question de ce qu'il
convient le mieux de faire, & non pas de ce qu'on fait actuellement , est-on
moins en droit de rejetter une mauvaise pratique , si je fais voir que celle
que je lui substitue mérite la préférence qu'on le serait de quitter un
mauvais guide pour un autre qui vous montreroit un chemin plus commode &
plus court ? Et ne se moqueroit-on pas du premier s'il vouloit vous
contraindre à le suivre toujours, par cette unique raison, qu'il vous égare
depuis long - tems ?
Ces considérations nous menent directement au
choix des chiffres pour exprimer les sons de la Musique, puisque les
chiffres ne marquent que des rapports , & que rapports , & que l'expression
des sons n'est aussi que celle des rapports qu'ils ont ente'eux . Aussi
avons-nous déjà remarque que les Grecs ne se servoient des lettres de leur
Alphabet à cet usage, que parce que ces lettres etoient en même tems les
chiffres de leur arithmétique, au lieu que les caracteres de notre Alphabet
ne portant point communément avec eux les idées de nombre, ni de rapports,
ne seroient pas, à beaucoup près, si propres à les exprimer.
Il ne faut pas s'étonner après cela si l'on à
tente si souvent de substituer les chiffres aux notes de la Musique ;
c'etoit assurément le service le plus important, que l'on eut pu rendre à
cet Art, si ceux qui l'ont entrepris avoient eu la patience ou les lumieres
nécessaires pour embrasser un système général dans toute son étendue. Le
grand nombre de tentatives qu'on à faites sur ce point, fait voir qu'on sent
depuis long-tems les defaults des caractères établis. Mais il fait voir
encore qu'il est bien plus aise de les appercevoir que de les corriger ;
faut-il conclure de-la que la chose est impossible?
Nous voilà donc déjà détermines sur le choix
des caracteres ; il est question maintenant de réfléchir sur la maniere de
les appliquer. Il est sur que cela demande quelque soin : car s'il n'etoit
question que d'exprimer tous les sons par autant de chiffres différens , il
n'y auroit pas-là grande difficulté : mais aussi n'y auroit-il pas non plus
grand mérite , & ce seroit ramener dans la Musique une confusion encore pire
que celle qui naît de la position des notes.
Pour m'éloigner le moins qu'il est possible
de l'esprit de la méthode ordinaire, je ne ferai d'abord attention qu'au
clavier naturel, c'est-a-dire, aux touches noires de l'Orgue & du Clavecin,
réservant pour les autres des signes d'altération semblables à ceux qui se
pratiquent communément. Ou plutôt, pour me fixer par une idée plus
universelle, je considererai seulement le progrès & le rapport des sons
affectés au mode majeur, faisant abstraction à la modulation & aux
changemens de ton , bien sur qu'en faisant régulièrement l'application de
mes caracteres , la fécondité de mon principe suffira à tout.
De plus: comme toute l'étendue du clavier
n'est qu'une faite de plusieurs octaves redoublées, je me contenterai d'en
considérer une à part, & je chercherai ensuite un moyen d'appliquer
successivement à toutes, les mêmes caracteres que j'aurai affectes aux sons
de celle-ci. Par- la, je me conformerai à la fois à l'usage qui donne les
mêmes noms aux notes correspondantes des différentes octaves, à mon oreille
qui se plaît à les sons, à la raison qui me fait voir les mêmes rapports
multiplies entre les nombres qui les expriment , & enfin, je corrigerai un
des grands défauts de la Musique ordinaire , qui est d'anéantir par une
position vicieuse l'analogie & la ressemblance qui doit toujours se trouver
entre les différentes octaves .
Il y à deux manieres de considérer les sons &
les rapports qu'ils ont entr'eux ; l'une, par leur génération, c'est-a-dire,
par les différentes longueurs, des cordes ou des tuyaux qui les sont
entendre; & l'autre, par les intervalles qui les séparent du grave à l'aigu
.
A l'égard de la premiere , elle ne sauroit
être de nulle conséquence l'établissement de nos signes ; soit parce qu'il
faudroit de trop grands nombres pour les exprimer ; soit enfin , parce que
de tels nombres ne sont de nul avantage pour la facilite de l'intonation ,
qui doit être ici notre grand objet.
Au contraire, la seconde maniere de
considérer les sons par leurs intervalles, renferme un nombre infini
d'utilités : c'est sur elle qu'est sonde le système de la position , tel
qu'il est pratique actuellement. Il est vrai que, suivant ce système, les
notes n'ayant rien en elles-mêmes, ni dans l'espace qui les sépare, qui vous
indique clairement le genre de l'intervalle, il faut anoner un tems infini
avant que d'avoir acquis toute l'habitude nécessaire pour le reconnoître au
premier coup-d'oeil . Mais comme ce défaut vient uniquement du mauvais choix
des signes, on n'en peut rien conclure contre le principe sur lequel ils
sont établis, & l'on verra bientôt comment , au contraire , on tire de ce
principe tous les avantages qui peuvent rendre l'intonation aisée à
apprendre & à pratiquer .
Prenant ut pour ce son fondamental , auquel
tous les autres doivent se rapporter, & l'exprimant par le chiffre 1 , nous
aurons à sa suite l'expression des sept sons naturels , ut, re, mi, fa, sol,
la , si, par les sept chiffres, 1 , 2 , 3, 4, 5, 6 , 7 ; de façon que tant
que le chant roulera dans l'étendue de ces sept sons ; il suffira de les
noter chacun par son chiffre correspondant, pour les exprimer tous sans
équivoque.
Il est évident que cette maniere de noter,
conserve pleinement l'avantage si vante de la position : car , vous
connoissez à l'oeil , aussi clairement qu'il est possible , si un son est
plus haut ou plus bas qu'un autre ; vous voyez parfaitement qu'il faut
monter pour aller de l'1 au 5 , & qu'il faut descendre pour aller du 4 au 2
: cela ne souffre pas la moindre replique .
Mais je ne m'étendrai pas ici sur cet
article, & je me contenterai de toucher, à la fin de cet Ouvrage, les
principales réflexions qui naissent de la comparaison des deux méthodes; si
l'on suit mon projet avec quelque attention, elles se présenteront
d'elles-mêmes à chaque instant, &, en laissant à mes Lecteurs le plaisir de
me prévenir, j'espere de me procurer la gloire d'avoir pense comme eux.
Les sept premiers chiffres ainsi disposes,
marqueront; outre les degrés de leurs intervalles , celui que chaque son
occupe à l'égard du son fondamental ut de façon qu'il n'est aucun intervalle
dont l'expression par chiffres ne vous présente un double rapport , le
premier, entre les deux sons qui le composent, & le second , entre chacun
d'eux & le ton fondamental.
Soit donc établi que le chiffre que
s'appellera toujours ut 2 , s'appellera toujours re , 3 , toujours mi, &c.
conformément à l'ordre suivant.
1 , 2 , 3 , 4 , 5 , 6 , 7 .
ut , re, mi, fa, sol, la, si.
Mais quand il est question de sortir de cette
étendue, pour passer dans d'autres octaves, alors cela forme une nouvelle
difficulté ; car il faut nécessairement multiplier les chiffres, ou suppléer
à cela par quelque nouveau signe qui détermine l'octave ou l'on chante,
autrement l'ut d'en-haut étant écrit 1 , aussi-bien que l'ut d'en-bas , le
Musicien ne pourroit éviter de les confondre , & l'équivoque auroit lieu
nécessairement.
C'est ici le cas ou la position peut être
admise avec les avantages qu'elle à dans la Musique ordinaire, sans en
conserver ni les embarras, ni la difficulté. Etablissons une ligne
horizontale, sur laquelle nous disposerons toutes les notes renfermées dans
la même octave, c'est-a-dire, depuis & compris l'ut d'en-bas jusqu'à celui
d'en-haut exclusivement. Faut-il passer dans l'octave qui commence à l'ut
d'en - haut ? Nous placerons nos chiffes au - dessus de la ligne.
Voulons-nous, au contraire, passer dans l'octave inférieure laquelle
commence en descendant par le si , qui suit l'ut pose sur la ligne? Alors
nous les placerons au-dessous de la même ligne ; c'est-a-dire, que la
position qu'on est contraint de changer à chaque degré dans la Musique
ordinaire, ne changera dans la mienne qu'à chaque octave, & aura , par
conséquent, six fois moins de combinaisons.
( Voyer la Planche, Exemple 1. )
Après ce premier ut je descens au sol de
l'octave inférieure : je reviens à mon ut & , après avoir fait le mi & le
sol de la même octave, je passe à l'ut d'en-haut, c'est-a-dire, à l'ut qui
commence l'octave supérieure: je redescens ensuite jusqu'au sol d'en-bas par
lequel le reviens finir à mon premier ut.
Vous pouvez voir dans ces exemples (voyez la
pl. Ex, 1 & 2.) comment le progrès de la voix est toujours annonce aux yeux,
ou par les différentes valeurs des chiffres, s'ils sont de la même octave,
ou par leurs différentes positons, si leurs octaves sont différentes.
Cette mécanique est si simple qu'on la
conçoit du premier regard, & la pratique en est la chose du monde la plus
aisée. Avec une seule ligne vous modulez dans l'étendue de trois octaves, &
s'il se trouvoit que vous voulussiez passer encore au - delà, ce qui
n'arrivera gueres dans une Musique sage , vous avez toujours la liberté
d'ajouter des lignes accidentelles en haut & en bas, comme dans la Musique
ordinaire , avec la différence que dans celle-ci il faut onze lignes pour
trois octaves, tandis qu'il n'en faut qu'une dans la mienne, & que je puis
exprimer l'étendue de cinq, six, & près de sept octaves , c'est-a-dire,
beaucoup plus que n'à d'étendue le grand clavier, avec trois lignes
seulement.
Il ne faut pas confondre la position, telle
que ma méthode l’adopte, avec celle qui se pratique dans la Musique
ordinaire: les principes en sont tout différens. La Musique ordinaire n'à en
vue que de vous indiquer des intervalles & de disposer en quelque façon vos
organes par l'aspect du plus grand ou éloignement des notes, sans
s'embarrasser de distinguer assez bien le genre de ces intervalles, ni le
degré de cet éloignement, pour en rendre la connoissance indépendante de
l’habitude. Au contraire, la connoissance des intervalles qui fait
proprement le fond de la science du Musicien m'à paru un point si important,
que j'ai cru en devoir faire l'objet essentiel de ma méthode. L'explication
suivante montre comment on parvient par mes caracteres à déterminer tous les
intervalles possibles par leurs genres & par leurs noms, sans autre peine
que celle de lire une fois ces remarques.
Nous distinguons d'abord les intervalles en
directs & renverses & les uns & les autres encore en simples et redoublés.
Je vais définir chacun de ces intervalles considère dans mon système.
L'intervalle direct est celui qui est compris
entre deux sons, dont les chiffres sont d'accord avec le progrès,
c'est-a-dire, que le son le plus haut doit avoir aussi le plus grand
chiffre, & le son le plus bas, le chiffre le plus petit. (Voyez la pl
Exemp. 3. )
L'intervalle renverse est celui dont le
progrès est contrarie par les chiffres, c'est-a-dire que si l'intervalle
monte le second chiffre est le plus petit, & si l'intervalle descend le
second chiffre est le plus grand.
(Voyez la pl. Ex. 4.)
L'intervalle simple est celui qui ne passe
pas l'étendue d'une octave.( Voyez la pl. Ex. 5. )
L'intervalle redouble est celui qui passe
l'étendue d'une octave. Il est toujours la replique d'un intervalle simple,
(Voyez Exemple 6.)
Quand vous entrez d'une octave dans la
suivante, c'est-a-dire que vous passez de la ligne au-dessus ou au-dessous
d'elle, ou vice-versa, l'intervalle est simple s'il est renverse, mais s'il
est direct il sera toujours redouble.
Cette courte explication suffit pour
connoître à fond le genre de tout intervalle possible. Il faut à présent
rapprendre à en trouver le nom sur le champ.
Tous les intervalles peuvent être considères,
comme formes des trois premiers intervalles simples, qui sont la seconde, la
tierce, la quarte; dont les complemens à l'octave sont la septieme, la sixte
& la quinte; à quoi, si vous ajoutez cette octave elle-même, vous aurez tous
les intervalles simples sans exception.
Pour trouver donc le nom de tout intervalle
simple direct, il ne faut qu'ajouter l'unité à la différence des deux
chiffres qui expriment. Soit, par exemple , cet intervalle 1 , 5 ; la
différence des deux chiffres est 4, à quoi ajoutant l'unité vous avez 5 ,
c'est-a-dire , la quinte pour le nom de cet intervalle; il en seroit de même
si vous aviez eu 1 , 6 ; ou 7 , 3 , &c. Soit cet autre intervalle 4 , 5 ; la
différence est 1 , à quoi ajoutant l'unité vous avez 2, c'est-a-dire, une
seconde pour le nom de cet intervalle. La regle est générale.
Si l'intervalle direct est redouble, après
avoir procède comme ci - devant, il faut ajouter 7 pour chaque octave, &
vous aurez encore très - exactement le nom de votre intervalle : par
exemple, vous voyez déjà que - 1 - 3 est une tierce redoublée, ajoutez donc
7 à 3, & vous aurez 10 , c'est-a-dire une dixieme pour le nom de votre
intervalle.
Si l'intervalle est renverse, prenez le
complément du direct, c'est le nom de votre intervalle: ainsi, parce que la
sixte est le complément de la tierce, & que cet intervalle - 1- 3, est une
tierce renversée, je trouve que c'est une sixte ; si de plus il est
redouble, ajoutez-y autant de fois 7 qu'il y à d’octaves. Avec ce peu de
regles, dans quelque cas que vous soyez, vous pouvez nommer sur le champ &
sans le moindre embarras quelque intervalle qu'on vous présente.
Voyons donc, sur ce que je viens d'expliquer,
à quel point nous sommes parvenus dans l'art de solfier par la méthode que
je propose.
D'abord toutes les notes sont connues sans
exception; il n'à pas falu bien de la peine pour retenir les noms de sept
caracteres uniques, qui sont les seuls dont on ait à charger sa mémoire pour
l'expression des sons ; qu'on apprenne à les entonner juste en montant & en
descendant, diatoniquement & par intervalles, & nous voilà tout d'un coup
débarrasses des difficultés de la position.
