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mise à jour 6 janvier 2014
| Chronique Concert Gossec, Thésée Chœur de chambre de Namur, Les Agrémens, dir. Guy van Waas
Les Agrémens © Jacques
Verrees
François-Joseph GOSSEC
Thésée
Tragédie-lyrique en quatre actes, sur un livret de Philippe Quinault
revu par Etienne Morel de Chédeville
Virginie Pochon Églée
Jennifer Borghi Médée Frédéric Antoun Thésée Tassis Christoyannis Égée Katia Velletaz Minerve Mélodie Ruvio Cléone Choeur de Chambre de Namur Les Agrémens Direction Guy Van Waas 12 novembre 2012, Opéra Royal du Château de Versailles.
"Ah ! Quel effroyable supplice !" (Eglé, III, 3)
Le Baron de Grimm, chroniqueur réputé de son temps, écrivait à propos de ce Thésée de Gossec qu' "on a dit que si les paroles de Quinault avaient été traitées fort légèrement par le poète qui les a marmontélisées, elles l'avaient été fort lourdement par le musicien". On ne saurait mieux dire et en dépit des efforts méritoires de Guy van Waas, et de sa lecture imposante et nerveuse, d'une rutilance martiale, accompagné d'un Chœur de chambre de Namur puissant et précis et des Agrémens très en verve, l'œuvre de 1782 peine à faire oublier l'équilibre et la complexité du précédent lullyste de 1675. Qu'on ne se méprenne pas, notre jugement ne repose pas - uniquement - sur un penchant immodéré pour le modèle original de ce genre typiquement français et sur l'envie de rallumer les feux d'une querelle des Anciens et des Modernes, mais également sur la comparaison du vocabulaire de Gossec vis-à-vis de ses contemporains. Ainsi on ne trouvera pas chez Gossec l'italianisme d'un Piccinni ou de Sacchini, la grâce mélodique d'un Jean-Chrétien Bach ou les joliesses de Grétry, ni le conservatisme d'un Dauvergne, compositeurs qui grâce à un étonnant renouveau voient soudain leurs opéras recréés depuis ces dernières années, notamment grâce à l'action du CMBV et du Palazzetto Bru Zane. Et le style que Gossec a adopté pour ce Thésée, d'un monolithisme héroïque de bout en bout, se révèle malheureusement à la fois trop pressé et insuffisamment varié. Trop pressé puisque le compositeur a choisi un déroulement très fluide, un peu gluckien, ne laissant jamais l'action s'appesantir - ou s'épanouir - que ce soit dans des airs ou des divertissements pourtant grandioses. Il en résulte une impression de course effrénée, et l'impossibilité de développer des climats, des affects ou de travailler en profondeur le portrait des personnages. Ainsi le livret revu par Marmontel est si résumé qu'il perd en naturel et en finesse, et déséquilibre la progression dramatique par la réduction des personnages secondaires Dorine et Arcas. Insuffisamment varié ensuite, car cette partition pompeuse, gorgée jusqu'à la trame de timbales et de cuivres, d'une verticalité indigeste, finit par lasser l'auditeur par son tumulte. On n'écoute toujours plus attentivement un murmure qu'un roulement de caisse...
Jennifer Borghi - DR
Ainsi, nous voici dans la délicate situation du chroniqueur peu convaincu, moins par l'interprétation que par le matériau même, quand bien même des audaces dans l'écriture, comme l'extrême imbrication des genres (air, récitatif, arioso, chœur entrecoupant un récit) est à louer, et confère une souplesse très moderne à l'ensemble, qui tourne définitivement le dos à l'opéra "à numéros". De la distribution se distingue le Thésée agile et virtuose de Frédéric Antoun, très à l'aise et doté d'une belle projection mais parfois un peu trop vériste ("Sans un charme puissant"), et la Princesse de Virginie Pochon, au timbre lumineux et au phrasé quasi-mozartien ("Ne verrai-je point paraître un si glorieux vainqueur"). En revanche, la Médée de Jennifer Borghi, quoique d'une remarquable justesse, se révèle d'abord trop en retrait pour son personnage impétueux, et ne parvient pas à incarner à la fois la magicienne sanguine et l'amante malheureuse. Trop appliquée dans l'amer "Doux repos, innocente paix" où elle fait preuve de graves aplatis, la soprano ne parvient pas à insuffler toute la furie de l'autre passage obligé le "Dépit mortel, transport jaloux". C'est à compter de la scène infernale, avec ses trombones glacés et son chœur redoutable que la criminelle héroïne semble trouver ses marques, et se délecter de la scène de torture de l'innocente Eglé avant un "Ah ! Faut-il me venger" superlatif.
De même, les ensembles sont particulièrement réussis, dénotant un urgence théâtrale très maîtrisée par un Guy van Waas soucieux d'imprimer un très fort dynamisme à l'œuvre, avec le choix de tempi soutenus. Le trio de l'acte III scène 6, entre Eglé, Médée et Thésée "Finissez vos regrets" rappelle ainsi certains finales mozartiens, tandis que le duo de l'acte IV scène 6 entre le monarque bienveillant de Tassis Christoyannis (très en verve pour un roi vieillissant) donne lieu dans son vif échange à une progression subtile.
Enfin, ce Thésée ne serait pas aussi tonitruant sans la participation altière des Agrémens, notamment le noyau de cordes et les cuivres, et le chœur, extrêmement sollicité qu'il s'agisse du grand divertissement martial du second acte (invention roborative de Marmontel), ou de la troupe des peuples ou des démons, sait faire preuve d'une implication protéiforme très raffinée. Un enregistrement discographique chez Ricercar permettra aux curieux qui n'auraient pas pu assister à la représentation ou à la retransmission France Musique de se faire leur avis sur cette œuvre assurément rare et intéressante, mais dont l'architecture ramassée et trop brutale n'a pas su remporter notre adhésion malgré le talents des interprètes.
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Affichage recommandé : 1280 x 800 Muse Baroque, le magazine de la musique baroque tous droits réservés, 2003-2014
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