A le bien prendre, la connoissance des
intervalles, par rapport à la nomination, n'est pas d'une nécessité absolu,
pourvu qu'on connoisse bien le ton d'ou l'on part, & qu'on fache trouver
celui ou l'on va. On peut entonner exactement l'ut le fa sans savoir qu'on
fait une quarte: & surement cela seroit toujours bien moins nécessaire par
ma méthode que par la commune, ou la connoissance nette & précise des notes
ne peut suppléer à celle des intervalles; au lieu que dans la mienne quand
l'intervalle seroit inconnu, les deux notes qui le composent seroient
toujours évidentes, sans qu'on put jamais s'y tromper dans quelque ton & à
quelque clef que l'on fut. Cependant tous les avantages se trouvent ici
tellement réunis , qu'au moyen de trois ou quatre observations très-simples
, voilà mon Ecolier en état de nommer hardiment tout intervalle possible,
soit sur la même partie, soit en sautant de d'une à l'autre, & d'en savoir
plus à cet égard dans une heure d'application, que des Musiciens de dix &
douze ans de pratique : car on doit remarquer , que les opérations dont je
viens de parler se sont tout d'un coup par l'esprit & avec une rapidité bien
éloignée des longues gradations indispensables dans la Musique ordinaire,
pour arriver à la connoissance des intervalles, & qu'enfin les regles
seroient toujours préférables à l'habitude, soit pour la certitude , soit
pour la brièveté , quand même elles ne feroient que produire le même effet .
Mais ce n'est rien d'être parvenus jusqu'ici
: il est d'autres objets à considérer & d'autres difficultés à surmonter.
Quand j'ai ci-devant affecte le nom d'ut au
son fondamental de la gamme naturelle , je n'ai fait que me conformer à
l'esprit de la premiere institution du nom des notes , & à l'usage général
des Musiciens, & quand j'ai dit que la fondamentale de chaque ton avoit le
même droit de porter le nom d'ut que ce premier son , à qui il n'est affecte
par aucune propriété particuliere, j'ai encore été autorise par la pratique
universelle de cette méthode, qu'on appelle transposition , dans la Musique
vocale.
Pour effacer tout scrupule qu'on pourroit
concevoir à cet égard, il faut expliquer ma pensée avec un peu plus
d'étendue: le none d'ut doit-il être nécessairement & toujours celui d'une
touche fixe du clavier, ou doit-il au contraire être applique préférablement
à la fondamentale de chaque ton, c'est la question qu'il s'agit de discuter.
A l'entendre énoncer de cette maniere, on
pourroit, peut-être, s'imaginer que ce n'est ici qu'une question de mots.
Cependant elle influe trop dans la pratique pour être méprisée : il s'agit
moins des noms en eux-mêmes, que de déterminer les idées qu'on leur doit
attacher, & sur lesquelles on n'à pas été trop bien d'accord jusqu'ici.
Demandez à une personne qui chante, ce que
c'est qu'une telle vous dira que c'est le premier ton de la gamme demandez
la même chose à un joueur d'instrumens, il vous répondra que c'est une telle
touche de son Violon ou de son Clavecin. Ils ont tous deux raison; ils
s'accordent même en qu'ils un sens, & s'accorderoient tout-a-fait, si l'un
ne se representoit pas cette gamme comme mobile, & l'autre cet ut comme
invariable.
Puisque l'on est convenu d'un certain ton
à-peu-près fixe pour y régler la portée des voix & le diapason des
instrumens , il faut que ce son ait nécessairement un nom, & un fixe comme
le son qu'il exprime ; donnons-lui le nom d'ut : j'y consens. Réglons
ensuite sur ce nom - la tous ceux des différens sons de l'échelle générale
afin que nous puissions indiquer le rapport qu'ils ont avec lui & avec les
différentes touches des instrumens ; j'y consens encore ; & jusque-là le
symphoniste à raison.
Mais ces sons auxquels nous venons de donner
des noms , & ces touches qui les sont entendre, sont disposes de telle
maniere qu'ils ont entr'eux & avec la touche ut certains rapports qui
constituent proprement ce qu'on appelle ton, & ce ton dont ut est la
fondamentale est celui que sont entendre les touches noires de l'Orgue & du
Clavecin quand on les joue dans un certain ordre, sans qu'il soit possible
d'employer toutes les mêmes touches pour quelque autre ton dont ut ne seroit
pas la fondamentale , ni d'employer dans celui noms celui d'ut aucune des
touches blanches du clavier lesquelles n'ont même aucun nom propre, & en
prennent de différens , s'appellant tantôt dièses & tantôt ,bémols suivant
les tons dans lesquels elles sont employées.
Or quand on veut établir une autre
fondamentale, il faut nécessairement faire un tel choix des sons qu'on veut
employer, qu'ils aient avec elle précisément les mêmes rapports que le re,
le me , le sol, & tous les autre sons de la gamme naturelle avoient avec
l'ut . C'est le cas ou le Chanteur à droit de être au Symphoniste : pourquoi
ne vous servez-vous pas des mêmes noms pour exprimer les mêmes rapports? Au
reste, je crois peu nécessaire de remarquer qu'il faudroit toujours
déterminer la fondamentale par son nom naturel, & que c'est seulement après
cette détermination qu'elle prendroit le nom d'ut.
Il est vrai qu'en affectant toujours les
mêmes noms aux mêmes touches de l'instrument & aux mêmes notes de la
Musique, il semble d'abord qu'on établit un rapport plus direct entre cette
note & cette touche, & que l'une excite plus aisément l'idée de l'autre
qu'on ne seroit en cherchant toujours une égalité de rapports entre les
chiffres des notes & le chiffre fondamental d'un cote, & de l'autre, entre
le son fondamental & les touches de l'instrument.
On peut voir que je ne tâche pas d'énerver la
force de l'objection : oserai-je me flatter à mon tour que les préjugés
n'ôteront rien à celle de mes réponses?
D'abord je remarquerai que le rapport fixe
par les mêmes noms entre les touches de l'instrument & les notes de la
Musique à bien des exceptions & des difficultés auxquelles on ne fait pas
toujours assez d'attention.
Nous avons trois clefs dans la Musique, & ces
trois clefs ont huit positions, ainsi , suivant ces différentes positions ,
voilà huit touches différentes pour la même position, & huit positions pour
la même touche & pour chaque touche de l'instrument : il est certain que
cette multiplication d'idées nuit à leur netteté; il y à même bien des
Symphonistes qui ne les possédent jamais toutes à un certain point, quoique
toutes les huit clefs soient d'usage sur plusieurs instrumens.
Mais renfermons-nous dans l'examen de ce qui
arrive sur une seule clef. On s'imagine que la même note doit toujours
exprimer l'idée de la même touche, & cependant cela est très-faux : car par
des accidens fort communs, causes par les dièses & les bémols, il arrive à
tout moment, non-seulement que la note si devient la touche ut que la note
mi devient la touche sa & réciproquement, mais encore qu'une note diésée à
la clef & diésée par accident monte d'un ton tout entier , qu'un fa devient
un sol, un ut un re, &c. & qu'au contraire par un double bémol un mi
deviendra un re, un si un la & ainsi des autres. Ou en est donc la précision
de nos idées ? Quoi ! Je vois un sol & il saut que je touche un la ! Est-ce
la ce rapport si juste, si vante, auquel on veut sacrifier celui de la
modulation?
Je ne nie pas cependant qu'il n'y ait quelque
chose de très-ingénieux dans l'invention des accidens ajoutes à la clef pour
indiquer, non pas les différens tons, car ils ne sont pas toujours connus
par- la, mais les différentes altérations qu'ils causent. Ils n'expliquent
pas mal la théorie des progressions, c'est dommage qu'ils fassent acheter si
cher cet avantage par la peine qu'ils donnent dans la pratique du chant &
des instrumens. Que me sert, à moi, de savoir qu'un tel demi-ton à change de
place , & que de - la on l'à transporte la pour en faire une note sensible,
une quatrieme ou une sixieme note; si d'ailleurs je ne puis venir à bout de
l'exécuter sans me donner la torture , & s'il faut que je me souvienne
exactement de ces cinq dièses ou de ces cinq bémols pour les appliquer à
toutes les notes que je trouverai sur les mêmes positions ou à l'octave , &
cela précisément dans le tems que l'exécution devient la plus embarrassante
par la difficulté particuliere de l'instrument ? Mais ne nous imaginons pas
que les Musiciens se donnent cette peine dans la pratique; ils suivent une
autre route bien plus commode, & il n'y à pas un habile homme parmi eux qui
après avoir prélude dans le ton ou il doit jouer, ne fasse plus d'attention
au degré du ton ou il se trouve & dont il connoit la progression, qu'au
dièse ou au bémol qui l'affecte.
En général, ce qu'on appelle chanter &
exécuter au naturel est, peut-être, ce qu'il y à de plus mal imagine dans la
Musique : car si les noms des notes ont quelque utilité réelle , ce ne peut
être que pour exprimer certains rapports, certaines affections déterminées
dans les progressions des sons. Or, des que le ton change , les rapports des
sons & la progression changeant aussi , la raison dit qu'il faut de même
changer les noms des notes en les rapportant par analogie au nouveau ton ,
sans quoi l'on renverse le sens des noms & l'on ôte aux mots le seul
avantage qu'ils puissent avoir, qui est d'exciter d'autres idées avec celles
des sons. Le passage du mi au fa ou du si à l'ut, excite naturellement dans
l'esprit du Musicien l'idée du demi-ton. Cependant, si l'on est dans le ton
de si ou dans celui de mi, l'intervalle du si à l'ut ou du mi au fa est
toujours d'un ton & jamais d'un demi-ton. Donc au lieu de leur conserver des
noms qui trompent l'esprit & qui choquent l'oreille exercée par une
différente habitude , il est important de leur en appliquer d'autres dont le
sens connu ne soit point contradictoire, & annonce les intervalles qu’ils
doivent exprimer. Or, tous les rapports des sons du système diatonique se
trouvent exprimes dans le majeur tant en montant qu'en descendant, dans
l'octave comprise entre deux ut suivant l'ordre naturel, & dans le mineur
dans l'octave comprise entre deux la suivant le même ordre en descendant
seulement, car et montant le mode mineur est assujetti à des affections
différentes qui présentent de nouvelles réflexions pour la théorie ,
lesquelles ne sont pas aujourd'hui de mon sujet , & qui ne sont rien au
système que je propose.
Je ne disconviens pas qu'à l'égard des
instrumens ma méthode ne s'écarte beaucoup de l'esprit de la méthode
ordinaire : mais comme je ne crois pas la méthode extrêmement estimable, &
que je crois même d'en démontrer les défauts, il faudroit toujours avant que
de me condamner par- la, se mettre en etat de me convaincre, non pas de la
différence, mais du désavantage de la mienne.
Continuons d'en expliquer la mécanique. Je
reconnois dans la Musique douze sons ou cordes originales, l'un desquels est
le C sol ut qui sert de fondement à la gamme naturelle: prendre un des
autres sons pour fondamental, c'est lui attribuer toutes les propriétés de
l'ut ; c'est proprement transposer la gamme naturelle plus haut ou plus bas
de tant de degrés. Pour déterminer ce son fondamental je me sers du mot
correspondant , c'est-à-dire , du sol, du re, du la, &c. & je l'écris à la
marge au haut de l'air que je veux noter : alors ce sol ou ce re qu'on peut
appeller la clef, devient ut & servant de fondement à un nouveau ton & à une
nouvelle gamme , toutes les notes du Clavier lui deviennent relatives, & ce
n'est alors qu'en vertu du rapport qu'elles ont avec ce son fondamental
qu'elles peuvent être employées.
C'est-là, quoiqu'on en puisse dire, le vrai
principe auquel il faut s'attacher dans la composition, dans le prélude, &
dans le Chant; & si vous prétendez conserver aux notes leurs noms naturels,
il faut nécessairement que vous les considériez tout à la fois sous une
double relation, savoir, par rapport au C sol ut & à la gamme naturelle, &
par rapport au son fondamental particulier, sur lequel vous êtes contraint
d'en régler le progrès & les altérations. Il n'y à qu'un ignorant qui joue
des dièses & des bémols sans penser au ton dans lequel il est ; alors Dieu
fait quelle justesse il peut y avoir dans son jeu!
Pour former donc un éleve suivant ma méthode,
je parle de l'instrument , car pour le Chant la chose est si aisée qu'il
feroit superflu de s'y arrêter; il faut d'abord lui apprendre à connoître &
à toucher par leur nom naturel, c'est-a-dire , sur la clef d'ut, toutes les
touches de son instrument. Ces premiers noms lui doivent servir de regle
pour trouver ensuite les autres fondamentales, & toutes les modulations
possibles des tons majeurs auxquels seuls il suffit de faire attention,
comme je l'expliquerai bientôt.
Je viens ensuite à la clef sol, & après lui
avoir fait toucher le sol, je l'avertis que ce sol devenant la fondamental
du ton doit alors s'appeller ut & je lui fais parcourir sur cet ut toute la
gamme naturelle en haut & en bas suivant l'étendue de son instrument: comme
il y aura quelque différence dans la touche ou dans la disposition des
doigts à cause du demi-ton transpose, je la lui serai remarquer. Après
l'avoir exerce quelque tems sur ces deux tons, je l'amenerai à la clef re, &
lui faisant appeller ut le re naturel, je lui fais recommencer sur cet ut
une nouvelle gamme, & parcourant ainsi toutes les fondamentales de quinte en
quinte, il se trouvera enfin dans le cas d'avoir prélude en mode majeur sur
les douze cordes du système chromatique, & de connoître parfaitement le
rapport & les affections différentes de toutes les touches de sort
instrument sur chacun de ces douze différens tons.
Alors je lui mets de la Musique aisée entre
les mains. la clef lui montre quelle touche doit prendre la dénomination
d'ut, & comme il à appris à trouver le mi & le sol , &c. c'est-a-dire, la
tierce majeure & la quinte, &c. sur cette fondamentale, un 3 & un 5 sont
bientôt pour lui des signes familiers , & si les mouvemens lui etoient
connus que l'instrument n'eut pas ses difficultés particulieres, il seroit
des lors en etat d'exécuter à livre ouvert toute sorte de Musique sur tous
les tons & sur toutes les clefs. Mais avant que d'en dire davantage sur cet
article, il faut achever d'expliquer la partie qui regarde l'expression des
sons.
A l'égard du mode mineur, j'ai déjà remarque
que 1a nature ne nous l'avoit point enseigne directement. Peut-être vient-il
d'une de la progression dont j'ai parle dans l'expérience des tuyaux, ou
l'on trouve qu'à la quatrieme quinte cet ut qui avoit servi de fondement à
l'opération fait une tierce mineure avec le la qui est alors le son
fondamental. Peut-être est-ce aussi de-la que naît cette grande
correspondance entre le mode majeur ut & le mode mineur de sa sixieme note,
& réciproquement entre le mode mineur la & le mode majeur de sa médiante.
De plus; la progression des sons affectes au
mode mineur est précisément la même qui se trouve dans l'octave comprise
entre deux la, puisque, suivant Monsieur Rameau, il est essentiel au mode
mineur d'avoir sa tierce & sa sixte mineurs, & qu'il n'y à que cette octave
ave ou, tous les autres sons étant ordonnes comme ils doivent l'être, la
tierce & la sixte se trouvent mineures naturellement.
Prenant donc la pour le nom de la tonique des
tons mineurs, & l'exprimant par le chiffre 6, je laisserai toujours à sa
médiante ut le privilege d'être, non pas tonique, mais fondamentale
caractéristique ; je me conformerai en cela à la nature qui ne nous fait
point connoître de fondamentale proprement dite dans les tons mineurs, & je
conserverai à la fois l'uniformité dans les noms des notes & dans les
chiffres qui les expriment & l'analogie qui se trouve entre les modes majeur
& mineur pris sur les deux cordes ut & la.
Mais cet ut qui par la transposition doit
toujours être le nom de la tonique dans les tons majeurs, & celui de la
médiante dans les tons mineurs, peut, par conséquent, être pris sur chacune
des douze cordes du système chromatique , & pour la designer, il suffira de
mettre à la marge le nom de cette corde prise sur le clavier dans l'ordre
naturel. On voit par-la que si le Chant est dans le ton d'ut majeur ou de la
mineur, il faudra écrire ut à la marge; si le Chant est dans le ton de re
majeur ou de si mineur, il faut écrire re à la marge; pour le ton de mi
majeur ou d'ut dièse mineur, on écrira mi à la marge, & ainsi de suite,
c'est-a-dire , que la note écrite à la marge, ou la clef désigne précisément
la touche du clavier qui doit s'appeller ut & . par conséquent être tonique
dans le ton majeur, médiante dans le mineur & fondamentale dans tous les
deux : sur quoi l'on remarquera que: j'ai toujours appelle cet ut
fondamentale & non pas tonique, parce qu'elle ne l'est que dans les tons
majeurs , mais qu'elle sert également de fondement à la & au nom des notes &
même aux différentes octaves dans l'un & l'autre mode: mais à le bien
prendre, la connoissance de cette clef n'est d'usage que pour les instrumens
& ceux qui chantent n'ont jamais besoin d'y faire attention.
Il suit de-la que la même clef sous le même
nom d'ut , désigne cependant, deux tons differens, savoir, le majeur dont
elle est tonique & le mineur dont elle est médiante , & dont par conséquent,
la tonique est une tierce au-dessous d'elle. Il suit encore que les mêmes
noms des notes & les notes affectées de la même maniere, du moins en
descendant, servent également pour l'un & l'autre mode, de sorte que
non-seulement on n'à pas besoin de faire une étude particuliere des modes
mineurs ; mais que même on seroit à la rigueur dispense de les connoître,
les rapports exprimes par les mêmes chiffres n'étant point differens, quand
la fondamental est tonique, que quand elle est médiante; cependant pour
l'évidence du ton & pour la facilite du prélude , on écrira la clef tout
simplement quand elle sera tonique, & quand elle médiante on ajoutera
au-dessous d'elle une petite horizontale.( Voyez la pl. Ex. 7, & 8. )
Il faut parler à présent des changemens de
ton : mais comme les altérations accidentelles des sons s'y présentent
souvent, & elles ont toujours lieu dans le mode mineur, en montant de la
dominante à la tonique, je dois auparavant en expliquer les signes.
Le dièse s'exprime par une petite ligne
oblique, qui croise la note en montant de gauche à droite, sol dièse, par
s'exemple ; s'exprime ainsi, 8 fa dièse ainsi, 4. Le bémol s'exprime aussi
par une semblable ligne qui croise la note en descendant, 7 , 3 , & ces
signes, plus simples que ceux qui sont en usage , servent encore à montrer à
l'oeil le genre d'altération qu'ils causent .
Pour le bécarre, il n'est devenu nécessaire
que par le mauvais choix du dièse & du bémol, parce qu'étant des caracteres
sépares des notes qu'ils alterent, s'il s'en trouve plusieurs de suite, sous
l'un ou l'autre de ces lignes, on ne peut jamais distinguer celles qui
doivent être affectées de celles qui ne le doivent pas, sans se servir du
bécarre. Mais comme par mon système, le signe de l'altération, outre la
simplicité de sa figure, à encore l'avantage d'être toujours inhérent à la
note altérée, il est clair que toutes celles auxquelles on ne le verra
point, devront être exécutées au ton naturel qu'elles doivent avoir sur la
fondamentale ou l'on est. Je retranche donc le bécarre comme inutile, & je
le retranche encore comme équivoque, puisqu'il est commun de le trouver
employé en deux sens tout opposes : car les uns s'en servent pour ôter
l'altération causée par les signes de la clef, & les autres, au contraire,
pour remettre la note au ton qu'elle doit avoir conformément à ces mêmes
signes.
A l'égard des changemens de ton soit pour
passer du majeur au mineur , ou d'une tonique à une autre , il pourroit
suffire de changer la clef : mais comme il est extrêmement avantageux de ne
point rendre la connoissance de cette clef nécessaire à ceux qui chantent, &
que, d'ailleurs, il faudroit une certaine habitude pour trouver facilement
le rapport d'une clef à l'autre ; voici la précaution qu'il y saut ajouter.
Il n'est question que d'exprimer la premiere note de ce changement, de
maniere à représenter ce qu'elle etoit dans le ton d'ou l'on sort, & ce
qu'elle est dans celui ou l'on entre. Pour cela : j'écris d'abord cette
premiere note entre deux doubles lignes perpendiculaires par le chiffre qui
la représenté dans le ton précédent, ajoutant au-dessus d'elle la clef ou le
nom de la fondamentale du ton ou l'on va entrer : j'écris ensuite cette même
note par le chiffre qui l'exprime dans le ton qu'elle commence. De sorte
qu'eu égard à la suite du Chant , le premier chiffre indique le ton de la
note , & le second sert à en trouver le nom.
Vous voyez ( pl. Ex. 9. )
non-seulement que du ton de sol vous passez dans celui d'ut, mais que la
note sa du ton précédent est la même que la note ut qui se trouve la
premiere dans celui où vous entrez.
Dans cet autre exemple, ( Voyez Ex. 10. )
la premiere note ut du premier changement seroit le mi bémol du mode
précédent , & la premiere note mi du second changement seroit l'ut dièse du
mode précédent, comparaison très-commode pour les voix & même pour les
instrumens , lesquels ont de plus l'avantage du changement de clef. On y
peut remarquer aussi que dans les changemens de mode, la fondamentale change
toujours, quoique la tonique reste la même; ce qui dépend des regles que
j'ai expliquées ci-devant.
Il reste dans l'étendue du clavier une
difficulté dont il est tems de parler. Il ne suffit pas de connoître le
progrès affecte à chaque mode, la fondamentale qui lui est propre, si cette
fondamental est tonique ou médiante , ni enfin de la savoir rapporter à la
place qui lui convient, dans l'étendue de la gamme naturelle; mais il faut
encore savoir à quelle octave , & en un mot à quelle touche précise du
clavier elle doit appartenir .
Le grand clavier ordinaire à cinq octaves
d'étendue , & je m'y bornerai pour cette explication, en remarquant
seulement qu'on est toujours libre de le prolonger de part & d'autre tout
aussi qu'on voudra, sans rendre la note plus diffuse ni plus incommode.
Supposons-donc que je sois à la clef d'ut
c'est-a-dire au son d'ut majeur, ou de la mineur qui constitue le clavier
naturel . Le clavier se trouve alors dispose de sorte que depuis le premier
ut d'en-bas jusqu'au dernier ut d'en-haut, je trouve quatre octaves
completes , outre les deux portions qui restent en haut & en bas entre l'ut
& le fa, qui termine le clavier de part & d'autre.
J'appelle à , la premiere octave comprise
entre l'ut d'en bas & le suivant vers la droite , c'est-a-dire , tout ce est
renferme entre 1 & 7 inclusivement. J'appelle B l'octave qui commence au
second ut , comptant de même vers la droite; C la troisieme, D la quatrieme,
&c. jusqu'à E , ou commence une cinquieme octave qu'on pousseroit plus haut
si l'on vouloir . à l'égard de la portion d'en-bas qui commence au premier
fa , & se termine au premier si , comme elle est imparfaite, ne commençant
point par la fondamentale , nous l'appellerons l'octave X; & cette lettre X
servira dans toute sorte de tons, à designer les notes qui resteront au bas
du clavier au-dessous de la premiere tonique.
Supposons que je veuille noter un air à la
clef 'd'ut, c'est -à-dire, au ton d'ut majeur, ou de la mineur; j'écris ut
au haut de la page à la marge, & je le rends médiante ou tonique, suivant
que j'y ajoute ou non la petite ligne horizontale.
Sachant ainsi quelle corde doit être la
fondamentale du ton, il n'est plus plus question que de trouver dans
laquelle des cinq octaves roule davantage le Chant que j'ai à exprimer, &
d'en écrire la lettre au commencement de la ligne sur laquelle je place mes
notes. Les deux espaces au-dessus & au-dessous représenteront les étages
contigus , & serviront pour les notes qui peuvent excéder en haut ou en bas
l'octave représentée par la lettre que j'ai mise au commencement de la ligne
. J'ai déjà remarque que si le Chant se trouvoit assez bizarre pour passer
cette étendue , on seroit toujours libre d'ajouter une ligne en haut ou en
bas, ce qui peut quelquefois avoir lieu pour les instrumens.
Mais comme les octaves se comptent toujours
d'une fondamentale à l'autre, & que ces fondamentales sont différentes,
suivant les différens tons ou l'on est, les octaves se prennent aussi sur
différons degrés, & sont, tantôt plus hautes ou plus basses, suivant que
leur fondamentale est éloignes du C sol ut naturel,
Pour représenter clairement cette mécanique ,
j'ai joint ici ( Voyez la Planche ) une table générale de tous les
tons du clavier , ordonnes par rapport aux douze cordes du système
chromatique , prises successivement pour fondamentales.
On y voit d'une maniere simple & sensible le
progrès des différens sons, par rapport au ton ou l'on est . On verra aussi
par l'explication suivante , comment elle facilite la pratique des
instrumens , au point de n'en faire qu'un jeu , non-seulement par rapport
aux instrumens à touches marquées , comme: le Basson , le Hautbois , la
Flûte , la Basse-de-Viole , & le Clavecin , mais encore à l'égard du Violon,
du. Violoncelle & de toute autre espece sans exception.
Cette représenté toute l'étendue du clavier,
combine sur les douze cordes : le clavier naturel, ou l'ut conserve son
propre nom, se trouve ici au sixieme rang marque par une étoile à chaque
extrémité , & c'est à ce rang que tous les autres doivent se rapporter ,
comme au terme commun de comparaison . On voit qu'il s'étend depuis le fa d'en-bas:
jusqu'à celui d'en-haut , à la distance de cinq octaves , qui sont ce qu'an
appelle le grand clavier.
J'ai déjà dit que l'intervalle compris depuis
le premier 1 jusqu'au premier 7 qui le suit vers la droite, s'appelle à ;
que l'intervalle compris depuis le second 1 jusqu'à l'autre 7 , s'appelle
l'octave B ; l'autre , l'octave C , &c. jusqu'au cinquieme 1, ou commence
l'octave E , que je n'ai portée ici que jusqu'au fa. à l'égard des quatre
notes qui sont à la gauche du premier ut j'ai dit encore qu'elles
appartiennent à l'octave X, à laquelle je donne ainsi une lettre hors de
rang, pour exprimer que cette octave n'est pas complete, parce qu'il
faudroit pour parvenir jusqu'à l'ut , descendre plus bas que le clavier ne
le permet.
Mais si je suis dans un autre ton , comme ,
par exemple , à la clef de re, alors ce rechange de nom & devient ut , c`est
pourquoi l'octave A, comprise depuis la premiere tonique jusqu'à sa septieme
note, est d'un degré plus élevée que le octave correspondante du ton
précédent, ce qu'il est aise de voit par la table, puisque cet ut du
troisieme rang , c'est -à-dire de la clef de re, correspond au re de la clef
naturelle d'ut, sur lequel il tombe perpendiculairement, & par la même
raison , l'octave X y à plus de notes que la même octave de la clef d'ut,
parce que les octaves en s'élevant davantage, s'éloignent de la plus basse
note du clavier.
Voilà pourquoi les octaves montent depuis la
clef d'ut jusqu'à la clef de mi, & descendent depuis la même clef d'ut
jusqu'à celle de sa ; car ce sa qui est la plus basse note du clavier ,
devient alors fondamentale , & commence, par conséquent, la premiere octave
A.
Tout ce qui est donc compris entre les deux
premiers lignes obliques vers la gauche , est toujours de l'octave A , mais
à différens degrés, suivant le ton ou l'on est. La même touche , par exemple
, sera ut dans le ton majeur de mi, re dans celui de re, mi dans celui d'ut
, fa dans celui de si, sol dans celui de la, la dans celui de sol, si dans
celui de fa. C'est toujours la même touche , parce que c'est la même colonne
, & c'est la même octave, parce que cette colonne est renfermée entre les
mêmes lignes obliques. Donnons un exemple de la façon d'exprimer le ton,
l'octave & la touche sans équivoque. ( Voyez la PL Exemple 11. )
Cet exemple est à la clef de re, il faut donc
le rapporter au quatrieme rang , répondant à la même clef , l'octave B ,
marquée sur la ligne, montre que l'intervalle supérieur dans lequel commence
le chant, répond à l'octave supérieure C : ainsi la note 3 , marquée d'un à
dans la table , est justement celle qui répond à la premiere de cet exemple.
Ceci suffit pour faire entendre que dans chaque partie on doit mettre sur le
commencer de ligne , la lettre correspondante à l'octave, dans laquelle le
chant de cette partie roule le plus, & que les espaces qui sont au-dessus &
au-dessous, seront pour les octaves, supérieure & inférieure.
Les lignes horizontales servent à séparer ,
de demi -ton en demi-ton , les différentes fondamentales, dont les noms sont
écrits à la droite de la table.
Les lignes perpendiculaires montrent que
toutes les note traversées de la même ligne, ne sont toujours qu'une même
touche , dont le nom naturel, si elle en à un, se trouve au sixieme rang, &
les autres noms dans les autres rangs de la même colonne suivant les
différens tons ou l'on est. Ces lignes perpendiculaires sont de deux sortes
; les unes noires , qui servent à montrer que les chiffres qu'elles joignent
représentent une touche naturelle, & les autres ponctuées , qui sont pour
les touches blanches ou altérées , de façon qu'en quelque ton que l'on soit,
on peut connoître sur le champ, par le moyen de cette table , quelles sont
les notes qu'il saut altérer pour exécuter dans ce ton-là.
Les clefs que vous voyez au commencement ,
servent à déterminer quelle note doit porter le nom d'ut, & à marquer le ton
comme je l'ai déjà dit; il y en à cinq qui peuvent être doubles, parce que
le bémol de la supérieure marque b , & le dièse de l'inférieure marque d,
produisent le même effet .* [*Ce n'est qu'en venu du tempérament que !a même
touche peut servir de dièse à l'une & de bémol à l'autre, puisque
d'ailleurs, personne n'ignore que la somme de deux demi-tons mineurs ne
sauroient faire un ton .] Il ne sera pas mal cependant de s'en tenir aux
dénominations que j'ai choisies , & qui , abstraction faite de tout autre
raison, sont du moins préférables , parce qu'elles sont les plus usitées.
Il est encore aise, par le moyen de cette
table, de marquer précisément l'étendue de chaque partie, tant vocale
qu'instrumentale , & la place qu'elle occupera dans ces différentes octaves
suivant le ton ou l'on sera.
Je suis convaincu qu'en suivant exactement
les principes que je viens d'expliquer, il n'est point de Chant qu'on ne
soit en Etat de solfier en très-peu de tems, & de trouver de même sur
quelque instrument que ce soit, avec toute la facilite possible . Rappellons
un peu en détail ce que j'ai dit sur cet article .
Au lieu de commencer 'd'abord à faire
exécuter machinalement des Airs à cet Ecolier ; au lieu de lui faire toucher
, tantôt des dièses, tantôt des bémols, sans qu'il puisse concevoir pourquoi
il le fait , que le premier soin du Maître soit de lui faire connoître à
fond tous les sons de son instrument , par rapport aux différens tons sur
lesquels ils peuvent être pratiques.
Pour cela , après lui avoir appris les noms
naturels de toutes les touches de son instrument, il faut lui présenter un
autre point de vue , & le rappeller à un principe général, Il connoit déjà
tous les sons de l'octave suivant l'échelle naturelle , il est question, à
présent, de lui en faire faire l'analyse. Supposons-le devant tin Clavecin.
Le clavier est divise en soixante & une touches : on lui explique que ces
touches prises successivement , & sans distinction de blanches ni de noires
, expriment des sons qui , de gauche à droite, vont en s'élevant de demi-ton
en demi-ton . Prenant la touche ut pour fondement de notre opération, nous
trouverons toutes les autres de l'échelle naturelle, disposées à son égard
de la maniere suivante.
La deuxieme note, re, à un ton d'intervalle
vers la droite, c'est-a-dire , qu'il faut laisser une touche intermédiaire
entre l'ut & le re, pour la division des deux demi-tons.
La troisieme , mi , à un autre ton du re & à
deux tons mas de l'ut , de sorte qu'entre le re & le mi , il faut encore une
touche intermédiaire .
La quartieme, fa , à un demi-ton du mi & à
deux tons & demi de l'ut : par conséquent , le fa est la touche qui suit le
mi immédiatement, sans en laisser aucune entre-deux.
La cinquieme , sol, à un ton du fa, & à trois
tons & de mi de l'ut; il faut laisser une touche intermédiaire.
La sixieme , la, à un ton du sol, & à quatre
tons & de mi de l'ut ; autre touche intermédiaire.
La septieme, si, à un ton du la, & à cinq
tons & de mi de l'ut; autre touche intermédiaire.
La huitième , ut d'en-haut , à demi-ton du
si, & à six tons du premier ut dont elle est l'octave , par conséquent le si
est contigu à l'ut qui le suit, sans touche intermédiaire.
En continuant ainsi tout le long du clavier,
on n'y trouvera que la replique des mêmes intervalles , & l'Ecolier se les
rendra aisément familiers, de même que les chiffres qui les expriment & qui
marquent leur distance de l'ut fondamental. On lui sera remarquer qu'il y à
une touche intermédiaire entre chaque degré de l'octave , excepte entre le
mi & le fa, & entre le si & l'ut d'en-haut , ou l'on trouve deux intervalles
de demi - ton chacun , qui ont leur position fixe dans l'échelle.
On observera aussi qu'à la clef d'ut toutes
les touches noires sont justement celles qu'il faut prendre , & que toutes
les blanches sont les intermédiaires qu'il faut laisser. On ne cherchera
point à lui faire trouver du mystère dans cette distribution , & l'on lui
dira seulement que comme le clavier seroit trop-étendu ou les touches
trop-petites , si elles etoient toutes uniformes, & que d'ailleurs la clef
d'ut est la plus usitée dans la Musique , on à , pour plus de commodité,
rejette hors des intervalles les touches blanches , qui n'y sont que de peu
d'usage . On se gardera bien aussi d'affecter un air savant en lui parlant
des tons & des demi-tons majeurs & mineurs, des comma , du tempérament ;
tout cela est absolument inutile à la pratique, du moins pour ce tems- la,
en un mot, pour peu qu'un Maître ait d'esprit & qu'il, possede son Art, il à
tant d'occasions de briller en instruisant , qu'il est inexcusable quand sa
vanité est à pure perte pour le Disciple .
Quand on trouvera que l'ecolier possede assez
bien son clavier naturel , on commencera alors à le lui faire transposer sur
d'autres clefs , en choisissant d'abord celles ou les sons naturels sont les
moins altères. Prenons, par exemple, la clef de sol.
Ce mot sol, direz-vous à l'ecolier, écrit
ainsi à la marge, signifie qu'il faut transporter au sol & à son octave le
nom & toutes les propriétés de l'ut & de la gamme naturelle. Ensuite , après
l'avoir exhorte à se rappeller la disposition des tons de cette gamme , vous
l'inviterez à l'appliquer dans le même ordre au sol considère comme
fondamentale , c'est-à-dire; comme un ut; d'abord , il sera question de
trouver le re; si l'Ecolier est bien conduit , il le trouvera de lui-même ,
& touchera le la naturel, qui est précisément par rapport au sol dans la
même situation que le re par rapport à l'ut ; pour trouver le mi, il
touchera le si; pour trouver le sa il touchera l'ut , & vous lui ferez
remarquer qu'effectivement ces deux dernieres touches donnent un demi-ton
d'intervalle intermédiaire, de même que le mi 4c le fa dans l'échelle
naturelle. En poursuivant de même , il touchera le re pour le sol ,& le mi
pour le la. Jusqu'ici il n'aura trouve que des touches naturelles pour
exprimer dans l'octave sol l'échelle de l'octave ut; de sorte que si vous
poursuivez , & que vous demandiez le si sans rien ajouter, il est presque
immanquable qu'il touchera le fa naturel ; alors vous l'arrêterez-là , &
vous lui demanderez s'il ne se souvient pas qu'entre le la & le si naturel
il à trouve un intervalle d'un ton une touche intermédiaire: vous lui
montrerez en même tems cet intervalle à la clef d'ut, & revenant à celle de
sol, vous lui placerez le doigt sur le mi naturel que vous nommerez la en
demandant ou est le si; alors il se corrigera surement & touchera le fa
dièse ; petit-être touchera-t-il le sol: mais au lieu de vous impatienter,
il faut saisir cette occasion de lui expliquer si bien la regle des tons &
demi-tons, par rapport à l'octave ut & sans distinction de touches noires &
blanches , qu'il ne soit plus dans le cas de pouvoir s'y tromper.
Alors il faut lui faire parcourir le clavier
de haut en bas & de bas en haut, en lui faisant nommer les touches
conformément à ce nouveau ton , vous lui serez aussi observer que la touche
blanche qu'on y emploie, y devient nécessaire pour constituer le demi-ton,
qui doit être entre le si & l'ut d'en haut, & qui seroit sans ce la, entre
le la & le si, ce est contre l'ordre de la gamme . Vous aurez soin ,
sur-tout , de lui faire concevoir qu'à cette clef-là, le sol naturel est
réellement un ut, le la un re, le si un mi, &c. De forte que ces noms & la
position de leurs touches relatives lui deviennent aussi familières qu'à la
clef d'ut, & que tant qu'il, est à la clef de soi, il n'envisage le clavier
que par cette seconde exposition.
Quand on le trouvera suffisamment exercé , on
le mettra à la clef de re, avec les mêmes précautions , & on l'amenera
aisément à y trouver de lui-même le mi & le si sur deux touches blanches :
cette troisieme clef achèvera de l'éclaircir sur la situation de tous les
tons de l'échelle , relativement à quelque fondamentale que ce soit, &
vraisemblablement il n'aura plus besoin d'explication pour trouver l'ordre
des tons sur toutes les autres fondamentales.
Il ne sera donc plus question que de
l'habitude, & il dépendra beaucoup du Maître de contribuer à la former, s'il
s'applique à faciliter à l'Ecolier la pratique de tous les intervalles , par
des remarques sur la position des doigts, qui lui en rendent bientôt la
mécanique familière.
Après cela; de courtes explications sur le
mode mineur, sur les altérations qui lui sont propres , & sur celles qui
naissent de la modulation dans le cours d'une même piece , un Ecolier bien
conduit par cette méthode, doit savoir à fond son clavier sur les tons dans
moins de trois mois ; donnons-lui en six, au bout desquels nous partirons
de-la pour le mettre à l'exécution , & je soutiens que s'il à d'ailleurs
quelque connoissance des mouvemens , il jouera dès-lors à livre ouvert les
airs notés par mes caracteres , ceux, du moins, qui ne demanderont pas une
grande habitude dans le doigter. Qu'il mette six autres mots à se
perfectionner la main & l'oreille, soit pour l'harmonie, soit pour la
mesure; & voilà dans l'espace d'un an un Musicien du premier ordre,
pratiquant également toutes les clefs , connoissant les modes & tous les
tons, toutes les cordes qui leur sont propres, toute la suite de la
modulation, & transposant toute piece de Musique dans toutes sortes de tons
avec la plus parfaite facilite.
C'est ce qui me paroit découler évidemment de
la pratique de mon système , & que je suis près de confirmer, non-seulement
par des preuves de raisonnement , mais par l'expérience , aux yeux de
quiconque en voudra voir l'effet.
Au reste ce que j'ai dit du Clavecin,
s'applique de même à tout autre instrument, avec quelques légères
différences par rapport aux instrumens à manche, qui naissent des
différentes altérations propres à chaque ton: comme je n'écris ici que pour
les Maîtres à qui cela est connu, je n'en dirai, que ce qui est absolument
nécessaire , pour mettre dans son jour une objection qu'on pourroit
m'opposer, & pour en donner la solution.
C'est un fait d'expérience que les différens
tons de la Musique ont tous certain caractere qui leur est propre & les
distingue chacun en particulier. L'A mi la majeur , par exemple, est
brillant; l'F ut fa est majestueux ; le si bémol majeur est tragique ; le sa
mineur est triste; l'us mineur est tendre; & tous les tons ont de même , par
préférence , je ne fais quelle aptitude à exciter tel ou tel sentiment, dont
les habiles Maîtres savent bien se prévaloir. Or puisque la modulation est
la même dans tous les tons majeurs, pourquoi un ton majeur exciteroit-il une
passion plutôt qu'un autre ton majeur ? Pourquoi le même passage du re au fa
produit-il des effets différens , quand il est pris sur différentes
fondamentales, puisque le rapport demeure le même. Pourquoi cet air joue en
A mi la ne rend-il plus cette expression qu'il avoit en G re sol ? Il n'est
pas possible d'attribuer cette différence au changement de fondamentale;
puisque, comme je l'ai dit, chacune de ces fondamentales, prise séparément,
n'à rien. En elle qui puisse exciter d'autre sentiment que celui du son haut
ou bas qu'elle fait entendre : ce n'est point proprement par les sons que
nous sommes touches : c'est par les rapports qu'ils ont entre eux, & c'est
uniquement par le choix de ces rapports charmans, qu'une belle composition
peut émouvoir le cœur en flattant l'oreille. Or, si le rapport d'un ut à un
sol, ou d'un re à un la est le même dans tous les tons, pourquoi produit-il
différens effets ?
Peut-être trouveroit-on des Musiciens
embarrasses d'en expliquer la raison; & elle seroit , en effet,
très-inexplicable , si l'on admettoit à la rigueur cette identité de rapport
dans les sons exprimes par les mêmes noms & représentes par les intervalles
sur tous les tons.
Mais ces rapports ont entre eux de légères
différences , suivant les cordes sur lesquelles ils sont pris, & ce sont ces
différences , si petites en apparence , qui causent dans la Musique cette
variété d'expressions sensible à toute oreille délicate , & sensible à tel
point, qu'il est peu de Musicien , qui en écoutant un concert, ne connoisse
en quel ton l'on exécute actuellement.
Comparons , par exemple , le C sol ut mineur
, & le D la re. Voilà deux modes mineurs desquels tous les sons sont
exprimes par les mêmes intervalles & par les mêmes noms , chacun
relativement à sa tonique : cependant l'affection n'est point la même, & il
est incontestable que le C sol ut est plus touchant que le D la re. Pour en
trouver la raison, il faut entrer dans une recherche assez longue dont voici
à-peu-près le résultat . L'intervalle qui se trouve entre la tonique re & fa
seconde note, est un peu plus petit que se trouve entre la tonique du C sol
ut & sa seconde note; au contraire , le demi-ton qui se trouve entre la
seconde note & la médiante du D la re, est un peu plus grand que celui qui
est entre la seconde note & la médiante du C sol ut ; de sorte que tierce
mineure restant à-peu-près égale de part & d'autre, elle est partagée dans
le C sol ut en deux intervalles un peu plus inégaux que dans le D la re, ce
qui rend l'intervalle du demi-ton plus petit de la même quantité dont celui
du ton est plus grand.
On trouve aussi , par l'accord, ordinaire du
Clavecin , le demi-ton compris entre le sol naturel & le la bémol, un peu
plus petit que celui qui est entre le la & le si bémol. Or plus les deux
sons qui forment un demi-ton se rapprochent , & plus le passage est tendre &
touchant, c'est l'expérience qui nous l'apprend , & c'est , je crois, la
véritable raison pour laquelle le mode mineur du C sol ut nous attendrit
plus que celui du D la re; que si , cependant, la diminution vient jusqu'à
causer de l'altération à l'harmonie , & jetter de la dureté dans le Chant,
alors le sentiment se change en tristesse , & c'est l'effet que nous
éprouvons dans l'F ut sa mineur .
En continuant nos recherches dans ce goût-là
, peut-être parviendrions-nous a-peu-près à trouver par ces différences
légères qui subsistent dans les rapports des sons & des intervalles, les
raisons des différens sentimens excites par les divers tons de la Musique.
Mais si l'on vouloit aussi trouver la causes de ces différences , il
faudroit entrer pour cela dans détail dont mon sujet me dispense, & qu'on
trouvera suffisamment expliqué dans les ouvrages de Monsieur Rameau. Je me
contenterai de dire ici en général que, comme il à fallu pour éviter de
multiplier les sons, faire servir les mêmes à plusieurs usages, on n'à pu y
réussir qu'en les altérant un peu, ce qui fait qu'eu égard à leurs différens
rapports, ils perdent quelque chose de la justesse qu'ils devroient avoir.
Le mi, par exemple, considère comme tierce majeure d'ut, n'est point, à la
rigueur, le même mi qui doit faire la quinte du la; la différence est
petite, à la vérité, mais enfin elle existe , & pour la faire évanouir il a
fallu tempérer un peu cette quinte : par ce moyen on n'à employé que le même
son pour ces deux usages : mais de-là vient aussi que le ton du re au mi
n'est pas de la même espece que celui de l'ut ou re, & ainsi des autres.
On pourroit donc me reprocher que j'anéantis
ces différences par mes nouveaux signes , & que , par-la même , je détruis
cette variété d'expression si avantageuse dans la Musique . J'ai bien des
choses à répondre à tout cela.
En premier lieu ; le tempérament est un vrai
défaut ; c'est une altération que l'art à causée à l'harmonie, faute d'avoir
pu mieux faire. Les harmoniques d'une corde ne nous donnent point de quinte
tempérée , & la mécanique du tempérament introduit dans la modulation des
tons si durs , par exemple , le re & le sol dièses , qu'ils ne sont pas
supportables à l'oreille . Ce ne seroit donc pas une faute que d'éviter ce
défaut, & sur-tout dans les caracteres de la Musique , qui , ne participant
pas au vice de l'instrument , devroient , du moins par leur signification ,
conserver toute la pureté de l'harmonie.
De plus ; les altérations causées par les
différens tons, ne sont point pratiquées par les voix ; l'on n'entonne point
, par exemple , l'intervalle 45 , autrement que l'on entonneroit celui-ci 56
, quoique cet intervalle ne soit pas tout-a-fait même , & l'on module en
chantant avec la même justesse dans tous les tons , malgré les altérations
particulieres que l'imperfection des instrumens introduit dans ces différens
tons , & à laquelle la voix ne se conforme jamais, à moins qu'elle n'y soit
contrainte par l'unisson des instrumens.
La nature nous apprend à moduler sur tous les
tons, précisément dans toute la justesse des intervalles; les voix conduites
par elle le pratiquent exactement. Faut-il nous éloigner de ce qu'elle
prescrit pour nous assujettir à une pratique défectueuse, & faut-il
sacrifier , non pas à l'avantage , mais au vice des instrumens ,
l'expression naturelle du plus partait de tous. C'est ici qu'on doit se
rappeller tout ce que j'ai dit ci-devant sur la génération des sons , &
c'est par-la qu'on se convaincra que l'usage de mes signes n'est qu'une
expression très-fidelle & très-exacte des opérations de la nature .
En second lieu ; dans les plus considérables
instrumens , comme l'Orgue , le Clavecin & la Viole , les touches étant
fixées , les altérations différentes de chaque ton dépendent uniquement de
l'accord , & elles sont également pratiquées par ceux qui en jouent,
quoiqu'ils n'y pensent point. Il en est de même des Flûtes , des Hautbois ,
Bassons & autres instrumens à trous , les dispositions des doigts sont
fixées pour chaque son, & le seront de même par mes caracteres, sans les
écoliers pratiquent moins le tempérament pour n'en pas connoître
l'expression.
D'ailleurs , on ne sauroit me faire là-dessus
aucune difficulté qui n'attaque en même tems la Musique ordinaire , dans
laquelle , bien loin que les petites différences des intervalles de même
espece soient indiquées par quelque marque, les différences spécifiques ne
le sont même pas, puisque les tierces ou les sixtes , majeures & mineures ,
sont exprimées par les mêmes intervalles & les mêmes positions ; au lieu que
dans système les différens chiffres employés dans les intervalles de même
dénomination, sont du moins connoître s'ils sont majeurs ou mineurs.
Enfin, pour trancher tout d'un coup toute
cette difficulté , c'est au Maître & à l'oreille à conduire l'Ecolier dans
la pratique des différens tons & des altérations qui leur sont propres: la
Musique ordinaire ne donne point de regles pour cette pratique que je ne
puisse appliquer à la mienne avec encore plus d'avantage , & les doigts de
l'écolier seront bien plus heureusement conduits en lui faisant pratiquer
sur son Violon les intervalles, avec les altérations qui leur sont propres
dans chaque ton , en avançant ou reculant un peu le doigt , que par cette
foule de dièses c de bémols qui, faisant de plus petits intervalles entr'eux
, & ne contribuant point à former l'oreille , troublent l'Ecolier par des
différences qui lui sont long-tems insensibles.
Si la perfection d'un système de Musique
consistoit à y pouvoir exprimer une plus grande quantité de sons, il seroit
aise en adoptant celui de M. Sauveur, de diviser toute l'étendue d'une seule
octave en 3010 décamérides ou intervalles égaux , dont les sons seroient
représentes par des notes différemment figurées ; mais de quoi serviroient
tous ces caracteres, puisque la diversité des sons qu'ils exprimeroient ne
seroit non plus à la portée de nos oreilles, qu'à celle des organes de notre
voix? Il n'est donc pas moins inutile qu'on apprenne à distinguer l'ut
double dièse, du re naturel, des que nous sommes contraints de le pratiquer
sur ce même re , & qu'on ne se trouvera jamais dans le cas d'exprimer en
note la différence qui doit s'y trouver, parce que ces deux sons ne peuvent
être relatifs à la même modulation.
Tenons pour une maxime certaine que tous les
sons d'un mode doivent toujours être considères , par le rapport qu'ils ont
avec la fondamentale de ce mode-la , qu'ainsi les intervalles correspondans
devroient être parfaitement égaux dans tous les tons de même espece ; aussi
les considère-t-on comme tels dans la composition, & s'ils ne le sont pas à
la rigueur dans la pratique , les Facteurs épuisent du moins toute leur
habileté dans l'accord , pour en rendre la différence insensible.
Mais ce n'est pas ici le lieu de m'étendre
davantage sur cet article: si de l'aveu de la plus savante Académie de
l'Europe mon système à des avantages marques par-dessus la méthode ordinaire
pour la Musique vocale , il me semble que ces avantages sont bien plus
considérables dans la partie instrumentale , du moins, j'exposerai les
raisons que j'ai de le croire ainsi; c'est à l'expérience à confirmer leur
solidité. Les Musiciens ne manqueront pas de se récrier, & de dire qu'ils
exécutent avec la plus grande facilite, par la méthode ordinaire, & qu'ils
sont de leurs instrumens tout ce qu'on en peut faire par quelque méthode que
ce soit. D'accord ; je les admire en ce point, & il ne semble pas en effet
qu'on puisse pousser l'exécution à un plus haut degré de perfection que
celui ou elle est aujourd'hui: mais enfin quand on leur sera voir qu'avec
moins de tems & de peine on peut parvenir plus surement à cette même
perfection , peut-être seront-ils contraints de convenir que les prodiges
qu'ils operent, ne sont pas tellement inséparables des barres, des noires &
des croches, qu'on n'y, puisse arriver par d'autres chemins. Proprement,
j'entreprends leur prouver qu'ils ont encore plus de mérite qu'ils ne
pensoient, puisqu'ils suppléent par la force de leurs talens aux défauts de
la méthode dont ils se servent.
Si l'on à bien compris la partie de mon
système que je viens d'expliquer, on sentira qu'elle donne une méthode
générale pour exprimer sans exception tous les sons usités dans Musique, non
pas, à la vérité, d'une maniere absolue , mais relativement à un son
fondamental déterminé ; ce qui produit un avantage considérable en vous
rendant toujours présent le ton de la piece & la suite de la modulation . Il
me reste maintenant à donner une autre méthode encore us facile, pour
pouvoir noter tous ces mêmes sons , de la même maniere , sur un rang
horizontal, sans avoir jamais besoin de lignes ni d'intervalles pour
exprimer les différentes octaves .
Pour y suppléer donc, je me sers du plus
simple de tous les lignes , c'est-a-dire , du point; & voici comment je le
mets en usage si je sors de l'octave par laquelle j'ai commence pour faire
une note dans l'étendue de l'octave supérieure , & qui commence à l'ut
d'en-haut , alors je mets point au-dessus de cette note par laquelle je sors
de mon octave, & ce point une fois place, c'est un avis que non-seulement la
note sur laquelle il est, mais encore toutes celles qui la suivront, sans
aucun signe qui le détruise , devront être prises dans l'étendue de cette
octave supérieure ou je suis entre. Par exemple ,
.
Ut c 1 3 5 1 3 5
Le point que vous voyez sur le second ut
marque que vous entrez-là dans l'octave au-dessus de celle ou vous avez
commence , & que par conséquent le 3 & le 5 qui suivent sont aussi de cette
même octave supérieure & ne sont point les mêmes que vous aviez entonnes
auparavant.
Au contraire; si je veux sortir de l'octave
ou je me trouve pour passer à celle qui est au-dessous, alors je mets le
point sous la note par laquelle j'y entre.
Ut d 5 3 1 5 3 1
.
Ainsi ce premier 5 étant le même que le
dernier de l'exemple précédent, par le point que vous voyez ici sous le
second 5 , vous êtes averti que vous sortez de l'octave ou vous étiez monte,
pour rentrer dans celle par ou vous aviez commence précédemment.
En un mot: quand le point est sur la note
vous passez dans l'octave supérieure , s'il est au-dessous vous passez dans
l'inférieure , & quand vous changeriez d'octave à chaque note, que vous
voudriez monter ou descendre de deux ou trois, octaves tout d'un coup ou
successivement, la regle est toujours générale & vous n'avez qu'à mettre
autant de points au-dessous ou au-dessus que vous avez d'octaves à descendre
ou à monter.
Ce n'est pas à dire qu'à chaque point vous
montiez ou vous descendiez d'une octave: mais à chaque point vous entrez
dans une octave différente, dans un autre étage soit en montant , soit en
descendant , par rapport au son fondamental ut , lequel ainsi se trouve bien
de la même octave en descendant diatoniquement, mais non pas en montant : le
point , dans cette façon de noter , équivaut aux lignes & aux intervalles de
la précédente ; tout ce qui est dans la même position appartient au même
point, & vous n'avez besoin d'un autre point que lorsque vous passez dans
une autre position, c'est-a-dire, dans une autre octave. Sur quoi il faut
remarquer que je ne me sers de ce mot d'octave qu'abusivement & pour ne pas
multiplier inutilement les termes, parce que proprement l'étendue que je
désigne par ce mot n'est remplie que étage de sept notes, l'ut d'en-haut n'y
étant pas compris.
Voici une suite de notes qu'il sera aise de
solfier par les regles que je viens d'établir.
. . . .
Sol d 1 7 1 2 3 1 5 4 5 6 7 5 1 7 6 5 4 3 2 4
2 1 7 6 5 3 4 5 5 1.
.
Et voici ( V. Pl. Ex. 12. ) le même
exemple note suivant la premiere méthode.
Dans une longue suite de Chant, quoique les
points vous conduisent toujours très-juste, ils ne vous sont pourtant
connoître l'octave ou vous vous trouvez, que relativement à ce qui à
précédé; c'est pourquoi, afin de savoir précisément l'endroit du clavier ou
vous êtes, il faudroit aller en remontant jusqu'à la lettre qui est au
commencement de l'air opération exacte , à la vérité, mais d'ailleurs un peu
trop longue. Pour m'en dispenser , je mets au commencement de chaque ligne
la lettre de l'octave ou se trouve, non pas la premiere note de cette ligne
, mais la derniere de la ligne précédaient, & cela afin que la regle des
points n'ait pas d'exception.
L'e que j'ai mis au commencement de la
seconde ligne marque que le sa qui finit la premiere est de la cinquieme
octave , de laquelle je sors pour rentrer dans la quatrieme d par le point
que vous voyez au-dessous du si de cette seconde ligne.
Rien n'est plus aise que de trouver cette
lettre correspondante à la derniere note d'une ligne , & en voici la
méthode.
Comptez tous les points qui sont au-dessus
des notes de cette ligne: comptez aussi ceux qui sont au-dessous, s'ils sont
égaux en nombre avec les premiers, c'est une preuve que derniere note de la
ligne est dans la même octave que la premiere , & c'est le cas du premier
exemple de la page précédaient, ou après avoir trouve trois points dessus &
autant dessous, vous concluez qu'ils se détruisent les uns les autres , &
que par conséquent la derniere note fa de la ligne est de la même octave d
que la premiere note ut de la même ligne, ce qui est toujours vrai de
quelque maniere que les points soient ranges, pourvu qu'il y en ait autant
dessus que dessous.
S'ils ne sont pas égaux en nombre , prenez
leur différence : comptez depuis la lettre qui est au commencement de la
ligne & reculez d'autant de lettres vers l'à , si l'excès est au-dessous ;
ou s'il est au-dessus, avancez au contraire d'autant de lettres dans
l'Alphabet, que cette différence contient d'unités, & vous aurez exactement
la lettre correspondante à la derniere note.
Dans la premiere ligne de cet exemple , qui
commence à l'étage c , vous avez deux points au-dessous & quatre au-dessus,
par conséquent deux d'excès , pour lesquels il faut ajouter à la lettre c
autant de lettres, suivant l'ordre de l'Alphabet, & vous aurez la lettre e
correspondante à la derniere note de la même ligne.
Dans la seconde ligne vous avez au contraire
un point d'excès au-dessous, c'est-a-dire qu'il faut depuis la lettre e, qui
est au commencement de la ligne , reculer d'une lettre vers l'à , & vous
aurez d pour la lettre correspondante à la derniere note de la seconde
ligne.
Il faut de même observer de mettre la lettre
de l'octave après chaque premiere & derniere note des reprises & des
rondeaux, afin qu'en partant de-la on sache toujours surement si l'on doit
monter ou descendre , pour reprendre ou pour recommencer. Tout cela
s'éclaircira mieux par l'exemple suivant dans lequel cette marque § est un
signe de reprise.
La lettre b que vous voyez après la derniere
note de la premiere partie , vous apprend qu'il faut monter d'une sixte pour
revenir au mi du commencement, puisqu'il est de l'octave supérieure c, & la
lettre c que vous voyez également après la premiere & la derniere note de la
seconde partie , vous apprend qu'elles sont toutes deux de la même octave, &
qu'il faut par conséquent monter d'une quinte , pour revenir de la finale à
la reprise.
Ces observations sont fort simples & fort
aisées à retenir. Il saut avouer cependant que la méthode des points à
quelques avantages de moins que celle de la position d'étage en étage que
j'ai enseignée la premiere, & qui n'à jamais besoin de toutes ces
différences de lettres: l'une & l'autre ont pourtant leur commodité, & comme
elles s'apprennent par les mêmes regles & qu'on peut les savoir toutes deux
ensemble, avec la même facilite qu'on à pour en apprendre une séparément, on
les pratiquera chacune dans les occasions ou elle paroîtra plus convenable.
Par exemple, rien ne sera si commode que la méthode des points pour ajouter
l'air à des paroles déjà écrites, pour noter des petits airs, des morceaux
détaches , & ceux qu'on veut envoyer en Province , & en général pour la
Musique vocale. D'un autre côté la méthode de position servira pour les
partitions & les grandes pieces de Musique , pour la Musique instrumentale ,
& sur-tout pour commencer les Ecoliers, parce que la mécanique en est encore
plus sensible que de l'autre maniere, & qu'en partant de celle-ci déjà
connue, l'autre se conçoit du premier instant . Les compositeurs s'en
serviront aussi par préférence à cause de la distinction oculaire des
différentes octaves. Ils sentiront en la pratiquant toute l'étendue de ses
avantages, que j'ose dire tels pour l'évidence de l'harmonie, que, quand ma
méthode n'auroit nul cours dans la pratique, il n'est point de Compositeur
qui ne dût l'employer pour son usage particulier & pour l'instruction de ses
élevés.
Voilà ce que j'avois à dire sur la premiere
partie de mon systême qui regarde l'expression des sons; passons à la
seconde qui traite de leurs durées.
L'article dont je viens de parler n'est pas,
à beaucoup près aussi difficile que celui-ci, du moins dans la pratique qui
n'admet qu'un certain nombre de sons, dont les rapports sont fixés, &
a-peu-près les mêmes dans tous les tons, au lieu que les différences qu'on
peut introduire dans leurs durées peuvent varier presque à l'infini.
Il y à beaucoup d'apparence que
l'établissement de la quantité dans la Musique à d'abord été relatif à celle
du langage, c'est-a-dire , qu'on faisoit passer plus vite les sons par
lesquels on exprimoit les syllabes brèves, & durer un peu plus long-tems
ceux qu'on adaptoit aux longues. On poussa bientôt les choses plus loin, &
l'on établit à l'imitation de la Poésie une certaine régularité dans la
durée des sons, par laquelle on les assujettissoit à des retours uniformes
qu'on s'avisa de mesurer par des mouvemens égaux de la main ou du pied, &
d'ou , à cause de ce la, ils prirent le nom de mesures. L'analogie est
visible à cet égard entre la Musique & la Poésie. Les vers sont relatifs aux
mesures, les pieds aux tems, & les syllabes aux notes. Ce n'est pas
assurément donner dans des absurdités, que de trouver des rapports aussi
naturels, pourvu qu'on n'aille pas, comme le P. Souhaitti, appliquer à l'une
les signes de l'autre , & à cause de ce qu'elles ont de semblable, confondre
ce qu'elles ont de différent.
Ce n'est pas ici le lieu d'examiner en
Physicien d'ou naît cette égalité merveilleuse que nous éprouvons dans nos
mouvemens, quand nous battons la mesure; pas un tems qui passe l'autre; pas
la moindre différence dans leur durée successive, sans que nous ayons
d'autre regle que notre oreille pour la déterminer: il y à lieu de
conjecturer qu'un effet aussi singulier part du même principe qui nous fait
entonner naturellement toutes les consonnances. Quoi qu'il en soit, il est
clair que nous avons un sentiment sur pour juger du rapport mouvemens, tout
comme de celui des sons, & des organes toujours prêts à exprimer les uns &
les autres , selon les mêmes rapports, & il me suffit, pour ce que j'ai à
dire , de remarquer le fait sans en rechercher la cause.
Les Musiciens sont de grandes distinctions
dans ces mouvemens , non-seulement quant aux divers degrés de vitesse qu'ils
peuvent avoir, mais aussi, quant au genre même de la mesure , & tout cela
n'est qu'une suite du mauvais principe par lequel ils ont fixe les
différentes durées des sons: car pour trouver le rapport des uns aux autres,
il à fallu établir un terme de comparaison, & il leur à plu de choisir pour
ce terme une certaine quantité de durée qu'ils ont déterminée par une
figurer ronde; ils ont ensuite imagine des notes de plusieurs autres
figures, dont la valeur est fixée, par rapport à cette ronde , en proportion
sous-double. Cette division seroit assez supportable, quoi qu'il s'en faille
de beaucoup qu'elle n'ait l'universalité nécessaire, si le terme de
comparaison , c'est-a-dire , si la durée de la ronde etoit quelque chose
d'un peu moins vague : mais la ronde va tantôt plus vite, tantôt plus
lentement, suivant le mouvement de la mesure ou l'on l'emploie , & l'on ne
doit se flatter de donner quelque chose de plus précis en disant qu'une
ronde est toujours l'expression de la durée d'une mesure à quatre,
puisqu'outre que la durée même de cette mesure n'à rien de déterminé , on
voit communément en Italie, des mesures à quatre & à deux contenir deux de
quelquefois quatre rondes.
C'est pourtant ce qu'on suppose dans les
chiffres des mesures doubles ; le chiffre inférieur marque le nombre de
notes d'une certaine valeur contenues dans une mesure à quatre tems , & le
chiffre supérieur marque combien il faut de ces mêmes notes pour remplir une
mesure de l'air que l'on va noter : mais pourquoi ce rapport de tant de
différentes mesures à celle de quatre tems qui leur est si peu semblable, ou
pourquoi ce rapport de tant de différentes notes à une ronde dont la durée
est si peu déterminée ?
On diroit que les inventeurs de la Musique
ont pris à tache de faire tout le contraire de ce qu'il falloit: d'un cote,
ils ont négligé la distinction du son fondamental, indique par la nature , &
si nécessaire pour servir de terme commun au rapport de tous les autres; &
de l'autre, ils ont voulu établi une durée absolue & fondamentale, sans
pouvoir en déterminer la valeur.
Faut-il s'étonner si l'erreur du principe à
tant cause de défauts dans les conséquences ; défauts essentiels à la
pratique & tous propres à retarder long-tems les progrès des écoliers.
Les Musiciens reconnoissent au moins quatorze
mesures différentes, dont voici les signes. 2 , 3, c ,
3/2, 2/4, 3/4, 6/4, 9/4, 12/4, 3/8, 6/8, 9/8,
12/8, 3/16, 6/16, 3/2.
On si ces signes sont institues pour
déterminer autant de mouvemens différens en espece , il y en à beaucoup
trop, & s'ils le sont, outre ce la, pour exprimer les différens degré de
vitesse de ces mouvemens, il n'y en à pas assez. D'ailleurs , pourquoi se
tourmenter si sort pour établir des signes qui ne servent à rien,
puisqu'indépendamment du genre de la mesure, on est presque toujours
contraint d'ajouter un mot au commencement de l'air, qui déterminé l'espece
& degré du mouvement.
Cependant , on ne sauroit contester que la
diversité de ces mesures ne brouille les commençans, pendant un tems infini
, & qui tout cela ne naisse de la fantaisie qu'on à de les vouloir rapporter
à la mesure à quatre tems, ou d'en vouloir rapporter les notes à la valeur
de la ronde.
Donner aux mouvemens & aux notes des rapports
entièrement étrangers à la mesure ou l'on les emploie, c'est proprement leur
donner des valeurs absolues, en conservant l'embarras des relations ; aussi
voit-on suivre de-la des équivoques terribles qui sont autant de pièges à la
précision de la Musique & au goût du Musicien. En effet, n'est-il pas
évident qu'en déterminant la durée des rondes, blanches, noires, croches ,
&c. non par la qualité de la mesure ou elles se rencontrent , mais par celle
de la note même, vous trouvez à tout moment la relation en opposition avec
le sens propre. De-la vient , par exemple , qu'une blanche dans une certaine
mesure, passera beaucoup plus vite qu'une noire dans une autre, laquelle
noire ne vaut cependant que la moitie de cette blanche, & de-la vient encore
que les Musiciens de Province , trompes par ces faux rapports, donnent
souvent aux airs des mouvemens tout différens de ce qu'ils doivent être , en
s'attachant scrupuleusement à cette fausse relation, tandis qu'il faudra
quelquefois passer une mesure à trois tems simples plus vite qu'une autre à
trois huit , ce qui dépend du caprice des Compositeurs , & dont les Opéra
présentent des exemples à chaque instant.
Il y auroit sur ce point bien d'autres
remarques à faire auxquelles je ne m'arrêterai pas. Quand on à imagine, par
exemple, la division sous-double des notes ,telle qu'elle est établie ,
apparemment qu'on n'à pas prévu tous les cas, ou bien l'on n'à pu les
embrasser tous dans une regle générale ; ainsi , quand il est question de
faire la division d'une note ou d'un tems en trois-parties égales, dans une
mesure à deux , à trois, ou à quatre, il faut nécessairement que le Musicien
le devine, ou bien qu'on l'en avertisse par un signe étranger qui fait
exception à la regle.
C'est en examinant les progrès de la Musique
que nous pourrons trouver le remede à ces défauts. Il y à deux cents ans que
cet Art etoit encore extrêmement grossier. Les rondes & les blanches etoient
presque les seules notes qui y fussent employées, & l'on ne regardoit une
croche qu'avec frayeur . Une Musique aussi simple n'amenoit pas de grandes
dans la pratique, & cela faisoit qu'on ne prenoit pas non plus grand soin
pour lui donner de la précision dans signes; on négligeoit la séparation des
mesures, & l'on se contentoit de les exprimer par la figure des notes. à
mesure que l'Art se perfectionna & que les difficultés augmenterez , on
s'apperçut de l'embarras qu'il y avoit , dans une grande diversité de notes,
de faire la distinction des mesures, & l'on commença à les séparer par des
lignes perpendiculaires; on se mit ensuite à lier les croches pour faciliter
les tems , & l'on s'en trouva si bien, que, depuis lors, les caracteres de
la Musique sont toujours restes a-peu-près dans le même état.
Une partie des inconvéniens subsiste pourtant
encore , la distinction des tems n'est pas toujours trop bien observée dans
la Musique instrumentale, & n'à point lieu du tout dans le vocal : il arrive
de-la qu'au milieu d'une grande mesure , l'Ecolier ne sait ou il en est,
sur-tout lorsqu'il trouve une quantité de croches & de doubles croches
détachées dont il faut qu'il fasse lui-même la distribution.
Une réflexion toute simple sur l'usage des
lignes perpendiculaires pour la séparation des mesures, nous fournira un
moyen assure d'anéantir ces inconvéniens. Toutes les notes qui sont
renfermées entre deux de ces lignes dont je viens de parler , sont justement
la valeur d'une mesure : qu'elles soient en grande ou petite quantité, cela
n'intéresse en rien la durée de cette mesure qui est toujours la même ;
seulement se divise-t-elle en parties égales ou inégales, selon la valeur &
le nombre des notes qu'elle renferme: mais enfin sans connoître précisément
le nombre de ces notes ni la valeur de chacune d'elles , on fait
certainement qu'elles forment toutes ensemble une durée égale à celle de la
mesure ou elles se trouvant .
Séparons les tems par des virgules comme nous
séparons les mesures par des lignes , & raisonnons sur chacun de ces tems de
la même maniere que nous raisonnons sur chaque mesure : nous aurons un
principe universel pour la durée & la quantité des notes, qui nous
dispensera d'inventer de nouveaux signes pour la déterminer, & qui nous
mettra à portée de diminuer de beaucoup le nombre des différentes mesures
usitées dans la Musique, sans rien ôter à la variété des mouvemens .
Quand une note seule est renfermée entre les
deux lignes d'une mesure , c'est un signe que cette note remplit tous les
tems de cette mesure & doit durer autant qu'elle : dans ce cas, la
séparation des tems seroit inutile, on n'à qu'à soutenir le même son pendant
toute la mesure. Quand la mesure est divisée en autant de notes égales
qu'elle contient de tems, on pourroit encore se dispenser de les séparer ,
chaque note marque un tems, & chaque tems est rempli par une note; mais dans
le cas que la mesure soit chargée de notes d'inégales valeurs, alors il faut
nécessairement pratiquer la séparation des tems par des virgules , & nous la
pratiquerons même dans le cas précédent, pour conserver dans nos signes la
plus parfaite uniformité .
Chaque tems compris entre deux virgules, ou
entre une virgule & une ligne perpendiculaire , renferme une note ou
plusieurs. S'il ne contient qu'une note , on conçoit qu'elle remplit tout ce
tems-là , rien n'est si simple : s'il en renferme plusieurs , la chose n'est
pas plus difficile ; divisez ce tems en autant de parties égales qu'il
comprend de notes : appliques chacune de ces parties à chacune de ces notes,
& passez les de sorte que tous les tems soient égaux.
. . .
.
On voit dans les exemples précédens que je
conserve les cadences & les liaisons comme dans la Musique ordinaire, & que
pour distinguer le chiffre qui marque la mesure d'avec ceux des notes, j'ai
soin de le faire plus grand & de l'en séparer une double ligne
perpendiculaire.
Avant que d'entrer dans un plus grand détail
sur cette méthode, remarquons d'abord combien elle simplifie la pratique de
la mesure en anéantissant tout d'un coup toutes les mesures doubles ; car,
comme la division des notes est prise uniquement dans la valeur des tems &
de la mesure ou elles se trouvent, il est évident que ces notes n'ont plus
besoin. d'être comparées à aucune valeur extérieure pour fixer la leur ;
ainsi la mesure étant uniquement déterminée par le nombre de ses tems, on la
peut très-bien réduire à deux especes; savoir, mesure à deux & mesure à
trois. à l'égard de la mesure à quatre, tout le monde convient qu'elle n'est
que l'assemblage de deux mesures à deux tems : elle est traite comme telle
dans la composition, & l'on peut compter que ceux qui pretendroient lui
trouver quelque propriété particuliere, s'en rapporteroient bien plus à
leurs yeux qu'à leurs oreilles.
Que le nombre des tems d'une mesure naturelle
, sensible & agréable à l'oreille , soit borne à trois , c'est un fait
d'expérience que toutes les spéculations du monde ne détruisent pas , on
auroit beau chercher de subtiles analogies entre le tems de la mesure & les
harmoniques d'un son , on trouveroit aussi - tôt une sixieme consonnance
dans l'harmonie, qu'un mouvement à cinq tems dans la mesure , & quelle qu'en
puisse être la raison , il est incontestable que le plaisir de l'oreille , &
même sa sensibilité à la mesure , ne s'étend pas plus loin.
Tenons-nous en donc à ces deux genres de
mesures, à deux & à trois tems : chacun des tems de l'une & de l'autre
peuvent de même être partages en deux ou en trois parties égales, &
quelquefois en quatre, six, huit, &c. par des sub-divisions de celle-ci,
mais jamais par d'autres nombres qui ne seroient pas multiples de deux ou de
trois.
Or , qu'une mesure soit à deux ou à trois
tems , & que division de chacun de ses tems soit en deux ou en trois parties
égales , ma méthode est toujours générale , & exprime tout avec la même
facilite. On l'à déjà pu voir par le dernier exemple précédent, & l'on le
verra encore par celui-ci, dans lequel chaque tems d'une mesure à deux,
partagé en trois parties égales, exprime le mouvement de six huit dans la
Musique ordinaire.
Les notes, dont deux égales rempliront un
tems, s'appelleront des demis ; celles dont il en faudra trois, des tiers;
celles dont il en faudra quatre, des quarts, &c.
Mais lorsqu'un tems se trouve partage , de
sorte que toutes les notes n'y sont pas d'égale valeur : pour représenter,
par exemple , dans un seul tems une noire & deux croches , je considere ce
tems comme divise en deux parties égales, dont la noire fait la premiere, &
les deux croches ensemble , la seconde ; je les lie donc par une ligne
droite que je place au-dessus ou au-dessous d'elles , & cette ligne marque
que tout ce qu'elle embrasse ne représente qu'une seule note , laquelle doit
être subdivisée ensuite en deux parties égales , ou en trois , ou en quatre
, suivant le nombre des chiffres qu'elle couvre.
La virgule qui se trouve avant la premiere
note dans les deux exemples précédens, désigne la fin du premier tems, &
marque que le chant commence par le second.
Quand il se trouve dans un même tems des
subdivisions d'inégalités, on peut alors se servir d'une seconde liaison ;
par exemple, pour exprimer un tems composé d'une noire, d'une croche & de
deux doubles-croches, on s'y prendroit ainsi,
Vous voyez-là que le second tems de la
premiere mesure contient deux parties égales, équivalentes deux noires,
savoir, le 5 pour l'une, & pour l'autre la somme des trois notes 121 qui
sont sous la grande liaison ; ces trois notes sont subdivises en deux autres
parties égales , équivalentes à deux croches dont l'une est le premier 1 , &
l'autre les deux notes 2 & 1 jointes par la seconde liaison, lesquelles sont
ainsi chacune le quart de la valeur comprise sous la grande liaison & le
huitième du tems entier.
En général; pour exprimer régulièrement la
valeur des notes, il faut s'attacher à la division de chaque tems par
parties égales, ce qu'on peut toujours faire par la méthode je viens
d'enseigner, en y ajoutant l'usage du point dont je parlerai tout l'heure,
sans qu'il soit possible d'être arrête aucune exception. Il ne sera même
jamais nécessaire, quelque bizarre que puisse être une Musique, de mettre
plus de deux liaisons sur aucune de ses notes, ni d'en accompagner de plus
de deux points, à moins qu'on ne voulut imaginer dans grandes inégalités de
valeurs es quintuples & des sextuples croches, dont la rapidité comparée
n'est nullement à la porte des voix ni des instrumens, & dont à peine
trouverroit-on d'exemple dans la plus grande débauche de cerveau nos
Compositeurs.
A l'égard des tenues & des syncopes, je puis
comme dans la Musique ordinaire les exprimer avec des notes lies ensemble,
par une ligne courbe que nous appellerons liaison de tenue au chapeau, pour
la distinguer de la liaison de valeur dont je viens de parler & qui se
marque par une ligne droite. Je puis aussi employer le point au même usage
en lui donnant un sens plus universel & bien plus commode que dans la
Musique ordinaire. Car au lieu de lui valoir toujours la moitié de la note
qui le précede , ce qui ne fait qu'un cas particulier, je lui donne de même
qu'aux notes une valeur déterminée uniquement par la place qu'il occupe,
c'est-a-dire, que si le point remplit seul un tems ou une mesure, le son qui
à précédé doit être aussi soutenu pendant tout ce tems ou toute cette
mesure, & si le point se trouve dans un tems avec d'autres notes , il fait
nombre aussi bien qu'elles & doit être compte pour un tiers ou pour un
quart, suivant la quantité de notes que renferme ce tems-là en y comprenant
le point : en un mot, le point vaut autant, ou plus, ou moins, que la note
qui l'à précédé , & dont il marque la tenue suivant la place qu'il occupe
dans je tems ou il est employé .
Au reste, il n'est pas craindre, comme on le
voit par cet exemple, que ces points se confondent jamais avec ceux qui
servent changer d'octaves, ils en sont trop bien distingues par leur
position pour avoir besoin de l'être par leur figure. C'est pourquoi j'ai
négligé de le faire, évitant avec soin de me servir de signes
extraordinaires qui distrairoient l'attention sans exprimer rien de plus que
la simplicité des miens.
A l'égard du degré de mouvement, s'il n'est
pas déterminé par les caracteres de ma méthode, il est aise d'y suppléer par
un mot mis au commencement de l'air, & l'on peut d'autant moins tirer de-la
un argument contre mon système , que la Musique ordinaire à besoin du même
secours ; vous avez, par exemple , dans la mesure à trois tems simples, cinq
ou six mouvemens très-differens les uns des autres , & tous exprimes par une
noire à chaque tems; ce n'est donc pas la qualité des notes qu'on emploie
qui sert déterminer le mouvement, & s'il se trouve des maîtres négligens qui
s'en fient sur ce sujet au caractere de leur Musique & au goût de ceux qui
la liront, leur constance se trouve si souvent punie par les mauvais
mouvemens qu'on donne leurs airs , qu'ils doivent assez sentir combien il
est nécessaire d'avoir cet égard des indications plus précises que la
qualité des notes.
L'imperfection grossiere de la Musique sur
l'article dont nous parlons, seroit sensible pour quiconque auroit des yeux
: mais les Musiciens ne la voient point, & j'ose prédire hardiment qu'ils ne
verront jamais rien de tout ce qui pourroit tendre à corriger les défauts de
leur Art. Elle n'avoit pas échappe à M. Sauveur, & il n'est pas nécessaire
de méditer sur la Musique autant qu'il l'avoit fait, pour sentir combien il
seroit important de ne pas laisser aux mouvemens des différentes mesures une
expression si vague, & de n'en pas abandonner la détermination des goûts
souvent si mauvais.
Le système singulier qu'il avoit propose ; &
en général tout ce qu'il à donne sur l’Acoustique, quoiqu'assez, chimérique
selon ses vues, ne laissoit pas de renfermer d'excellentes choses qu'on
auroit bien su mettre à profit dans tout autre Art. Rien n'auroit été plus
avantageux, par exemple , que l'usage de son Echométre général, pour
déterminer précisément la durée des mesures & des tems , & ce la, par la
pratique du monde la plus aisée, il n'auroit été question que de fixer sur
une mesure connue, la longueur du pendule simple, qui auroit fait un tel
nombre juste de vibrations pendant un tems, ou une mesure d'un mouvement de
telle espece. Un seul chiffre mis au commencement d'un air auroit exprime
tout ce la, & par son moyen on auroit pu déterminer le mouvement avec autant
de précision que l'Auteur même. Le pendule n'auroit été nécessaire que pour
prendre une fois l'idée de chaque mouvement : après quoi, cette idée tant
réveille dans d'autres airs par les mêmes chiffres qui l'auroient fait
naître, & par les airs mêmes qu'on y auroit déjà chantes, une habitude
assurer, acquise par une pratique aussi exacte, auroit bientôt tenu lieu de
regle, & rendu le pendule inutile.
Mais ces avantages mêmes qui devenoient de
vrais inconvéniens par la facilite qu'ils auroient donne aux commençans de
se passer de Maîtres & de se former le goût par eux-mêmes, ont peut-être été
cause que le projet n'à point été admis dans la pratique ; il semble que si
l'on proposoit de rendre l'Art plus difficile, il y auroit des raisons pour
être plutôt écoute.
Quoi qu'il en soit, en attendant que
l'approbation du Public me mette en droit de m'étendre davantage sur les
moyen qu'il y au oit prendre pour faciliter l'intelligence des mouvemens, de
même que celle de bien d'autres parties de la Musique , sur lesquelles j'ai
des remarques proposer, je puis me borner ici aux expressions de la méthode
ordinaire ; qui par des mots mis au commencement de chaque air en indiquent
assez bien le mouvement. Ces mots, bien choisis, doivent je crois,
dédommager & au de-la de ces doubles chiffres & de toutes ces différentes
mesures qui, malgré leur nombre, laissent le mouvement indéterminé &
n'apprennent rien, aux écoliers ; ainsi, en adoptant seulement le 2 & le 3
pour les signes de la mesure, j'ôte la confusion des caracteres sans altérer
la variété de l’expression.
Revenons à notre projet. On sait combien de
figures étranges sont employées dans la Musique pour exprimer les silences ;
il y en à autant que d différentes valeurs , & par conséquent , autant que
de figures différentes dans les notes relatives : on est même contraint de
les employer à proportion en plus grande quantité , parce qu'il n'à pas plu
à leurs inventeurs d'admettre le point après les silences de la même maniere
& au même usage qu'après les notes, & qu'ils ont mieux aime multiplier des
soupirs, des demi - soupirs, des quarts-de-soupir à la file les uns des
autres, que d'établir entre des signes relatifs une analogie si naturelle.
Mais comme dans ma méthode il n'est point
nécessaire de donner des figures particulieres aux notes pour en déterminer
la valeur, on y est aussi dispense de la même précaution pour les silences,
& un seul signe suffit pour les exprimer tous sans confusion & sans
équivoque. Il paroit assez indifférent dans cette unité de figure de choisir
tel caractere qu'on voudra pour l'employer cet usage. Le zéro à cependant
quelque chose de si convenable à cet effet, tant par l'idée de privation
qu'il porte communément avec lui, que par sa qualité de chiffre, & sur-tout
par la simplicité de sa figure, que j'ai cru devoir le préférer. Je l'employerai
donc de la même maniere & dans le même sens par rapport à la valeur, que les
notes ordinaires , c'est-a-dire, que les chiffres 1 , 2 , 3 , &c. & les
regles que j'ai établies l'égard des notes étant toutes applicables à leurs
silences relatifs, il s'ensuit que le zéro par sa seule position & par les
points qui le peuvent suivre , lesquels alors exprimeront des silences ,
suffit seul pour remplacer toutes les pauses, soupirs, demi-soupirs , &
autres signes bizarres & superflus qui remplissent la Musique ordinaire.
Les chiffres 4 & 2 places ici sur des zéro
marquent le nombre de mesures que l'on doit passer en silence.
Tels sont les principes généraux d'ou
découlent les regles pour toutes sortes d'expressions imaginables, sans
qu'il puisse naître cet égard aucune difficulté qui n'ait été prévue, & qui
ne soit résolue en conséquence de quelqu'un de ces principes.
Je finirai par quelques observations qui
naissent du parallele des deux systèmes.
Les notes de la Musique ordinaire sont-elles
plus ou moins avantageuses que les chiffres qu'on leur substitue? C'est
proprement le fond de la question.
Il est clair, d'abord, que les notes varient
plus par leur seule position, que mes chiffres par leur figure & par leur
position tout ensemble; qu'outre ce la, il y en à de sept figures
différentes, autant que j'admets de chiffres pour les exprimer; que les
notes n'ont de signification & de force que par le secours de la clef : &
que les variations des clefs donnent un grand nombre de sens tout différens
aux notes posées de la même maniere.
Il n'est pas moins évident que les rapports
des notes & les intervalles de l'une à l'autre n'ont rien dans leur
expression par la Musique ordinaire qui en indique le genre, & qu'ils sont
exprimes par des positions difficiles à retenir & dont la connoissance
dépend uniquement de l'habitude & d'une très-longue habitude : car quelle
prise peut avoir l'esprit pour saisir juste & du premier coup-d'oeil un
intervalle de sixte, de neuvieme, de dixième dans la Musique ordinaire ,
moins que la coutume n'ait familiarise les yeux à lire tout l'un coup ces
intervalles?
N’est- ce pas un défaut terrible dans la
Musique de ne pouvoir rien conserver, dans l'expression des octaves, de
l'analogie qu'elles ont entre elles? Les octaves ne sont que les répliques
des mêmes sons ; cependant ces répliques se présentent sous des expressions
absolument différentes de celles de leur premier terme. Tout est brouille
dans la position à la distance d'une seule octave la replique d'une note qui
etoit sur une ligne se trouve dans un espace, celle qui etoit dans le espace
à sa replique sur une ligne; montez-vous ou descendez-vous de deux octaves?
Autre différence toute contraire à la premiere : alors les répliques sont
places sur des lignes ou dans des espaces comme leurs premiers termes :
ainsi la difficulté augmente en changeant d'objets, & l'on n'est jamais
assure de connoître au juste l'espece d'un intervalle traverse par un si
grand nombre de lignes ; de sorte qu'il faut se faire d'octave en octave des
regles particulieres qui ne finissent point, & qui sont de l'étude des
intervalles; le terme effrayant & très-rarement atteint de la science du
Musicien.
De-la cet autre défaut presque aussi nuisible
, de ne pouvoir distinguer l'intervalle simple dans l'intervalle redouble ;
vous voyez une note posée entre la premiere & la seconde ligne , & une autre
note posée sur la septieme ligne, pour connoître leur intervalle vous
décomptez de l'une l'autre , & après une longue & ennuyeuse opération., vous
trouvez une douzième ; or , comme on voit aisément qu'elle passe l'octave ,
il faut recommencer une seconde recherche pour s'assurer enfin que c'est une
quinte redouble , encore pour déterminer l'espece de cette quinte faut-il
bien faire attention aux signes de la clef, qui peuvent la rendre juste ou
fausse suivant leur nombre & leur position .
Je sais que les Musiciens se sont communément
se sont communément des regles plus abrégées pour se faciliter l'habitude &
la connoissance des intervalles: mais ces regles mêmes prouvent le défaut
des signes, en ce qu'il faut toujours compter les lignes des yeux & en ce
qu'on est contraint de fixer son imagination d'octave en octave pour sauter
de-la l'intervalle suivant , ce qui s'appelle suppléer de génie au vice de
l'expression.
D’ailleurs, quand force de pratique on
viendroit à bout de lire aisément tous les genres d'intervalles, de quoi
vous servira cette connoissance, tant que vous n'aurez point de régler
assurée pour en distinguer l'espece ? Les tierces & les sixtes majores &
mineure, les quintes & les quartes diminuées & superflues , & en général
tous les intervalles de même nom , justes ou altères, sont exprimes par la
même position indépendamment de leur qualité , ce qui fait que suivant les
différentes situations des deux demi-tons de l'octave , qui changent de
place chaque ton & chaque clef, les intervalles changent aussi de qualité
sans changer de nom ni position , de-la l'incertitude sur l'intonation &
l'inutilité de l'habitude dans les cas ou elle seroit la plus nécessaire.
La méthode qu'on à adopte pour les
instrumens, est visiblement une dépendance de ces défauts, & le rapport
direct qu'il à fallu établir entre les touches de l'instrument & la position
des notes, n'est qu'un méchant pis-aller pour suppléer à la science des
intervalles & des relations toniques sans laquelle on ne sauroit jamais être
qu'un mauvais Musicien.
Quelle doit être la grande attention du
Musicien dans l'exécution ? C'est sans doute d'entrer dans l'esprit du
Compositeur, & de s'approprier ses idées pour les rendre avec toute la
fidélité qu'exige le goût de la Piece. Or, l'idée du Compositeur dans le
choix des sons, est toujours relative à le tonique, &, par exemple, il
n'employera point le fa dièse comme une telle touche du clavier, mais comme
faisant un tel accord, ou un tel intervalle avec sa fondamentale. Je dis
donc que si le Musicien considere les sons par les mêmes rapports , il sera
ses mêmes intervalles plus exacts , & exécutera avec plus de justesse qu'en
rendant seulement les sons les uns après les autres les autres , sans
liaison & sans dépendance que celle de la position des notes qui devant ses
yeux , & de ces foules de dièses & de bémols qu'il ait incessamment présens
à l'esprit ; bien entendu qu'il observera toujours les modifications
particulieres à chaque ton , qui sont, comme je l'ai déjà dit , l'effet du
tempérament , & dont la connoissance pratique , indépendante de tout système
, ne peut s'acquérir que par l'oreille & par l'habitude .
Quand on prend une fois un mauvais principe,
on s'enfile d'inconvéniens en inconvéniens, & souvent on voit évanouit les
avantages mêmes qu'on s'etoit propos. C'est ce qui arrive dans la pratique
de la Musique instrumentale; les difficultés s'y présentent en foule. la
quantité de positions différentes , de dièses , de bémols , de changemens de
clefs , y sont des obstacles éternels au progrès des Musiciens ; & après
tout cela, il faut encore perdre , la moitie du tems , cet avantage si vante
du rapport direct de la touche à la note , puisqu'il arrive cent fois par la
force des signes d'altération simples ou redoubles, que les mêmes notes
deviennent relatives à des touches toutes différentes de ce qu'elles
représentent , comme on l'à pu remarquer ci-devant.
Voulez-vous pour la commodité des voix,
transposer la piece un demi-ton, ou un ton plus haut ou plus bas :
voulez-vous présenter à ce Symphoniste de la Musique notée sur une clef
étrangère son instrument ? Le voilà embarrasse, & souvent arrête tout court,
si la Musique est un peu travaillée. Je crois, la vérité, que les grands
Musiciens ne seront pas dans le cas ; mais je crois aussi que les grands
Musiciens ne le sont pas devenus sans peine, & c'est cette peine qu'il
s'agit d'abréger. Parce qu'il ne sera pas tout-a-fait impossible d'arriver
la perfection par la route ordinaire, s'ensuit-il qu'il n'en soit point de
plus facile ?
Supposons que je veuille transposer &
exécuter en B fa si, une piece note en C sol ut à la clef de sol, sur la
premiere ligne: voici tout ce que j'ai faire ; je quitte l'idée de la clef
de sol, & je lui substitue celle de la clef d'ut, sur la troisieme ligne :
ensuite j'y ajoute les idées des cinq dièses poses , le premier sur le s\ fa
, le second sur l'ut , le troisieme sur le sol, le quatrieme sur le re, & le
cinquieme sur le la ; à tout cela joins enfin l'idée d'une octave au-dessus
de cette clef d'ut, & il faut que je retienne continuellement toute cette
complication d'idées pour l'appliquer chaque note , sans quoi me voilà tout
à tout instant hors de ton. Qu'on juge de la facilite de tout cela !
Les chiffres employés de la maniere que je le
propose, produisent des effets absolument différens. Leur force est en
eux-mêmes, & indépendante de tout autre signe. Leurs rapports sont connus
par la seule inspection , & sans que l'habitude ait y entrer pour rien ;
l'intervalle simple est toujours évident dans l'intervalle redouble : une
leçon d'un quart-d'heure doit mettre toute personne en état de solfier, ou
du moins de nommer les notes dans quelque Musique qu'on lui présente; un
autre quart-d'heure suffit pour lui apprendre à nommer de même & sans
hésiter, tout intervalle possible, ce qui dépend, comme je l'ai déjà dit, de
la connoissance distincte de trois intervalles , de leurs renversemens , &
réciproquement du renversement de ceux-ci, qui revient aux premiers. Or, il
me semble que l'habitude doit se former bien plus aisément quand l'esprit en
à fait la moitie de l’ouvrage, qu'il n'à lui-même plus rien à faire.
Non-seulement les intervalles sont connus par
leur genre dans mon système, mais ils le sont encore par leur espece. Les
tierces & les sixtes sont majeures ou mineures, vous en faites la
distinction sans pouvoir vous y tromper ; rien n'est si aise que de savoir
une fois que l'intervalle 24 est une tierce mineure ; l'intervalle 24, une
sixte majeure; l'intervalle 31 , une sixte mineure , l'intervalle 31 , une
tierce majeure , &c. les quartes & les tierces, les secondes, les quintes &
les septièmes , justes, diminues ou superflues, ne coûtent pas plus à
connoître ; les signes accidentels embarrassent encore moins & l'intervalle
naturel étant connu , il est si facile déterminer ce même intervalle, altere
par un dièse ou par un bémol, par l'un & l'autre tout-a-la-fois , ou par
deux d'une même espece , que ce seroit prolonger le discours inutilement que
d'entrer dans ce détail.
Appliquez ma méthode aux instrumens, les
avantages en seront frappans. Il n'est question que d'apprendre à former les
sept sons de la gamme naturelle, & leurs différentes octaves sur un ut
fondamental, pris successivement sur les douze cordes *[*Je dis, les douze
cordes, pour n'omettre aucune des difficultés possibles, puisqu'on pourroit
se contenter des sept cordes naturelles, & qu'il est rare qu'on établisse la
fondamentale d'un ton sur un des cinq sons altères, excepte, peut-être, le
si bémol. Il est vrai qu'on y parvient assez fréquemment par la suite de la
modulation : mais alors, quoiqu'on ait change de ton, la même fondamentale
subsiste toujours, & le changement est amené par des altérations
particulieres.] de l'échelle ; ou plutôt, il n'est question que de savoir
sur un son donne, trouver une quinte, une quarte, un tierce majeure, &c. &
les octaves de tout cela, c'est-a-dire, de posséder les connoissances qui
doivent être le moins ignorées des Musiciens, dans quelque système que ce
soit. Après ces préliminaires si faciles à acquérir, & si propres à former
l’oreille, quelques mois donnes à l'habitude de la mesure, mettent tout d'un
coup l'Ecolier en état d'exécuter à livre ouvert : mais d'une exécution
incomparablement plus intelligente genre & plus sure que celle de nos
Symphonistes ordinaires. Toutes les clefs lui seront également familières ;
tous les tons auront pour lui la même facilite, & s'il s'y trouve quelque
différence, elle ne dépendra jamais que de la difficulté particuliere de
l'instrument, & non d'une confusion de dièses, de bémols & de positions
différentes, si fâcheuses pour les commençans.
Ajoutez à cela une connoissance parfaite des
tons & de toute la modulation, suite nécessaire des principes de ma méthode
; & sur-tout l'universalité des signes, qui rend avec les mêmes notes les
mêmes airs dans tous les tons par le changement d'un seul caractere ; d'ou
résulte une facilite de transposer un air en tout autre ton, égale celle à
de l'exécuter dans celui ou il est note ; voilà ce que saura en très-peu de
tems un Symphoniste forme par ma méthode. Toute jeune personne avec les
talens & les dispositions ordinaires, & qui ne connoîtroit pas une note de
Musique, doit, conduite par ma méthode, être en état d'accompagner du
Clavecin, à livre ouvert, toute Musique qui ne passera pas en difficulté
celle de nos Opéra, au bout de huit mois, & au bout de dix de celle de nos
Cantates.
Or, si dans un si court espace on peut
enseigner à la fois assez de Musique & d'accompagnement pour exécuter à
livre ouvert, plus forte raison un Maître de Flûte ou de Violon, qui n'aura
que la note à joindre à la pratique de l'instrument, pourra-t-il former un
Eleve dans le même tems par les mêmes principes.
Je ne dis rien du Chant en particulier, parce
qu'il ne me paroit pas possible de disputer la supériorité de mon système à
cet égard, & que j'ai sur ce point des exemples à donner plus forts & plus
convaincans que tous les raisonnemens.
Après tous les avantages dont je viens de
parler, il est permis de compter pour quelque chose le peu de volume
qu'occupent mes caracteres , compare à la diffusion de l'autre Musique, & la
facilite de noter sans tout cet embarras de papier raye, ou les cinq lignes
de la portée ne suffisant presque jamais, il en faut ajouter d'autres à tout
moment , qui se rencontrent quelquefois avec les portées voisines ou se
mêlent avec les paroles, & causent une confusion à laquelle Musique ne sera
jamais exposée. Sans vouloir en établir le prix sur cet avantage, il ne
laisse pas cependant d'avoir une influence à mériter de l'attention ;
combien sera-t-il commode d'entretenir des correspondances de Musique, sans
augmenter le volume des lettres ? Quel embarras n'évitera-t-on point dans
les Symphonies & dans les Partitions de tourner la feuille à tout moment ?
Et quelle ressource d'amusement n'aura-t-on pas de pouvoir porter sur soi
des livres & des recueils de Musique, comme on en porte de Belles-lettres
sans se ; surcharger par un poids ou par un volume embarrassant, & d'avoir,
par exemple, à l'Opéra un extrait de la Musique joint aux paroles, presque
sans augmenter le prix la grosseur du livre? Ces considérations ne sont pas,
je l'avoue, d'une grande importance, aussi ne les donne-je que comme des
accessoires; ce n'est, au reste, qu'un tissu de semblables bagatelles qui
fait les agrémens d la vie humaine, & rien ne seroit si misérable qu’elle,
si l'on n'avoit jamais fait d'attention aux petits objets.
Je finirai mes remarques sur cet article, en
concluant qu'ayant retranche tout-d'un-coup par mes caracteres les soixante
& dix combinaisons que la différente position des clefs & des accidens
produit dans la Musique ordinaire; ayant établi un signe invariable &
constant pour chaque son de l'octave dans tous les tons ; ayant établi de
même une position très-simple pour les différentes octaves ; ayant fixé
toute l'expression des sons par les intervalles propres au ton ou l'on est;
ayant conservé aux yeux la facilité de découvrir du premier regard si les
sons montent ou descendent ; ayant fixé le degré de ce progrès avec une
évidence que n'à point la Musique ordinaire ; & enfin ayant abrégé de plus
des trois quarts, & le tems qu'il faut pour apprendre solfier, & le volume
des notes , il reste démontré que mes caracteres sont préférables à ceux de
la Musique ordinaire.
Une seconde question qui n'est gueres moins
intéressante que la premiere , est de savoir si la division des tems, que je
substitue à celle des notes qui les remplissent, est un principe général
plus simple & plus avantageux que toutes ces différences de noms & de
figures qu'on est contraint d'appliquer aux notes , conformément à la durée
qu'on leur veut donner .
Un moyen sûr pour décider ce le seroit
d'examiner à priori si la valeur des notes est faite pour régler la longueur
des tems, ou si ce n'est point, au contraire, par les tems mêmes de la
mesure que la durée des notes doit être fixée. Dans le premier cas, la
méthode ordinaire seroit incontestablement la meilleure, moins qu'on ne
regardât le retranchement de tant de figures comme une compensation
suffisant d'une erreur de principe, d'ou résulteroient de meilleurs effets.
Mais dans le second cas, si je rétablis également la cause & l'effet pris
jusqu'ici l'un pour l'autre, & que par-la , je simplifie les regles &
j'abrège la pratique, j'ai lieu d'espérer que cette partie de mon système ,
dans laquelle , au reste , on ne m'accusera d'avoir copie personne , ne
paroîtra pas moins avantageuse que la précédente.
Je renvoie à l'Ouvrage dont j'ai déjà parle,
bien des détails que je n'ai pu placer dans celui-ci. On y trouvera, outre
la nouvelle méthode d'accompagnement dont j'ai parle dans la Préface , un
moyen de reconnoître au premier coup-d'oeil les longues tirades de notes en
montant ou en descendant , afin de n'avoir besoin de faire attention qu'à la
premiere & à la derniere ; l'expression de certaines mesures syncopées qui
se trouvent quelquefois dans les mouvemens vifs à trois tems ; une table de
tous les mots propres à exprimer les différens degrés du mouvement; le moyen
de trouver d'abord la plus haute & la plus basse note d'un air & de prélude
en conséquence ; enfin, d'autres regles particulieres qui toutes ne sont
toujours que des développemens des principes que j'ai proposes ici; &
sur-tout, un système de conduite pour les maîtres qui enseigneront à
chanter, & à jouer des instrumens, bien différent dans la méthode & j'espere
dans le progrès de celui dont en se sert aujourd'hui.
Si donc aux avantages généraux de mon
système, si à tous ces retranchemens de signes & de combinaisons , si au
développement précis de la théorie , ou ajoute les utilités que ma méthode
présente pour la pratique ; ces embarras de lignes de portées tous
supprimes, la Musique rendue si courte à apprendre , si facile à noter ,
occupant si peu de volume , exigeant moins de frais pour l'impression , &
par conséquent , coûtant moins à acquérir; une correspondance plus parfaite
établie entre les différentes parties, sans que les sauts d'une clef à
l'autre soient plus difficiles que les mêmes intervalles pris sur la même
clef; les accords & le progrès de l'harmonie offerts avec une évidence à
laquelle les yeux ne peuvent se refuser; le ton nettement déterminé; toute
la suite de la modulation exprimée, & le chemin que l'on à suivi, & le point
ou l'on est arrive , & la distance ou l'on est du ton principal; mais
sur-tout l'extrême simplicité des principes, jointe à la facilite des regles
qui en découlent ; peut -être trouvera-t-on dans tout cela de quoi justifier
la confiance avec laquelle j'ose présenter ce projet au Public.

© Gallica / BNF
Table générale
de tous les tons et de toutes les clefs
Menuet de
Dardanus avec la notation proposée par Rousseau
Jean-Jacques Rousseau,
Dissertation sur la musique moderne
(1743), fac-similé de la Bibliothèque Nationale de France
[5,5 Mo]